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Une analyse des résultats du second tour de la présidentielle
Plus d'un tiers des inscrits se sont abstenus ou ont voté blanc
Macron a donc été élu président de la république avec 66,1% des voix. Cette large victoire en pourcentage de suffrages exprimés masque le fait qu'une minorité de Français a voté pour lui. Alors que Chirac avait été élu en 2002 avec 62% des inscrits face à Le Pen, Macron n'obtient que 43,6% des inscrits.
Alors que la participation est traditionnellement plus forte au second tour, l'abstention a augmenté de 3 points pour dépasser 25%, un record depuis l'élection de 1969. Elle atteint environ 30% chez les ouvriers et employés, et plus de 35% chez les jeunes. Les votes blancs représentent 11,5% des votants, un record absolu. Ainsi, les abstentions et votes blancs représentent plus d'un tiers des inscrits (34%).
Le Pen rassemble moins d’un quart des inscrits (22,4%). Elle progresse néanmoins fortement en pourcentage et en voix (+3 millions) entre les deux tours, pour atteindre 10,6 millions, deux fois plus que son père en 2002 (l’ensemble des tableaux ci-dessous est une synthèse des différents sondages sortis des urnes dont la liste figure en fin d’article).
Plus tu es riche, plus tu votes Macron
Le clivage de classe (sociologiquement) est très net : Macron écrase Le Pen chez les plus riches et les plus diplômés. Il réalise 80% chez les cadres et ceux dont les revenus du foyer sont supérieurs à 3 500 €. Il devance aussi largement Le Pen dans l’électorat le plus âgé : 76% chez les retraités.
En revanche, Le Pen devance Macron chez les ouvriers avec 57,5% et s’en rapproche chez les employés (44%). Parmi ceux qui déclarent s’en sortir « très difficilement », elle atteint même 69%. Le Pen incarne donc la colère des catégories populaires les plus désespérées alors que Macron est l’idole de la France qui gagne, qui profite du système, et qui souhaite que cela continue. Comme pour Chirac, les populations d’origine immigrée ont voté massivement pour Macron, et cela s’est reflété dans le rassemblement de dimanche soir au Louvre. Néanmoins, le taux d’abstention est sans doute aussi très important parmi elles. En Seine-Saint-Denis, alors que la participation avait augmenté de 12 points entre les deux tours en 2002, elle a reculé de 5 points cette fois-ci ; l’abstention y atteint 32,5%.
On retrouve également un clivage géographique très net. Macron réalise près de 90% à Paris. Il cartonne dans les grandes métropoles (88% à Nantes et à Rennes, 86% à Bordeaux, 84% à Lyon, 81% à Strasbourg, 78% à Lille etc.), y compris dans les départements où le FN est très fort. Dans les anciennes zones industrielles du nord, le FN fait des scores très importants. Le Pen devance Macron dans le Pas de Calais et dans l’Aisne. Elle réalise par exemple 57% à Calais. Dans les zones rurales paupérisées, elle fait aussi de très gros scores : 49,5% en Haute-Marne, 49% dans les Ardennes, 48,5% en Meuse. Le Pen talonne aussi Macron sur une partie de la côte méditerranéenne : 49% dans le Var, 47% dans les Pyrénées Orientales.
Les reports de voix entre le premier et le second tour
La moitié des électeurs de Mélenchon du premier tour ont voté Macron. Environ 40% se sont abstenus ou ont voté blancs, et 10% se sont reportés vers Le Pen. Les reports vers Macron ont été logiquement bien meilleurs chez les électeurs de Hamon, puisque les trois quarts d’entre eux ont voté pour lui et qu’une partie marginale a voté Le Pen.
Chez les électeurs de Fillon, le report s’est également fait majoritairement du côté de Macron (46%), mais une minorité importante (la partie la plus populaire de son électorat : cf. http://www.ifop.com/media/pressdocument/977-1-document_file.pdf) a voté Le Pen (19%). C’est notamment le cas des milieux proches de la « Manif pour tous » dont les dirigeants avaient appelé à faire « barrage » à Macron. Les électeurs de Dupont Aignan ont très mal respecté la consigne de leur candidat, puisque seul un gros tiers s’est reporté vers Le Pen. Dans sa ville de Yerres, Le Pen ne fait que 31,5% alors que les scores cumulés de Dupont Aignan et Le Pen faisaient 39,3% au premier tour.
Quelle projection pour les élections législatives ?
Il n’y aura pas d’état de grâce pour Macron, qui a été élu par une minorité de Français alors qu’il avait face à lui l’épouvantail Le Pen. Seuls 16% des électeurs de Macron l'ont fait pour son programme ; 43% pour marquer leur opposition à Le Pen, 33% pour le renouvellement politique qu'il représente, 8% pour sa personnalité. Quelques jours avant l’élection, seuls 41% des gens souhaitaient qu’il « joue un rôle important au cours des mois et des années à venir ». Il n’a en particulier pas de mandat populaire pour s’attaquer au code du travail : 38% des gens seulement approuvent son projet de réforme du code du travail, et 70% s’oppose à ce qu’il procède par ordonnance !
Au soir du second tour, environ 60% des gens souhaitent que Macron n’ait pas de majorité parlementaire à l’assemblée nationale. Autrement dit, les jeux sont ouverts pour les législatives de juin, d’autant plus que la configuration politique est toujours incertaine, même si elle commence à se clarifier.
Macron investira des candidats « République en marche ». Il a bien précisé que les candidats pourraient rester au PS ou à LR, mais qu’ils devront accepter cette étiquette pour ne pas avoir de candidat « En marche » face à eux. Une partie des députés PS (les proches de Valls notamment) accepteront certainement l’offre de Macron. Hamon a indiqué qu’il soutiendra des candidats face aux socialistes « en marche ». Le PS est en train de voler en éclats dans la confusion générale.
Mélenchon est en train d’imposer son leadership à la gauche de Macron. La « France insoumise » est estimée à 14% aux législatives, loin devant le PS (8,5%). Le PCF serait marginalisé autour de 1-2%, et les Verts feraient à peine mieux. Le PCF et Hamon ont renouvelé leur proposition d’union à Mélenchon. Mais ce dernier souhaite poursuivre sur sa dynamique de la présidentielle, imposer au niveau national la « France insoumise » et écraser ses concurrents à gauche. Il n’y aura au mieux qu’un accord minimal sur quelques circonscriptions avec le PCF ou Hamon. Dès 21h dimanche soir, Mélenchon a appelé à la « résistance » contre le programme de « guerre sociale » de Macron et espère être en mesure de constituer une majorité. C’est aujourd’hui peu probable, mais la possibilité de nombreuses triangulaires ou quadrangulaires laisse le jeu ouvert. Néanmoins, la concurrence entre la France insoumise, le PCF, et les PS hamonistes pourrait empêcher à de nombreux candidats de la France insoumise d’accéder au second tour.
Sources sondagières :
http://fr.kantar.com/elections/legislatives/2017/les-francais-et-les-elections-legislatives-2017/