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Six mille salariés de la métallurgie ont manifesté jeudi à Paris
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Six mille salariés de la métallurgie ont manifesté à Paris, jeudi, à l’appel de la CGT, pour protester contre la future convention collective du secteur concoctée par l’UIMM.
Le thermomètre indique 7 degrés et un ciel hostile nargue les manifestants rassemblés autour de la place de Clichy, ce jeudi. Mais il en fallait plus pour entamer le moral de 6 000 « métallos » gonflés à bloc : ce n’est pas tous les jours qu’une négociation concernant l’avenir de 1,4 million de salariés entre dans sa dernière ligne droite… L’UIMM, puissant patronat du secteur, a la ferme intention de boucler avant la fin de l’année la refonte de la convention collective entamée il y a déjà cinq ans, riche de multiples enjeux : temps de travail, rémunération, statuts, etc.
Il y a de quoi se lever tôt. Ce matin-là, Guillaume Irasque a sauté dans un TGV, à 6 h 34, afin de gagner Paris depuis Bordeaux. L’horaire matinal ne l’effraie pas : « On a l’habitude, c’est l’avantage de bosser en 3×8 », ironise-t-il. Guillaume travaille chez Stryker, une grosse boîte américaine spécialisée dans la fabrication de matériel médical. Son usine, basée à quelques kilomètres de Bordeaux, conçoit des implants pour le dos. Coiffé d’un couvre-chef rouge vif siglé CGT, il est venu marcher avec ses collègues jusqu’au siège de l’UIMM, à deux pas de la place des Ternes, dans un des quartiers les plus cossus de la capitale. But de l’opération : « remettre » au patronat 65 000 pétitions signifiant le refus de la convention collective dans les tuyaux. Ce qui fait le plus enrager Guillaume, c’est le sort réservé par le texte à la qualification des travailleurs : « Aujourd’hui, nous sommes payés en fonction de notre diplôme ; demain le patronat aimerait nous payer en fonction du poste que nous occupons, selon une nouvelle classification qui l’arrangera. C’est d’ailleurs ce qu’ils mettent en place sur le terrain. Chez nous, la direction passe son temps à nous dire que les gens ne sont pas assez compétents, mais elle refuse de payer les gens comme il se doit . Un nouvel embauché spécialisé en commandes numériques de machines-outils sera recruté à peine plus cher que le Smic… »
Hausse des heures supplémentaires, réduction des primes d’ancienneté
13 heures. Le cortège se met en marche vers l’avenue de Wagram. L’ambiance musicale est assurée par la sono d’un des camions CGT, qui alterne entre « tubes » de manif ( « On lâche rien, on lâche rien… ») et slogans cadencés énergiquement par un des orateurs du jour. La convention collective concoctée par l’UIMM inquiète les salariés, qui redoutent à la fois une augmentation des heures supplémentaires, une baisse de la reconnaissance et une réduction drastique des primes d’ancienneté, de l’ordre de 15 %. Mais, ce jour-là, chez des salariés venus de nombreuses entreprises à travers la France – PSA, Renault, Safran, fonderies automobiles, Thales, Valeo, etc. –, les discussions débordent très largement le cadre des négociations. Tous se disent confrontés à un patronat de plus en plus dur, obsédé par des objectifs financiers qui déstructurent les collectifs de travail et menacent l’emploi. « Il fut un temps où, lorsqu’un site fermait, c’était parce qu’il n’était pas viable ; aujourd’hui, c’est simplement parce qu’il ne réalise pas assez de profits », résume, amer, Roland Ruiz, 58 ans. Il sait de quoi il parle, pour avoir vécu de l’intérieur la fermeture du site de PSA Aulnay, annoncée en 2012. Il y a quelques mois, après une longue carrière dans l’automobile, Roland Ruiz a préféré raccrocher, malgré un boulot qu’il adorait. « Pendant des années, j’étais sur ma moto à 4 heures, tous les matins, pour aller à l’usine, raconte-t-il. Les horaires de dingue finissent par vous épuiser. Mais j’ai tenu à venir aujourd’hui, pour soutenir les gars. »
L’actualité sociale occupe, forcément, tous les esprits. « En ce moment, les salariés subissent la loi de donneurs d’ordres qui ont droit de vie ou de mort sur leurs sous-traitants, explique Denis Bréant, responsable du secteur automobile à la CGT métallurgie. C’est ce que sont en train de vivre les salariés de la SAM (voir notre édition de ce mercredi – NDLR), cette fonderie sacrifiée par Renault, qui préfère faire produire ses pièces ailleurs. En moyenne, un emploi industriel représente quatre emplois induits : à chaque fois, ce sont donc des territoires entiers qui sont fragilisés. C’est aussi pour ça qu’on marche aujourd’hui. »
Le cortège a fini par atteindre son objectif, protégé par un dispositif impressionnant : un cordon de policiers barre l’accès à la place des Ternes toute proche, occupée par des dizaines de camions de CRS et plusieurs équipes de Brav (brigades motorisées). « Ils défendent l’UIMM comme si c’était l’Assemblée nationale », lâche un manifestant goguenard. Si certains espéraient échanger quelques mots avec des représentants patronaux, ils en seront pour leurs frais : les rideaux de fer du bâtiment ont été prudemment baissés. Qu’importe, Frédéric Sanchez, secrétaire général de la FTM CGT, juge l’action « plus que réussie » : « La mobilisation d’aujourd’hui est tout sauf un baroud d’honneur. Cette semaine, nous lançons une consultation en direction de l’ensemble des salariés du secteur, pour leur demander leur avis sur le texte en discussion. S’ils répondent à l’appel, cela nous aidera pour peser dans le rapport de forces. »