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Tribune Libre de la TCJ : Caractérisation de la Jeunesse et nécessité de son organisation autonome
Préambule :
Ce texte est une tribune des camarades de la TCJ mettant en avant une position minoritaire en interne de la TC. Il n'a pas vocation à trancher sur l'ensemble des questions liés à l'âge mais bien de commencer à le faire sur celles liées à la Jeunesse (ce qui n'enlève rien à l'intérêt d'élaborer sur l'ensemble de ces questions). Par ailleurs, il s'inscrit en grande partie dans la continuité du texte du CRI et de la camarade Laura Fonteyn de Septembre 2007, dont il reprend de nombreuses thèses sans le rejoindre complètement.
I/ Qu'est-ce que la jeunesse ?
Il ne s'agit pas ici de prendre la jeunesse comme catégorie biologique correspondant à une étape du développement corporel. Mais plutôt comme groupe social et catégorie d'âge socialement construite sur des bases ne correspondant pas uniquement au nombre d'années vécues, catégorie comprise entre l'enfance et "l'âge adulte", et ayant une histoire. Dans ce texte qui a pour but de donner une orientation conjuguée au présent concernant cette jeunesse en France on s'intéresse à ce qu'elle est dans le système capitaliste et encore plus spécifiquement à proximité temporelle et géographique de nous.
Cette jeunesse est interclassiste c'est à dire que puisque c'est une catégorie d'âge elle est composée de jeunes issues de la bourgeoisie ou de la classe ouvrière et de jeunes destiné.e.s à faire partie de la classe ouvrière ou de la bourgeoisie. Mais pour une grande partie d'entre elle, quand elle est en formation, sa destination sociale n'est pas totalement fixée, ce qui sans en faire un groupe social homogène (loin s'en faut) participe à lui donner quelques caractéristiques communes.
A/Un groupe social victime d'une oppression spécifique
Les Jeunes en tant que Jeunes connaissent une oppression spécifique, oppression qui diffère de façon importante selon qu'illes soient issu.e.s et à destination de la classe ouvrière ou de la bourgeoisie, mais qui les touchent en partie dans leur ensemble.
1/ La Précarité comme "essence de la jeunesse"
La bourgeoisie recherche structurellement à faire un maximum de profit. Pour se faire elle cherche spécialement à augmenter son taux d'exploitation, cela passe notamment par deux tactiques :
1/Diviser la classe ouvrière en différents groupes ayant des statuts différenciés justifiées idéologiquement, et donc plus de difficultés à s'unir pour lutter ensemble. Et ainsi moins de capacités à faire baisser le taux d'exploitation des capitalistes.
2/Constituer des groupes dans cette classe ouvrière où la plus grande précarité, le salaire moins élevé par rapport à la moyenne est justifiée idéologiquement. Et donc le taux d'exploitation augmente.
La Jeunesse constitue un de ces groupes que la bourgeoisie a toujours tenté de précariser particulièrement. Les exemples historiques ne manquent pas :
-En 1959, en France 300 000 ouvriers agricoles de - de 25 ans (sur 685 000 exerçant une profession agricole) n'avaient aucun statuts juridiques étant considérés comme des "aides familiaux" et n'avaient aucune garantie d'obtenir un salaire ni même une formation. Ce n'est qu'en 1973 que ces 2 choses leur ont été accordés.
-Dans les années 60, en France, 250 000 jeunes étaient "apprentis", leurs rémunérations n'étaient pas encadrés par la loi, ils pouvaient donc n'être que très peu voire pas payé.e.s
-Toujours en France, en 1960, deux tiers des jeunes entre 14 et 20 ans travaillaient dans l'industrie ou dans les bureaux. Les arrêtés ministériels "Parodi-Croizat" signés en 1946 par l'état, les représentants des patrons, et les syndicats avaient officialisés les "abbatements âge". A travail égal les 14-15 ans gagnaient 50% de salaire en moins, 40% pour les 15-16 ans, 30% pour les 16-17 ans et 20% pour les 17-18 ans.
-En 1984 le gouvernement Mittérand-Fabius met en place les TUC (Travaux d'Utilité Collective") et les SIVP (Stages d'Initiation à la Vie Professionnelle) que 2 millions de jeunes subissent. Il s'agissait de 20 heures de travail pour les capitalistes ou les collectivités locales payé 1/4 du SMIC.
Aujourd'hui encore la précarité de la Jeunesse est encore institutionnalisée :
-Par exemple le statut de Stagiaire est un statut clairement mis à part dans le droit du travail. Il apparaît à son livre 9, et il est rejeté du salariat ce qui signifie qu'il est "hors des conventions collectives, hors de la législation du travail, celle du SMIC en particulier, hors de la fonction publique, hors des effectifs déclarés par l’entreprise, hors de toute protection sociale normale — retraite, Sécurité sociale… " (Michel Sérac, Têtes de T.U.C. Nouveaux chantiers de jeunesse, main-d’œuvre à bas prix : les “stages” pour jeunes, Paris, Selio, 1989, p. 15. ). Et par exemple aujourd'hui en dessous de deux mois de stage aucun salaire n'est obligatoire et au dessus il est compris entre 504 et 554,40 euros par mois pour un temps plein c'est à dire un peu plus d'1/3 du SMIC.
-Le statut d'apprentis suit la même logique et par exemple si on a moins de 18 ans et qu'on est en 1ere années d'apprentissage on touche 25% du SMIC.
Bien sûr cette précarité des jeunes dépasse le cadre institutionnel et se retrouve dans l'ensemble du monde du travail. Là aussi les exemples ne manquent pas. Selon une étude de l'INSEE de Juin 2016, les 18-24 ans gagnent en moyenne 1060 euros, 75 euros de moins que le smic, deux fois moins que le salaire moyen de la population active globale. Le chômage des jeunes est de 25% contre 10% pour l'ensemble de la population, 50% des jeunes de 15 à 24 ans ont des contrats précaires contre 13% des 25-49 ans...
Cette précarité de la Jeunesse et son institutionnalisation sont justifiés idéologiquement de plusieurs façon :
-Par exemple pour justifier un taux de chômage haut les jeunes sont souvent ramené.e.s à une paresse qui leur serait essentiellement attaché
-Leur précarité en général et son institutionnalisation en particulier est souvent défendu en expliquant que les jeunes produisent moins que leurs aînés car ils ont moins d'expérience. Et que cette recherche d'expérience leur étant bénéfique justifie leur situation précaire. C'est par exemple une bonne partie de l'explication de la sortie de Macron en Novembre 2016 qui pour défendre une temps de travail plus important pour les jeunes avait expliqué : "Quand on est jeune, 35 heures ce n'est pas assez. On veut travailler plus, on veut apprendre son job."
(...)
La précarité ne touche pas toute la jeunesse mais seulement la jeunesse issu.e.s et/ou dont la destination est la classe ouvrière. Mais d'une part les outils idéologiques utilisés pour justifier cette précarité touchent l'ensemble de la Jeunesse et d'autre part, une autre partie de l'oppression des jeunes prenant ses sources dans l'enseignement bourgeois et dans la sphère familiale, la touche là aussi dans son ensemble.
2/La soumission aux non-jeunes une nécessité bourgeoise
L'enseignement bourgeois a notamment pour rôle d'apprendre les compétences nécessaire à la productivité des futur.e.s travailleur.se.s et aux tâches de gestion et autres des futur.e.s bourgeois.e.s et de leur supports.
Mais il a aussi pour objectif de former au respect de la société bourgeoise sa hiérarchie et son état. Dans le cadre de l'enseignement, l'adulte, le maître, la maîtresse, le/la prof, l'enseignant.e, bref le non-jeune sert de représentation à l'état mais aussi au chef d'entreprise. Et la déférence la soumission verticale aux paroles des premiers (symbolisé par exemple par l'obligation de se lever à chaque entrée d'adultes dans de nombreux collèges et lycées) sert à amener les jeunes à se soumettre aux derniers.
La même logique se retrouve dans le cadre de la famille croisé avec une dimension patriarcale (le respect de la domination des parents mais surtout de l'homme).
3/Des contres exemples qui n'en sont pas
Cette oppression a parfois tendance à être minorisé au sein des organisations marxistes révolutionnaires. Plusieurs types d'arguments peuvent être mobilisés. Des plus malhonnètes aux plus intéressants je pense qu'ils sont tous globalement faussés, et qu'ils n'invalident en rien la réalité et la force de cette oppression.
Des exemples microsociologiques pour tenter d'attaquer des réalités macrosociologiques
Des exemples les moins intéressants, car très ciblés sur un cas individuel, du genre "dans mon entreprise tel jeune a connu une élévation hiérarchique au dépend de tel non-jeune". Aux exemples plus recherchés : "certains managers théorisent la nécessité de faire grimper plus rapidement les jeunes car illes peuvent avoir une plus grande capacité d'adaptation, ou avoir une plus grande facilité avec les outils numériques et donc être plus productif", ou, "sur telle tâche reconnue socialement c'est plutôt des jeunes qui sont pris.e.s"... Ce genre de procédées réthoriques peuvent être utilisés. Mais ils n'invalident en rien les réalités structurelle et globale de précarité et de domination symbolique, développées plus haut, touchant spécifiquement la jeunesse.
En réalité dans nos organisations marxistes révolutionnaires sont à minima de mauvaise foi. Nous pensons les exploitations et les oppressions que nous combattons comme des exploitations et des oppressions structurelles. C'est ce qui nous amène en partie à porter par exemple (et heureusement) que la racisme anti-blanc n'existe pas. Non pas que de façon disséminé et peu importante il n'existe pas de comportements s'attaquant aux blancs. Mais parce que ces comportements n'ont globalement rien de structurels et surtout ne décrivent en rien une oppression globale. Les exemples individuels agités par nos ennemies politiques ne sont en rien des preuves qui viendraient même un peu amoindrir le racisme touchant les non-blanc.he.s. Et bien la logique est la même quand il s'agit de l'oppression des jeunes.
La jeunesse structurellement associée à la beauté au dynamisme... Et ?
Une autre ligne argumentative visant souvent à abaisser la réalité de l'oppression des jeunes passe par le rappel de l'association symbolique de cette jeunesse à des valeurs parfois méliorative comme la beauté, le dynamisme... C'est vrais mais cela n'enlève rien à l'oppression des jeunes, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord certains de ces caractéristiques positifs sont directement utilisés par les classes dominantes pour asseoir leur domination, et par les non-jeunes pour défendre leurs privilèges. Par exemple comme l'explique rapidement Ludivine Bantigny dans son introduction à la revue d'Histoire Politique n°4 du Centre d'Histoire de Science Po sur le thème de la Jeunesse, durant la révolution française, "la célébration tout en discours de la jeunesse s'avère en fait utile, pour assurer, en pratique le pouvoir des ainés" (voire Antoine de Baecque, "La Révolution française et les âges de la vie" dans Annick Pergeron, René Rémond (dir.), Âge et politique, Paris, Economica, 1991, p39). Comme "sous la monarchie constitutionnelle, le régime peut bien encenser la jeunesse, mais c'est pour mieux l'inciter à la passivité et à l'acceptation" ("Nadine Josette Chaline, Francis Demier, Gilles Le Béguec, "Jeunesse et mouvement de jeunesse en France aux XIXe et Xxe siècles. Influence sur l'évolution de la société française", dans "La jeunesse et ses mouvements. Influence sur les sociétés", 1992 p.39). Dans la même idée, l'association aujourd'hui de la jeunesse à un côté dynamique sert en grande partie à justifier sa précarité. C'est ce côté "dynamique" qui justifie en partie la possibilité de "rebondir" de taf précaire en taf précaire, de travailler plus en étant moins payé comme le proposait Macron lors de sa campagne de 2017...
D'autres de ces caractéristiques mélioratifs ont un lien direct avec le soutien d'autres oppressions. La beauté associée à la jeunesse rentre par exemple en partie dans la logique de la domination patriarcale. L'objectification du corps des femmes le contrôle éxercé sur eux par les hommes, passe par l'injonction à s'approcher de traits de jeunesse.
Mais même pris individuellement, le fait d'être associé.e à la beauté ou au dynamisme sont sans commune mesure avec le chômage, la précarité la domination symbolique et politique que subit la jeunesse. En cela, et toute proportion gardée (le système liant jeunes et non jeunes n'étant pas un système de classe), ces points mélioratif peuvent être par exemple comparés à la galanterie dans le patriarcat.
Les séniors victime de certains éléments oppressifs n'amenant en rien à invalider ou amoindrir l'oppression des jeunes
Un autre élément parfois avancé pour amoindrir ou nier l'oppressions des jeunes est que les séniors sont touchés par certains éléments oppressifs. Si les séniors connaissent des éléments oppressifs alors comment les jeunes pourraient ils être vraiment opprimé.e.s par les non-jeunes ?
Comme dit en introduction, il ne s'agit pas ici d'élaborer sur l'ensemble des questions ayant attrait à l'âge, bien que cela serait nécessaire. Donc rapidement. Il est vrais que les séniors sont touché.e.s par certains éléments oppressifs, liés aussi à l'intérêt des capitalistes. Les capitalistes recherchent une productivité maximale pour augmenter leur taux de profit et une fléxibilité importante pour s'adapter à leur besoins conjoncturels. Le facteur biologique amoindrissant en partie la capacité à l'adaptation rapide chez les séniors certain.e.s sont plus exclu.e.s du marché du travail. Et les difficultés à sortir du chômage à partir d'un certains âge sont grande. D'autres éléments oppressifs touchent aussi cette classe d'âge, mais doivent être en parti nuancés. Notamment du fait que les retraités ont en moyenne un salaire plus élevé que le reste de la population, ou que les principaux dirigeants patronnaux et/ou politique dépassent souvent les 60 ans.
Mais ces éléments oppressifs n'invalident ou n'amoindrissent en rien la réalité de l'oppression des jeunes. Ils amènent tout au plus à placer le curseur de la classe d'âge dominante plutôt entre la trentaine et la cinquantaine (tout en comprenant que ces classes d'âges sont aussi composés de la situation sociale de leurs individus)..
4/Une oppression qui a des conséquence concrètes et qui ne s'arrête pas aux portes de la société bourgeoise
Ces cadres de soumission des Jeunes aux non-jeunes que sont le marché du travail capitaliste et ses résonances idéologiques, l'enseignement bourgeois ou la famille patriarcale touchent donc l'ensemble de la Jeunesse bien que de façon différencié selon sa classe.
Cela amène les non-jeunes (et surtout les non-jeunes non séniors) à avoir dans la vie de tous les jours une domination et des privilèges matériels (travail moins précaire...) et symboliques sur les jeunes. Cette domination symbolique a des effets, par exemple, du fait de son essentialisation comme non-expérimentée, mais aussi comme plus largement moins légitime la parole d'un.e jeune vaut moins que celle d'un.e non-jeune ce qui forcément se retrouve dans les discussions et débats.
Et cela se retrouve dans notre organisation où par défaut et globalement, la parole des non jeunes est mise sur un pied d'estale vis à vis de celles de jeunes, et ces derniers ont donc moins confiance dans leur possibilité à prendre la parole et affirmer leur positions.
Plus globalement Ludivine Bantigny note que dans les partis politique et mouvement confessionnel les jeunes "restent souvent dépendant et parfois même subordonnés. Ils y sont aussi à l'occasion instrumentalisés, tant l'organisation de jeunesse peut devenir un véritable outil de marketing politique." (Introduction du dossier "Les jeunes, sujets et enjeux politiques (France, XXe siècle)", revue électronique du Centre d'histoire de Science Po, n°4)
Ceci est d'autant plus dommageable vue la place importante qu'occupe la jeunesse dans la lutte de classe, une place d'avant garde tactique.
B/La Jeunesse comme avant garde Tactique
Le Jeunesse a en effet une place particulière dans la lutte de classe.
Prise dans son ensemble elle n'est pas le sujet révolutionnaire. Elle est en effet en partie composée de jeunes en formations n'ayant pas de contact direct avec les outils de production et donc n'ayant pas la capacité direct de bloquer les moyens de production et d'ainsi poser la question du pouvoir, et puis comme déjà vue elle est interclassiste.
Mais pour plusieurs raisons la jeunesse connaît une radicalité particulière et une plus grande facilité à rentrer en mobilisation :
Plus de facilités à rentrer en mobilisation :
-Toute une partie d'entre elleux est uniquement en formations et a donc moins de difficulté à se mettre en grève et à partir en mobilisation puisque le risque économique n'est pas direct.
-Plus largement la pression familiale (nécessité de ramener de l'argent pour nourrir les enfants...) est très souvent moins important puisque par exemple aujourd'hui en France l'âge moyen pour avoir un premier enfant est de 28,5 ans (âge variant notamment selon la classe sociale, et étant plus bas pour les classes les plus basses). Donc là aussi plus facile de faire grève
-Le facteur biologique peut aussi jouer puisque la jeunesse au sens biologique désigne l'état optimal des facultés physiques et intellectuelles d'une personne avant le vieillissement. La plus grande énergie peut donc aussi être un facteur d'explication de la plus grande capacités à rentrer en mobilisations mais aussi de celle à être plus radicale.
Une plus grande radicalité :
-Là aussi pour la partie de la Jeunesse qui est en formation, sa relative ouverture intellectuelle peut l'amener à être plus facilement touché par des idées plus directement politique et radicale.
-Mais plus largement et bien que l'enseignement bourgeois joue un rôle d'accompagnement vers cette alliénation, le fait que les jeunes soient soit nouvellement entrée dans le marché du travail soit pas rentré du tout, les amènent à moins subir l'alliénation de la soumission pleine et entière au patron.
Cette capacité de mobilisation et cette radicalité se retrouve dans de nombreux moments historiques :
-De façon générale comme l'écrivait Laura Fonteyn dans un article du CRI de 2007 (1) : Dans les entreprises, si les jeunes sont souvent moins syndiqués que les « anciens », ils sont néanmoins souvent plus contestataires et ont recours à des formes plus spectaculaires de lutte : non seulement l’absentéisme et le dénigrement carnavelesque du patronat (18), mais parfois le sabotage ou la séquestration de petits chefs ou de patrons…
-Par ailleurs« Dans toutes les grèves du second Empire — surtout quand elles concernent les grandes entreprises modernes (mines, textile) — les jeunes ouvriers sont au premier rang » (19). L’historienne Michelle Perrot l’a elle aussi montré pour les grèves de la période 1871-1890 : parmi les meneurs des grèves, la catégorie des 20-25 ans se détache nettement ; plus de 70 % des grévistes ont entre 15 et 34 ans ; plus précisément, 42 % ont entre 20 et 29 ans ; « 35 ans marque une chute sensible » (20). Au cours des grèves les plus puissantes — celles des mineurs et des métallos à Rives-de-Gier (1894), au Creusot (1899), à Longwy (1905), celles du Front populaire puis de Mai 68 —, ils se sont distingués par leur forte présence parmi les grévistes [...] Chaque fois, ces grèves furent caractérisées par leur spontanéité, leur caractère souvent violent, mais aussi leur ténacité.
-Et même entre les XIXe et les années 1960, quand les étudiant.e.s n'étaient pas lié.e.s à la classe ouvrière, celleux-ci étaient particulièrement actif.ve.s dans les mobilisations démocratiques et directement politique. Illes ont par exemple pris part très active aux révolutions de 1830 ou de 1848 comme par exemple
-Par ailleurs cette plus grande radicalité se retrouve aussi sur des sujets particuliers comme les mobilisations anti-impérialistes et anti-guerre (ex : mobilisation contre la guerre au Vietnam...). Là dessus une autre base matérielle vient s'ajouter dans le fait que les jeunes sont le plus souvent utilisés comme chair à canon et première ligne de ces guerres.
-Couplée à la plus grande facilitée à être touchée par des revendications directement politique, elle se retrouve aussi dans les mobilisation écologiques et leur forme assez radicale de type zadiste.
Ces différents caractéristiques amènent la Jeunesse à avoir un rôle historique important dans la lutte de classe celui d'entraineur de la classe ouvrière vers la mobilisation, et celui de poids sur la gauche contre les réformistes et les bureaucraties syndicales. Bref celui d'avant garde tactique.
Et de fait là aussi les exemples ne manquent pas, en ce qui concerne ce rôle "d'entraineur" de la jeunesse :
-Là aussi comme le note Laura Fonteyn dans ce même article, durant les mobilisation ayant aboutit aux révolution de 1830 et du printemps des peuple de 1848 alors que "le rôle de la classe ouvrière a été moteur et véritablement déterminant ; [celui] [d]es étudiants [a] souvent concouru à déclencher les mouvements. " (1)
-"En Hongrie en 1956, c’est bien à la convergence des étudiants et des travailleurs révolutionnaires que l’on a assisté ; la révolution y a d’ailleurs été ouverte par des étudiants qui, à Budapest, organisèrent de gigantesques rassemblements, exigeant entre autres le retrait des troupes soviétiques stationnées dans le pays, des élections générales au scrutin secret et le retour au multipartisme, mais aussi la modification des normes de travail pour les ouvriers et la reconnaissance du droit de grève." (1)
-En 1968, ce sont les étudiant.e.s qui ont contribué.e.s à la mise en mouvement "très vite relayés, dans les entreprises, par une avant-garde composée souvent de jeunes travailleurs" (1).
-Et puis plus récemment durant le mouvement contre la loi travail de 2016 c'est bien les étudiant.e.s et les jeunes qui ont ouvert et d'ailleurs couvert la première partie de la mobilisation.
Et en ce qui concerne le poids sur la gauche vis à vis des réformistes et des bureaucrates :
-C’est bien souvent des jeunes qu’est venue la contestation contre les bureaucraties dans le mouvement ouvrier. Ce fut le cas par exemple au sein du PCF lors de la crise de 1931, dite du groupe « Barbé-Célor », dirigeants des Jeunesses communistes accusés par l’appareil stalinien de tenir des réunions fractionnelles clandestines au sein du parti et taxés de « gauchisme » ; ce fut encore le cas pendant la guerre d’Algérie lors de la crise dite « Servin-Canova », et ses rebondissements en 1965 quand, à l’issue d’un travail d’opposition puis de fraction à l’intérieur de l’Union des étudiants communistes (UEC), une centaine de jeunes militants (parmi lesquels Alain Krivine) furent exclus et fondèrent la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR). (1)
-Autre exemple : durant le mouvement contre la loi travail, les représentant.e.s de la Coordination Nationale Etudiante ont interpelé les bureaucraties de la CGT et notamment Martinez pour qu'il appelle à la grève générale.
-Cette réalité se retrouve aussi dans la composition sociologique des organisations (bien que d'autres facteurs influent sur le fait de trouver ou non des jeunes dans des organisations politiques). Par exemple comme l'écrivait Trotsky dans "La Révolution trahie " :"Le bolchevisme, dans l’illégalité, fut toujours le parti des jeunes ouvriers. Les mencheviks s’appuyaient sur des milieux supérieurs et plus âgés de la classe ouvrière "
C/Une définition nécessaire bien qu'imparfaite
Compte tenu de ces caractéristiques et ayant la nécessité de lui donner un cadre notamment pour penser son organisation voici une tentative de définition générale courte et forcément imparfaite pour la jeunesse contemporaine en France aujourd'hui :
La Jeunesse contemporaine Française est en formation et/ou en situation de précarité (chômage ou travail précaire) et a un âge inférieur à la trentaine.
Concernant l'âge il est relativement difficile de fixer une barrière claire : 28, 29, 30, 31, 32 ans (...) semble relativement arbitraire. A un niveau individuel cela dépend de la situation, une personne de 31 ans en situation de précarité et de formation par exemple, est plus proche de la jeunesse qu'un.e maître de conférence de 26 ans. Mais la trentaine à un niveau macro-sociologique semble une bonne indication de fin puisque par exemple 29 ans est l'âge moyen en France où l'on trouve un CDI (https://www.nvo.fr/chiffre/29-ans-cest-lage-moyen-pour-obtenir-son-premier-cdi/), 28,5 ans celui où on a un.e enfant, et puisque logiquement c'est un moment où on voit une baisse de la radicalité. Par exemple Michel Perrault note que lors des grèves en France de la période 1871-1890 alors que 70% des grévistes ont entre 15 et 34 ans, et plus spécifiquement 42% entre 20 et 29 ans, "35 ans marque une chute sensible [dans le nombre de grévistes]" (1).
II/La nécessité d'une organisation autonome des jeunes :
L'ensemble de ces caractéristiques de la Jeunesse doit nous amener à penser la nécessité de son organisation autonome.
D'abord du fait de l'oppression spécifique que les jeunes subissent en tant que jeunes, il est juste et nécessaire de leur laisser des cadres d'auto-organisations en non-mixité pour pouvoir élaborer mais aussi lutter plus efficacement contre l'oppression qui les touchent.
Mais ce n'est pas suffisant, du fait de la forme que prend cette oppression et qui amène les jeunes à avoir une forme de déférence et de soumission à la parole des non-jeunes, du fait de la place importante que la jeunesse a dans la lutte de classe, et du fait de la nécessité de renouveler les instances du parti.
En effet si les jeunes ne s'organisent pas pleinement de façon autonome, les non jeunes ont structurellement un ascendant sur elleux et les jeunes ne peuvent pas ou beaucoup plus difficilement devenir des cadres.
Cela pose un double problème :
-D'abord l'influence de l'organisation sur cette avant garde tactique qu'est la jeunesse tend forcément à baisser. Puisqu'il est illusoire de penser que les non jeunes peuvent avoir autant d'influence sur les luttes des jeunes que les jeunes elleux même : nouveaux modes de communication, différents code sociaux, mais aussi simplement implantation dans les lieux de luttes des jeunes (université, lycées...)
-Et puis si les jeunes ne deviennent plus des cadres ou plus difficilement, l'organisation baisse en qualité sur la durée et peut même tendre à péricliter.
Si on excèpte toute la dimension d'oppression spécifique, c'était peu ou prou par exemple la position de Lénine qui en 1916 prônait à ses camarades d’être " sans réserve partisans de l’indépendance de l’union de la jeunesse sur le plan de l’organisation non seulement parce que les opportunistes craignent cette indépendance, mais quant au fond. Car, sans une complète indépendance, la jeunesse ne pourra pas faire son éducation de bons socialistes, ni se préparer à faire progresser le socialisme. Donc, pour l’indépendance la plus complète de l’union de la jeunesse".1
Et le CRI en 2007 allait même plus loin que Lénine et Laura Fonteyn écrivait :
"Il est tout aussi nécessaire que, tout en pouvant rejoindre, pour ceux qui le souhaitent, le parti communiste révolutionnaire, les jeunes puissent discuter sur une base égalitaire, donc dans un cadre où ne pèsent pas la pression et l’autorité des militants plus âgés. C’est la raison pour laquelle il est impératif qu’ils disposent d’une organisation indépendante, où ils puissent s’exprimer et agir librement, hors de tout rapport hiérarchique."
En ce sens nous pensons que l'organisation autonome des jeunes est une complète nécessité. Ce qui veut dire organisation avec direction, statuts, moyens d'expression vers l'extérieur et budget non contrôlé d'aucune façon pas l'organisation non-exclusivement jeune.
Par contre l'affiliation de cette organisation jeune à une organisation non jeune peut passer par la nécessité d'une solidarité politique globale sur les orientations fondamentales. Dans le cas des tendances du NPA sur les textes de congrès. Si il y a un désaccord important là dessus alors l'organisation de jeunesse a toute légitimité à exister mais rien ne sert, qu'elle soit reliée à une tendance non exclusivement jeune.
Enfin dire tout cela n'empèche pas de donner la possibilité à l'organisation jeune de faire appel aux non-jeunes en cas de besoin. Par exemple, pour une formation sur un sujet. Mais d'une part ces formations peuvent souvent être prise en charge par des jeunes et surtout, le cadre de la formation son sujet et son orientation globale doivent être contrôlés par les jeunes.
Notes :
1/Nous avons retiré intentionnellement de cette citation la partie où Lénine écrit qu'il faut avoir la plus complète liberté de critique vis à vis "des erreurs de la jeunesse". Pas que que nous pensions que les organisations non jeunes n'ont pas le droit à la critique vis à vis des organisations jeune, mais plutôt parce que justement parce que les jeunes sont victimes d'oppressions des non jeunes, ces derniers doivent faire ses critiques en en ayant conscience et en se privant de tout paternalisme.
Sources :
https://tendanceclaire.org/article.php?id=95
http://www.wikirouge.net/Jeunesse
http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=04&rub=dossier
Etude INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2019048
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2123140?sommaire=2123156
http://www.liberation.fr/france/2016/03/09/la-precarite-maladie-de-la-jeunesse_1438616