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Chapitre 2.5: "Addictions et drogues : il faut changer de stratégie"

La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.

Billets précédents :

Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6

Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4

2.5) « Addictions et drogues : il faut changer de stratégie »... oui, mais cette question de santé publique pose avant tout la question de rompre non seulement avec la politique répressive, mais aussi avec le capitalisme

La nouvelle version du programme AEC a étoffé ce point, tout particulièrement parce qu’il englobe désormais, à juste titre, non seulement la question des drogues au sens courant du terme, mais aussi celle des « autres consommations addictives et néfastes (alcool, tabac, médicaments) ».  En revanche, on peut contester que ce point ait été déplacé du chapitre sur la santé à celui sur « la sûreté et la justice », puisqu’on est d’accord pour dire que « c’est une affaire de santé publique » – et du reste l’une des mesures préconisées est paradoxalement de « confier le pilotage de lutte contre les drogues au ministère de la Santé et non plus de l’Intérieur »... De fait, « l’Office français des dépendances et toxicomanies estime que 8% des adultes présenteraient un risque chronique d’addiction à l’alcool et un quart (27%) une addiction au tabac. L’usage problématique ou la dépendance au cannabis concernerait 7% des adolescents de 17 ans et 3% des 18-64 ans ». La raison du choix de déplacer ce point est sans doute qu’il s’agit de contester, à juste titre, le fait que « la politique française » à ce sujet « se résume trop souvent à la répression ou à l’hypocrisie ». Il est donc juste de « changer de stratégie » – mais aussi d’objectif, même si on peut regretter que le programme AEC ne précise que vouloir « viser une jeunesse "zéro tabac" », et non « zéro addiction ».

Quoi qu’il en soit, nous sommes d’accord avec les principales mesures préconisées. Même si ce ne devrait sans doute pas être la « mesure clé », il est indispensable de « légaliser et encadrer par un monopole d’État la consommation, la production et la vente de cannabis à des fins récréatives dans des conditions permettant de lutter contre l’addiction ». Il est juste aussi d’« affecter les recettes des taxes sur le cannabis à des programmes de lutte contre les addictions, notamment en milieu scolaire, et à une politique de prévention, de réduction des risques et d’aile à la désintoxication ». Mais la vraie « mesure clé » devrait être de « s’attaquer aux causes des addictions, pour engager une politique de réduction des risques plutôt que de continuer une politique de répression des consommateurs ». Pourtant, aussi curieux que cela paraisse, le programme AEC ne précise pas de quelles « causes » il s’agit ! Or la cause principale des addictions contemporaines, ce n’est pas tant le désir de « récréations » en soi que le capitalisme : le fléau des addictions se nourrit des stratégies cyniques des trusts du tabac, des producteurs d’alcool et de leurs agents lobbyistes (y compris ceux qui relativisent la dangerosité au nom de la « tradition »), mais aussi de la misère, de la pénibilité du travail ou au contraire du chômage, de l’absence de perspectives et de la tristesse à laquelle le capitalisme condamne la vie de tant de gens, à commencer par les milieux populaires.

De même, du côté des trafiquants, le programme AEC reste superficiel ou plus exactement il s’en tient à préconiser une politique plus répressive : « Accroître les forces de police et des douanes à des fins d’investigation et de remontée des filières » et « lutter contre les organisateurs du trafic de cigarettes ». De fait, la légalisation du seul cannabis diminuerait sans doute le marché noir, mais ne le supprimerait pas, puisque, selon le programme AEC, les drogues dures resteraient illégales – et il y aurait aussi le marché illégal des substances légales, comme aujourd’hui le trafic de cigarettes, qui reste cependant limité et n’est pas la source des principales violences entre bandes dans ce domaine. De ce point de vue, il nous semble artificiel de distinguer le cannabis des autres drogues : pourquoi ne pas les dépénaliser toutes, s’il s’agit d’assécher l’essentiel des trafics, tout en consacrant à la prévention l’ensemble des moyens aujourd’hui consacrés à la répression ? Et, plus fondamentalement, pour faire vraiment reculer les trafics, il faut donner un vrai travail et un vrai salaire aux jeunes des quartiers populaires, donc rompre avec la logique même du capitalisme : aujourd’hui, ces jeunes n’ont souvent pas d’autre solution que le trafic de drogue pour vivre et aider à vivre leur famille, mais il est évident qu’ils ne prendraient pas tous les risques liés à cette activité s’ils n’étaient pas frappés aussi massivement et brutalement par le chômage et la misère. Et comme ceux-ci sont des causes importantes de la consommation, leur éradication conduirait certainement à une diminution drastique de celle-ci. C’est pourquoi, là encore, la lutte contre la drogue et les addictions ne pourra être menée avec une réelle efficacité que par une politique anticapitaliste mise en œuvre par le pouvoir des travailleur/se-s à tous les niveaux.

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