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Acte 4 des Gilets Jaunes a Paris : le soulèvement en marche
Christophe CastaGNEUR avait annoncé un dispositif policier hors norme pour contenir la nouvelle mobilisation des gilets jaunes et pour effacer l’humiliation du 1er décembre où la police a été débordée. 89.000 flics étaient déployés sur tout le territoire et plus de 8000 à Paris, particulièrement pour sécuriser les points chauds, c’est à dire les zones abritant les lieux de pouvoir et les grands magasins1. Au delà des habituels CRS, ce sont plusieurs canons à eau et des blindés de la gendarmerie qui ont été déployés, ainsi que de nombreuses unités mobiles spécialisées pour l’intervention dans les manifestations, c’est-à-dire pour le contact et les interpellations. En un mot, c’est un dispositif incroyable qui a été mis en place, avec l’objectif de casser par tous les moyens les rassemblements, comme en témoigne la note de la préfecture de police qui avait fuité vendredi soir2.
Dès le matin, les médias annonçaient des centaines d’interpellations pour donner finalement le chiffre officiel de 1.082 personnes arrêtées, dont 900 placées en garde à vue. Ce fut une véritable opération visant à terroriser quiconque tenterait de venir manifester. Dans la très grande majorité des cas, le port d’un simple masque à gaz vendu une quarantaine d’euros suffisait comme motif d’interpellation. Le ministère de l’intérieur a donc mis toutes ses forces pour empêcher les gilets jaunes de manifester à Paris, tant par une propagande médiatique qui a inlassablement tenté d’opposer « casseurs » et gilets jaunes « responsables » que par une politique du tout répressif.
Pourtant, la police a de nouveau été débordée ce samedi. La détermination des gilets jaunes n’est plus à démontrer, mais mérite bien qu'on insiste sur elle et qu'on la salue. Dès le matin, des groupes ont tenté de rejoindre les Champs Elysées puis c’est dans toute la ville qu’ont eu lieu des rassemblements, des manifestations sauvages (entendues comme manifestations sans parcours déposé en préfecture), des affrontements contre la police. Saint-Lazare, Madeleine, Opéra, Concorde, République, Strasbourg Saint Denis, Rivoli, partout dans Paris se répandait le souffle de la révolte qui emporte tout sur son passage. Péniblement, un hélicoptère faisait des aller et retours pour tenter de rendre compte de la situation afin de faire se déplacer les troupes. C’était finalement peine perdue tant le mouvement était diffus : dans la majorité des situations, les flics se sont contentés de protéger les lieux pré-cités, délaissant pour cela des avenues entières qui ont été laissées à disposition de qui voulait casser, qui voulait construire des barricades, qui voulait discuter et rigoler. Dans une ville fantôme, partout nous avons pu circuler.
Il s’agit bien d’une situation de crise, et nous sommes pour forcer la crise.
Les chiffres sont impossibles à vérifier dans la mesure où sans cesse des petits groupes s’agrégeaient pour en agréger d’autres, avant de s’éclater de nouveau. Pourtant, CastaGNEUR a dû se rendre à l’évidence en annonçant les mêmes chiffres que la semaine dernière, ce qui montre bien que la mobilisation reste massive, bien plus que ce qu’il annonce par ailleurs3. Malgré la répression, la volonté sans faille de virer Macron - qui dépasse de loin celle de supprimer la taxe sur les carburants – surgit dans les rues de Paris et partout en France. De l’aveu même d’Hidalgo4, maire de Paris, il y a eu autant de casse que la semaine précédente. Il ne s’agit pas ici de disserter sur la casse (notons juste avec beaucoup d’intérêt que ces dernières journées elle a ciblé nettement les symboles de luxe et de pouvoir), mais bien de mettre en évidence que malgré une ultra-sécurisation, nous, gilets jaunes, n’avons pu être contenus. C’est une très belle réussite.
La radicalité des gilets jaunes semble le reflet inverse du recul du mouvement ouvrier organisé ainsi que son intégration systématique à l’appareil d’État par le dialogue social. Au milieu des batailles défensives défaites, des compromis avec les gouvernements, des journées d’actions sans perspectives et grèves saute mouton ou perlées, l’irruption des gilets jaunes dit aussi : assez de discussions, assez de négociations, assez d’arrangements. C’est aussi pour ça que ce mouvement est réfractaire voire anti « représentativité ». Personne ne veut aller à l’Elysée discuter avec Edouard Philippe, car personne ne veut une fois de plus se faire embrouiller par quelques promesses au rabais, censées acheter la paix sociale. Dans la situation, la politique criminelle des directions syndicales qui refusent d’appeler à la grève de masse après presque un mois de mouvement creusera des fractures encore plus importantes entre ces bureaucrates à la dérive et de larges franges du prolétariat. Cependant, pour prendre la relève, non pas pour récupérer mais bien pour marcher coudes à coudes avec les gilets jaunes, la grève de masse est cruciale a l’heure actuelle. Nous saluons et félicitons toutes les unions locales ou départementales qui prennent leurs responsabilités et qui désavouent les politiques de leur directions pour rejoindre le mouvement. Il faut dès maintenant entraîner le prolétariat en tant que tel et dans son ensemble dans cette lutte puissante contre Macron et ce qu’il représente.
Nous nous félicitons aussi de la présence de plus en plus nombreuse de collectifs organisés (Intergare, Comité Justice pour Adama…) ainsi que de celle du NPA. Cependant, on doit tirer un constat amer de la journée du 8 décembre : les forces militantes organisées ont défilé de leur côté, de façon nettement séparée des gilets jaunes venus spontanément. Ce n’était certes pas voulu puisque le but était de former d’abord des cortèges et ensuite de rejoindre les points de concentrations de gilets jaunes, mais le dispositif policier a de fait réussi sur ce point : il a empêché la jonction. Il nous faut tirer collectivement un bilan critique de cet état de fait qui nous a cantonné dans l’entre soi militant, pour réussir à intervenir non pas en soutien aux gilets jaunes mais bien avec les gilets jaunes. Soulignons que si nous avions depuis le 17 novembre pris à bras le corps cette question, nous serions aujourd’hui beaucoup plus facilement « immergés » dans le mouvement.
Dans une allocution, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a déclaré que le soulèvement qui dure depuis plus de trois semaines est une « catastrophe économique »5. C’est une très bonne nouvelle car c'est bien lorsque nous tapons là où ça fait mal, c’est-à-dire dans les profits, que la bourgeoisie prend peur. Il faut taper encore plus fort, car cette classe de parasites, qui se nourrit de notre misère, c’est bien à terre que nous voulons la voir, et non pas seulement à genoux. Partout, la classe politique se sent traquée, acculée, dos au mur. Les soutiens à Macron tremblent à vue d’œil et ce malgré la contre attaque idéologique et politique mise en place la semaine dernière avec, main dans la main, éditorialistes, politiques, journalistes, petits et grands patrons. Toute cette armée de parasites s’affole, scandant des appels au calme que personne n’entend. A force de mensonges, de trahisons, de casse sociale, d’exploitation, à force d’en vouloir toujours plus, ils ont donné naissance non pas à un monstre comme le disait Castaner6, mais bien à un formidable soulèvement protéiforme qui nous permet enfin de relever la tête. Pour que l’Acte 5 qui aura lieu samedi prochain soit une réussite encore plus grande, il faut que d’autres fractions du prolétariat entrent en mouvement, par la grève. Avec les dockers, les routiers/ières, les métallos, les raffineries et bien d’autres, nous franchirons un cap significatif, qui s’avérera être une puissance décuplée contre Macron.
Rejoignons en masse les gilets jaunes, participons au développement de la conscience de classe du mouvement, faisons tomber Macron et son monde !
Crédit photo : Martin Noda
1https://www.bfmtv.com/police-justice/gilets-jaunes-8000-policiers-pour-securiser-14-zones-a-risques-samedi-a-paris-1583328.html
2https://paris-luttes.info/le-dispositif-gilets-jaunes-de-la-11242
3https://tendanceclaire.org/article.php?id=1485
4https://www.europe1.fr/politique/gilets-jaunes-hidalgo-deplore-des-scenes-de-chaos-a-paris-3816632
5https://www.lepoint.fr/societe/gilets-jaunes-une-catastrophe-economique-pour-bruno-le-maire-09-12-2018-2277709_23.php
6https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/gilets-jaunes-un-monstre-a-echappe-a-ses-geniteurs-dit-castaner-3417f86c353cbe993092db99c8164392