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    Chronique de la campagne présidentielle – épisode 6

    Chaque week-end, nous publions une chronique de la campagne présidentielle. En commentant les faits marquants de la campagne, de notre point de vue qui est celui de communistes révolutionnaires ayant décidé de faire campagne pour la victoire de Mélenchon en 2022. Vous pouvez retrouver les précédentes chroniques sur le site de la Tendance Claire

    Au sommaire ce week-end :

    - Macron fait campagne pour la « réindustrialisation »… mais la casse de l’industrie et les licenciements continuent

    - Le débat important sur le « 100 % Sécu » s’invite (timidement) dans la campagne présidentielle

    - Des médias alternatifs à promouvoir face aux médias des milliardaires

    - Brèves : pass sanitaire, sondages de la semaine, primaire des Républicains

    Macron fait campagne pour la « réindustrialisation »… mais la casse de l’industrie et les licenciements continuent

    Macron et la plupart des candidat.e.s à l’élection présidentielle ne jurent que par la « réindustrialisation ». Mais derrière les discours, qu’y-a-t-il ? Pas grand-chose. Quand il travaillait comme banquier d’affaire chez Rothschild, Macron a oeuvré à différents montages financiers pour liquider le patrimoine industriel. Sous Hollande, il a été en première ligne dans la vente / démantèlement d’Alstom à General Electric. Et aujourd’hui, il voudrait nous faire croire que l’État est de retour pour mener une politique industrielle ambitieuse. C’est une imposture complète. Trois exemples l’illustrent parmi bien d’autres : la liquidation de la fonderie SAM, le triste épilogue de Whirpool et l’incapacité à mettre sur pieds une filière nationale de production de masques.

    La fonderie SAM (société aveyronnaise de métallurgie), qui avait été reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, a été placée le 16 septembre en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité jusqu’au 10 décembre. Cette entreprises de 350 salarié.e.s produit des pièces automobiles pour son principal client, Renault. La direction de Renault a indiqué le 23 novembre qu’elle ne soutiendrait pas le projet de reprise d’Alty-Sifa, porté par un ancien dirigeant de la fonderie, signant ainsi l’arrêt de mort de la fonderie.

    Alors que l’État est actionnaire de Renault (à hauteur de 15%), le gouvernement a laissé faire et s’est contenté de regretter le triste sort de la fonderie SAM, qui pourrait pourtant avoir un rôle important dans le cadre de la « transition écologique » puisqu’elle produit déjà des pièces pour les moteurs hybrides et électriques de Renault. Aussi, faute de repreneur, le tribunal de commerce de Toulouse a décidé le 26 novembre l’arrêt de l’activité.

    Bien sur, la gauche « dénonce » l’attitude du gouvernement qui laisse faire Renault, qui a été gavé d’argent public. Mais il ne suffisait pas de dénoncer ou d’espérer un repreneur : il faudrait défendre la nationalisation complète, sous contrôle des travailleurs/ses, de Renault et de ses fournisseurs afin de mettre en place une véritable filière publique de production d’automobiles.

    Autre symbole de l’imposture macronienne : Whirlpool. De façon piteuse, Macron est revenu rencontrer d’anciens salariés de Whirlpool le 22 novembre. Cette fois-ci, il ne pouvait pas faire le malin, comme en 2017 lors de la campagne électorale, puis en 2019. Il avait fait croire aux salarié.e.s qu’il les sauverait en « suivant le dossier » et en s’assurant de la viabilité des projets de reprise. Au final, c’est un fiasco, et des ex salarié.e.s de Whirlpool (fermé en 2018) sont toujours sur la touche. Macron n’a pu que bafouiller « Ça montre que malheureusement, la bonne volonté ne suffit pas. On s'est parfois fait prendre pour des imbéciles ». Les lave-linges sont partis en Pologne, et Macron affiche son impuissance. Nous ne lui ferons pas le crédit de la « bonne volonté » : il n’en a aucune pour les prolétaires. Il y a pourtant une solution qui s’imposerait si Macron ne voulait pas passer pour un « imbécile » : nationaliser les entreprises que les patrons veulent fermer ou délocaliser.

    Et que dire du scandale de l’échec de la mise en place d’une véritable filière nationale de production de masques ? En mars 2020, Macron avait proclamé son objectif de créer une filière française de production de masques. Il n’y avait en effet avant la crise sanitaire que 4 entreprises en France qui produisaient des masques, ce qui était très insuffisant pour couvrir la demande. Depuis, les capacités de production ont fortement augmenté avec une production hebdomadaire de 100 millions de masques début 2021 contre 4 millions début 2020. Alors que la demande de masques est toujours très forte, la filière française est en crise et tourne à 15 % de sa capacité de production ! Plusieurs entreprises ont fait faillite. Et pour cause, même les administrations publiques achètent en Chine : plus de 95 % des appels d’offres publics ont été affectés à des importateurs de masques fabriqués en Chine depuis l’été 2020. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils sont moins chers. D’autant plus que la Chine a baissé ses prix en subventionnant cette filière, pour maintenir son avantage concurrentiel.

    Pourtant, Macron avait décrété en mars 2020 que « des services doivent être placés en dehors des lois du marché ». Derrière la communication, il n’y a que le néant. La production de masques devrait être sortie de la loi du marché pour couvrir ce besoin fondamental. Il faudrait donc stopper les importations de masques et mettre en place une filière publique de production de masques. Cette production devrait être financée par les impôts, ce qui permettrait la fourniture gratuite de masques à la population.

    Enfin, le patronat profite de la crise pour s’attaquer aux conquis des travailleurs/ses de l’industrie. Ainsi, dans la métallurgie, l’UIMM (patronat de la métallurgie) veut revoir la convention collective pour payer les salarié.e.s en fonction du poste et non plus en fonction du diplôme. Ce serait bien évidemment une immense régression, car la déconnexion (partielle) du salaire du travail concret et de l’évaluation de l’employeur protège les salarié.e.s de l’arbitraire patronal. Le projet de convention collective prévoit aussi une hausse du contingent d’heures supplémentaires et une annualisation du temps de travail, avec des semaines culminant à 48 heures. Jeudi 25 novembre, environ 6 000 travailleurs/ses de la métallurgie ont manifesté contre ce projet de nouvelle convention collective et pour des hausses de salaires.

    Le débat important sur le « 100 % Sécu » s’invite (timidement) dans la campagne présidentielle

    Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a planché sur différents scénarios de réforme de l’assurance maladie. Un rapport provisoire a été écrit et présenté lors d’une séance le 18 novembre. Le rapport esquissait plusieurs scénarios dont le scénario de « Grande Sécu ». Ce scénario prévoit un remboursement à 100% des dépenses de santé (du moins d’un certain panier de biens) par l'assurance maladie, entraînant la fin des mutuelles et assurances complémentaires sur ces dépenses et la généralisation du tiers pays (dispense de frais). Ce rapport a suscité une levée de boucliers de la part des mutuelles, des assurances (menacées dans leur existence !), de syndicats de médecins libéraux (alimentant le spectre de la fonctionnarisation), mais aussi de syndicats comme la CFDT, la CGC et FO. Toutes ces organisations défendent un statut quo et ont réussi à bloquer la sortie de ce rapport provisoire.

    Il y a pourtant de très bons arguments pour en finir avec le système des complémentaires : une partie de la population n’a pas accès aux complémentaires et est donc très mal remboursée, d’autant plus que les remboursements par la Sécurité sociale ne cessent de diminuer. D’autre part, les frais de gestion des complémentaires sont beaucoup plus importants que ceux de la Sécurité sociale. Et pour cause : 40 % de leurs frais de gestion environ est consacrée à la recherche de nouveau clients (publicités, marketing, démarchages…). D’immenses économies sur les frais de gestion seraient donc effectués avec la disparition des complémentaires et la mise en place d’une grande Sécurité sociale. Mais bizarrement les pourfendeurs des normes et autres lourdeurs bureaucratiques (comme Xavier Bertrand) ne trouvent à redire au système actuel très complexe et ne voient pas d’un bon œil cette réforme de « simplification ».

    Il se disait que Macron et Véran voulaient promouvoir un projet de « Grande Sécu » (mais ils ont fait machine arrière depuis). Mais il y avait une entourloupe et certains projets de « Grande Sécu » peuvent en fait s’avérer très dangereux pour les raisons suivantes :

    - d’une part, parce que le financement ne se ferait pas par un surcoît de cotisations, mais par une hausse de la CSG (qui remplacerait les primes payées aux organismes complémentaires) d’une vingtaine de milliards  : ce serait donc principalement les salarié.e.s (et non les patrons) qui financeraient cette extension de la Sécurité sociale qui serait alors complètement étatisée.

    - d’autre part, le remboursement par la Sécurité sociale passerait à 100 %… mais sur un panier de soins limités. On aurait donc une médecine à deux vitesses : un panier de base pris en charge par la Sécu, et un panier premium pour celles et ceux qui auraient les moyens de se payer une assurance privée.

    Face à ces projet, il faut défendre une Sécurité sociale qui rembourse intégralement tous les soins, financée exclusivement par une hausse des cotisations patronales, et qui rendrait donc inutile tout recours à un organisme complémentaire. Les personnels des organismes complémentaires devraient bien évidemment être reclassés dans les effectifs de la Sécurité sociale ou dans d’autres organismes.

    Ni statut-quo, ni « Grande Sécu » à la sauce macronienne : une Sécurité sociale intégrale couvrant à 100 % tous les besoins de santé avec un financement exclusif par les cotisations.

    Des médias alternatifs à promouvoir face aux médias des milliardaires

    Les grands médias mainstream sont entre les mains de quelques milliardaires qui roulent pour Macron ou l’extrême-droite. Sur ces grands médias, il est quasiment impossible de continuer à faire un véritable travail de journalisme, des enquêtes de qualité. A minima, il serait urgent de revenir aux ordonnances de 1944, qui stipulent que personne ne peut être propriétaire de plusieurs médias et que quelqu’un qui vit de la commande publique ne peut évidemment pas posséder une chaîne, une radio, un titre de presse. Mais il faudrait surtout penser à sortir la production d’informations de la logique capitaliste. C’est le projet par exemple d’une Sécurité sociale de l’information, avec mise en place d’une cotisation information qui financerait des médias non capitalistes.

    En attendant, il est important de s’informer et de soutenir des médias alternatifs qui cherchent à produire une information indépendant des intérêts capitalistes. On peut citer notamment :

    - « Le Média » qui a subi plusieurs crises internes, mais qui continue à mettre en ligne des entretiens et qui produit des enquêtes intéressantes, notamment sur la Françafrique. Le Média a récemment lancé une émission matinale quotidienne pour offrir une alternative aux matinales mainstream.

    - « Blast » fondé par Denis Robert, qui est un site internet très ambitieux, avec des émissions de qualité sur l’économie et l’écologie, des enquêtes fouillées

    - « Quartier général » fondé par Aude Lancelin. Le média est « pro gilets jaunes » et organise essentiellement des entretiens et des débats.

    - « Frustration Magazine » qui est un magazine radical dans sa critique du gouvernement, de la bourgeoisie, de ses codes, de son fonctionnement. Actuellement en campagne d'appel aux dons, c’était au départ un magazine papier, puis ils sont passés entièrement au web et se relancent dans l'aventure papier. Ils produisent d'excellentes analyses pédagogiques utiles à notre classe.

    - « StreetPress » qui s'est récemment beaucoup fait remarquer pour son travail d'investigation et de reportages essentiels sur les activités de l'extrême-droite. Ils ont également lancé une campagne d’appel aux dons.

    - Le « Bondyblog »  qui est un excellent magazine en ligne. Ils produisent de l'éducation aux médias mais ont également fait d'excellents reportages et enquêtes, notamment celle qui a permis de combattre les mensonges et calomnies sur le fameux café de Sevran sur lequel la classe politique et médiatique avait mené une n-ième campagne islamophobe.

    Brèves

    A l’heure où le gouvernement a décidé de conditionner le maintien du pass sanitaire à l’injection d’une troisième dose au plus tard 7 mois après les deux premières (avec comme dates butoirs le 15 décembre pour les plus de 65 ans et le 15 janvier pour les autres adultes), une moitié des Français est opposée à la suspension du pass sanitaire pour les personnes refusant la troisième dose. Dans le détail, on observe que 60 % des moins de 50 ans, des ouvriers, employés y sont opposés, et que ce sont les cadres supérieurs et les retraités qui y sont le plus favorables. Et ce sont les sympathisants de la France insoumise qui y sont le plus largement opposés (à 67%).

    Dans les sondages cette semaine (Harris, Elabe, Cluster, Ifop, peu de changements, si ce n’est, au sein de l’extrême-droite, la baisse de Zemmour et la hausse de Le Pen. La campagne de Zemmour pâtine : les soutiens se font de plus en plus discrets (comme Villiers qui a annoncé son refus de participer au meeting du Zénith… pour ne pas « nuire à la réputation du parc du Puy du fou ») ; des affaires glauques font surface ; sa visite de Marseille en fin de semaine a été un fiasco ponctué par un "doigt d'honneur" ; à cela s’ajoute la « révélation » de Closer qui annonce que la conseillère de Zemmour, Sarah Knafo, attend un enfant de Zemmour, ce bon père de famille attaché aux valeurs familiales…

    Du côté de l’Union populaire, Mélenchon est stationnaire dans le sondage Harris (10 %) et Ifop (autour de 8 %) et en progression chez Elabe (9 %, +1 point), et chez Cluster (12 %, +1 point). Dans ce dernier sondage, Mélenchon est donné en tête chez les moins de 25 ans (34%) et chez les ouvriers (22%).

    Sprint final et incertitude du côté de la primaire interne des Républicains (le vote aura lieu samedi 4 décembre). Le corps électoral est de 150.000 votant.e.s avec environ la moitié qui a cliqué sur internet ces dernières semaines et payé quelques euros pour devenir « membre des Républicains ». Difficile de faire des pronostics, mais le candidat favori des cadres du parti (Barnier) a fait pâle figure dans les trois premiers débats de la primaire. Bertrand et Pécresse ont tenté de faire oublier leur départ de LR en raison de la ligne « droitière » de Wauquierz… en multipliant les propositions plus réactionnaires les unes que les autres. Wauquiez ne s’est d’ailleurs pas privé de se « réjouir » de ces revirements : « je me réjouis que l’on se retrouve désormais tous sur une matrice commune qui est celle à laquelle j’ai toujours cru: une droite qui assume ses valeurs, qui fait l’effort d’être de droite » ; « il y a des yeux qui se sont ouverts, des prises de conscience qui ont eu lieu, des pensées qui ont changé ». Mais à ce petit jeu de celui qui sera le plus à droite, c’est Eric Ciotti qui a le mérite de la constance sur ce terrain nauséabond. Alors que ses chances paraissaient quasi-nulles, il pourrait réaliser un tabac auprès des militants les plus radicalisés, et prendre des voix à Barnier.

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