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Chapitre 4.4: "Consommer autrement, une France ’zéro déchet’"... un objectif juste, mais impossible dans le cadre du capitalisme
La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.
Billets précédents :
Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6
Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6
Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4
Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3
4. 4 : « Consommer autrement, une France "zéro déchet" »... un objectif juste, mais impossible dans le cadre du capitalisme – et plus encore du capitalisme national
Nous partageons le constat et l’objectif du programme AEC : « La planète croule sous les déchets. À l’heure actuelle, nous ne pénalisons pas le mésusage des ressources mais en privons ceux qui ne peuvent payer. Nous devons sortir du cercle vicieux "produire plus pour consommer plus". En application de la "règle verte", changeons de logique. Préférons la société du réparable et du durable à celle de l’obsolescence programmée et du tout-jetable. »
La « mesure clé » est juste en soi aussi : « Abolir l’obsolescence programmée et allonger les durées de garantie légale des produits. » Mais comment pourrait-on imposer cela dans le cadre de l’économie actuelle ? La plupart des produits manufacturés achetés en France sont fabriqués à l’étranger par des entreprises françaises ou étrangères. Un gouvernement français qui le voudrait ne pourrait donc empêcher l’obsolescence programmée, et a fortiori imposer des garanties légales des produits, qu’en interdisant l’importation de nombreux produits ou en la subordonnant à des critères de fabrication particulièrement exigeants. Or cela ne serait ni accepté par la plupart des entreprises en question, ni compatible avec les accords commerciaux actuels (eux-mêmes soumis aux règles du « libre commerce » de l’UE et de l’OMC) – à moins de créer une catégorie particulière de produits relevant d’un certain luxe, avec un prix d’achat bien supérieur à ceux des produits actuels. Quant aux rares produits encore fabriqués en France, qui sont déjà largement des « niches » justifiées par leur qualité et/ou maintenues par des subventions publiques, ils seraient encore plus onéreux et donc réservés à une minorité.
En réalité, la lutte contre l’obsolescence programmée et l’insuffisance des garanties des produits ne peut qu’être internationale et anticapitaliste : c’est ce que le programme AEC ne voit pas. Cela ne veut évidemment pas dire qu’un gouvernement anticapitaliste devrait attendre la révolution internationale pour mettre en œuvre de premières mesures, mais celles-ci devraient bien s’inscrire dans cette perspective. Il faudrait notamment relancer la production en France d’appareils de toutes sortes, accessibles à tou-te-s car correspondant aux besoins, durables et réparables. Mais pourrait-on confier cela aux capitalistes ? Non, et d’ailleurs ce ne serait pas rentable pour eux. Le programme AEC propose de « créer un service public de la réparation et du réemploi, avec la mise en place de formations pour certains métiers (notamment électricité, électronique, bâtiment, textile) ». C’est juste, mais pourquoi s’en tenir à la réparation et au réemploi, et ne pas prendre le problème à la racine en étendant ce « service public » à la production, là où se joue par définition la question de l’obsolescence ou de la durabilité ? Cela suppose des entreprises nationales, contrôlées par les travailleur/se-s et les usager/ères, produisant selon les normes des besoins et de la protection de l’environnement, et non selon une logique de profit, fût-il mieux taxé. Quant aux exportations et importations de tels produits, elles devraient être monopolisées par l’État, notamment pour ceux qu’on ne peut pas produire en France, les matières premières, etc. Ce monopole permettrait de protéger la production locale de la concurrence capitaliste étrangère, et donc d’assurer ses débouchés et sa viabilité. Sans contrôle très strict des échanges extérieurs, il n’y a pas de rupture possible avec le productivisme capitaliste.
C’est la même logique qui devrait prévaloir pour lutter « contre la surproduction de déchets : interdire immédiatement les plastiques à usage unique, remettre en place la consigne pour les bouteilles et bocaux en verre, rendre obligatoire le recyclage, le compostage ou l’incinération (dans cet ordre de priorité), généraliser les consignes, développer les filières de réutilisation des matériaux et de substitution aux matériaux carbonés. » Tout cela est juste, mais là encore il n’est pas possible d’« interdire immédiatement les plastiques à usage unique » pour les produits importés, à moins de sortir du cadre du commerce international actuel. Quant aux capitalistes de France, il faudrait leur imposer cette mesure et les autres en anticipant qu’ils feront du chantage à l’emploi et aux délocalisations, donc en prévoyant leur expropriation pour que leurs entreprises soient nationalisées. Enfin, il n’y a pas de raison de laisser aux capitalistes les filières de recyclage et de réutilisation des matériaux : cela devrait là encore revenir à un « service public » reposant sur des entreprises nationales contrôlées par leurs salarié-e-s et la population.
C’est seulement ainsi qu’on se donnerait les outils économiques et politiques pour pouvoir mettre en œuvre l’ensemble des mesures préconisées dans ce point, qui resteront autrement des vœux pieux alors qu’elles sont indispensables en elles-mêmes : « Rendre la collecte séparée des déchets organiques effective et obligatoire à l’horizon 2023, en commençant par les zones rurales (redistribution du compost aux agriculteurs locaux) » ; « Rendre obligatoire l’écoconception des produits afin de limiter l’utilisation de ressources non renouvelables » ; « Généraliser au plus vite l’indice de durabilité des produits (possibilité d’être réparé, durée de vie, etc.), rendre obligatoire la disponibilité de pièces de rechange et empêcher la mise sur le marché de celles qui auraient un score de durabilité insuffisant » ; « Créer un réseau national de déchèteries/recyclage »...
Par ailleurs, nous sommes bien sûr d’accord pour « faire reculer la publicité dans l’espace public, interdire le dépôt de prospectus publicitaires commerciaux dans les boîtes aux lettres, les panneaux publicitaires numériques et le démarchage téléphonique commercial », pour « interdire la publicité des produits et services les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires » ; « diminuer les possibilités de diffusion de publicité à la télévision ». Mais la publicité est inhérente au capitalisme, puisqu’il s’agit de se faire concurrence pour gagner des parts de marché. Une logique de rupture anti-capitaliste avec ce système impliquerait donc la substitution à la publicité, gaspilleuse et manipulatrice, d’informations objectives permettant simplement de prévenir la population des nouveaux produits disponibles (qui auront du reste été décidés par elle dans le cadre de la planification démocratique), des actualités culturelles, ou encore de la convoquer aux débats publics et autres réunions délibératives à tous les niveaux...