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      Syndicats : la bureaucratie est toujours là

      Par Julien Varlin (17 avril 2016)
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      En ces temps de lutte contre la « loi travail », chacun-e peut constater que les syndicats représentent encore les plus gros bataillons des manifestant-e-s et des grévistes, malgré leur état de crise (taux de syndicalisation historiquement faible, vieillissement...).

      Pour que les travailleur-se-s acceptent de prendre sur leur temps et/ou sur leurs revenus en faisant grève, il est logique qu’ils/elles aient besoin de se coordonner, de se fixer des dates communes pour se mobiliser.

      Nécessairement il y a donc des directions. Mais là où elles devraient être des émanations directes de la base, connectées à leurs revendications, elles sont au contraire cristallisées en une véritable couche sociale distincte. Celle de gens qui sont permanent-e-s depuis des années et qui subissent beaucoup moins la pression du marché du travail. Celle de gens qui sont proches de la trésorerie et qui ne veulent plus trop mordre la main du système qui les nourrit (les cotisations ne représentent que 4 % des recettes...)1. Celle de gens qui fréquentent plus souvent les patrons ou l’administration que leurs collègues. La bureaucratisation touche toutes les organisations ouvrières de masse, tant qu’un mouvement révolutionnaire ne parviendra pas à la renverser en même temps que tout le système.

      Bien sûr il y a des nuances, des « bureaucrates intermédiaires », des individus concrets qui sont à la croisée des illusions réformistes sincères et du phénomène de bureaucratisation, etc. Mais il est important de rappeler contre quel obstacle structurel on se bat.1  

      Il y a bien sûr une différence entre un syndicalisme type CFDT / CFTC / CGC qui accepte systématiquement de négocier des reculs, et un syndicalisme combatif type CGT. Mais nous devons bien garder à l’esprit que le noyau dirigeant de la CGT est aussi un obstacle. S’il ose moins trahir, c’est surtout qu’il doit composer avec une base qui n’accepterait pas n’importe quoi. L’affaire Le Paon a rappelé s’il le fallait que leur train de vie n’est pas le nôtre. Et plus récemment, on a vu que l’État sait renvoyer l’ascenseur pour services rendus : Hollande s'apprête à nommer Le Paon président d'une agence contre illettrisme, et Stéphane Lardy (haut responsable de FO) à l'IGAS (inspection générale des affaires sociales), comme Chérèque précédemment.2 C'est une planque qui leur rapportera environ 10 000 € par mois.

      Quels services rendus ? Les gouvernements préfèrent évidemment la CFDT à qui ils n’ont qu’à tendre le stylo pour signer. Mais ils doivent aussi une fière chandelle aux bureaucrates de la CGT, qui peuvent mettre du monde dans la rue et s’en servir pour négocier avec le gouvernement, mais qui n’ont au fond aucune envie que le mouvement ouvrier aille « trop loin ». Manuel Valls a déjà eu l’occasion de le dire clairement : « La colère des ouvriers doit être canalisée par les syndicats »3.

      Olivier Besancenot répète souvent dans les médias que le problème est le lien entre les syndicats qui n’osent pas se battre contre un gouvernement de gauche comme ils se battent contre la droite. Les liens entre les bureaucrates syndicaux et la bureaucratie du PS sont bien sûr plus forts, mais en insistant là-dessus, Olivier fait comme si, par exemple, la CGT de Bernard Thibaut avait tout fait pour faire tomber la réforme des retraites de 2010. On se souvient pourtant des journées d’action très espacées, sans perspective, alors que des millions de travailleur-se-s s’étaient mobilisé-e-s et certain-e-s très déterminé-e-s. On se souvient des travailleur-se-s des raffineries qui concentraient toute l’attention, et qui ont été seul-e-s face aux CRS, sans réaction de la direction CGT. Thibaut disait « La question n’est pas de durcir [le mouvement] mais d’obtenir des inflexions en matière économique et sociale ». Et c’est Sarkozy qui a finalement le mieux expliqué la logique profonde des bureaucraties syndicales, en leur exprimant sa gratitude :

      « Hommage soit rendu aux forces syndicales dans notre pays, nous avons fait cette réforme considérable des retraites sans violence. (…) Les Français peuvent être fiers. Ils ont manifesté leur différence, leur inquiétude, mais en se respectant les uns les autres. Et je ne partage pas votre avis. Les syndicats ont été responsables. (…) Woerth, à qui je veux rendre un hommage signalé, a eu 56 réunions avec les organisations syndicales, qui lui ont dit dès le départ : nous, nous n’assumerons pas l’impopularité de cette réforme. Et je les comprends. C’est au gouvernement de le faire. » 4

      Face à l’accélération des attaques anti-sociales, on perd notre sang froid ! Face à la colère de nombreuses sections syndicales, les dirigeant-e-s sont obligés de tenir un discours plus ferme. Mais si Philippe Martinez ou Jean-Claude Mailly étaient vraiment dans notre camp, on les verrait bien plus énervés face à la terrible régression sociale que prépare la loi El Khomri. Et on les verrait en première ligne pour amorcer un « tou-te-s ensemble », pour poser clairement l’objectif de la grève générale reconductible, et en cessant toute discussion dans les salons gouvernementaux.


       

      1Cf. notre article Les révolutionnaires et les syndicats

      2Social blog Le monde, Des nominations qui tombent à pic pour des syndicalistes de la CGT et de FO, 6 avril 2016

      3Europe 1, Valls : La colère des ouvriers doit être canalisée par les syndicats, 7 février 2013

      4Journal télévisé de TF1 du 16 novembre 2010

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