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Chapitre 4.1 : "Investir pour lancer la bifurcation de notre économie"

La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.
Billets précédents :
Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6
Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6
Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4
Alors que le chapitre 3 était consacré avant tout à l’aspect institutionnel (étatique et territorial) de la « bifurcation écologique », le chapitre 4 concerne davantage son aspect proprement économique.
4. 1) « Investir pour lancer la bifurcation de notre économie »... mais est-ce possible si l’on se contente de taxer plus les grandes entreprises capitalistes, au lieu de les exproprier et d’en faire des monopoles publics ?
On ne peut qu’approuver globalement, si l’on ne chipote pas sur le lexique, l’introduction de ce point : « C’est à partir de l’urgence écologique et climatique que doit se penser la politique de la Nation. La bifurcation écologique nécessite des investissements pour changer les modes de production, d’échange et de consommation. Il faut créer des millions d’emplois de qualité pour mettre en œuvre ces changements. L’État républicain en dialogue avec les communes doit planifier la mobilisation générale. » Cependant, la « mesure clé » manque de précision : d’accord pour « lancer un plan massif de 200 milliards d’euros d’investissements écologiquement et socialement utiles », mais s’agit-il uniquement d’argent public ou ce montant intègre-t-il les investissements d’entreprises privées, dans une logique illusoire de « capitalisme vert » ? On peut certes supposer, en lisant les deux seules mesures suivantes de ce point, qu’il s’agisse d’argent public, mais il ce n’est pas sûr, car ces deux mesures ne parlent que d’annuler les « cadeaux fiscaux accordés sans contrepartie aux plus grandes entreprises ces dix dernières années » et de les « utiliser » pour la bifurcation écologique ; or le montant actuel de ces cadeaux fiscaux n’est pas précisé et on ne peut donc pas les comparer avec les « 200 milliards d’investissements » promis (d’autant moins que le nombre d’années n’est pas non plus indiqué, même si l’on peut supposer qu’il s’agit du quinquennat).
En tout cas, il n’est pas question d’exproprier « les plus grandes entreprises », puisqu’il est préconisé seulement d’« annuler les cadeaux fiscaux » qui leur sont accordés. Or, si une telle mesure était prise, une partie de ces entreprises n’hésiteraient pas à délocaliser ou à licencier, afin de maintenir leur taux de profit et de faire face à la concurrence. Ici comme ailleurs, le programme AEC est naïf ou inconséquent, puisqu’il n’envisage même pas cette probabilité pourtant évidente.
De plus, la proposition d’« utiliser cet argent [résultant de l’annulation des cadeaux fiscaux] pour investir et rétablir des pôles publics dans l’énergie, les transports et la santé afin de réindustrialiser le pays par des plans de filières au service de la bifurcation écologique », confirme que, pour le programme AEC, il ne s’agit pas de mettre en place des monopoles publics, ne serait-ce que dans ces secteurs fondamentaux que sont l’énergie, les transports et la santé, mais seulement des « pôles publics » subissant la concurrence des entreprises capitalistes (certes plus lourdement taxées). Cela repose la question de savoir si les investissements de ces entreprises privées sont comptés ou non dans le « plan de 200 milliards » et on voit mal en tout cas comment elles pourraient contribuer à la « bifurcation écologique » autrement que de façon marginale, puisqu’une grande partie des mesures écologiques à prendre ne seraient évidemment pas rentables dans une logique de marché.
Ici comme ailleurs, le programme AEC ne comprend pas ou ne veut pas comprendre que seule l’expropriation des « plus grandes entreprises », leur nationalisation et la constitution de monopoles publics sous contrôle des travailleur/se-s et des usager/ère-s permettrait de les mettre réellement au service de la « bifurcation écologique », tout en créant massivement des emplois.