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Pourquoi qualifier le PS de « parti bourgeois »

(Contribution pour la CNJ d'octobre 2013)

Le vocabulaire dominant sépare l’ensemble des organisations entre « droite » et « gauche ». Cette distinction, héritière de l'histoire bourgeoise française, permet d'affirmer une différence radicale entre l'UMP et le PS et masque qu'en réalité ces deux partis partagent la même nature de classe. Il est donc préférable d'utiliser les termes de notre camp social et de les caractériser selon cette nature. Or si 'on s'intéresse au PS il apparaît avec évidence qu'il s"agit d"un parti purement « bourgeois », et non pas, comme il l'a été jusqu"à une certaine époque, ouvrier avec une direction bourgeoise (« ouvrier-bourgeois »), réformiste dans son programme.

Qu'un parti soit purement bourgeois ou ouvrier-bourgeois déterminera l'attitude que nous devrons avoir à son égard en tant que révolutionnaires, notamment dans la tactique de front unique lorsqu'il s"agit de savoir quels fronts nous pouvons faire. Par « parti ouvrier-bourgeois », il s'agit de désigner les partis qui défendent officiellement les travailleurs/ses mais servent objectivement les capitalistes. Du fait de ce discours et généralement de leur histoire, ils gardent un poids dans notre camp social.

Pour différencier un parti ouvrier-bourgeois d"un parti simplement bourgeois, on peut établir trois critères : la composition sociale du parti et de son électorat, son programme fondamental et son action gouvernementale.

Même si le critère de la composition sociale est insuffisant (il peut y avoir des partis populistes voire fascistes avec une forte composition ouvrière), c"est néanmoins une condition nécessaire. Or, dès 2005, une enquête du CEVIPOF indiquait qu"il y avait moins de 5% d"ouvrier-e-s au PS. Depuis 2002, le PS réalise ses meilleurs scores électoraux chez les cadres et les plus mauvais chez les ouvrier-e-s. Il a donc perdu son ancrage social qui participait au fait qu"on puisse le qualifier d" « ouvrier bourgeois ». Par ailleurs les liens plus forts avec les directions syndicales ne suffisent pas à prouver un lien avec la classe. Aux États-Unis les chefs syndicaux sont biens liés au Parti démocrate, qui n’a jamais été un parti ouvrier.

Le programme fondamental du PS est aussi très révélateur. Le PS a élaboré trois déclarations de principe qui permettent de suivre très clairement son évolution, celle de son congrès de fondation (1969), une deuxième en 1990 et la dernière en 2008. Ces textes qui fixent le socle de la ligne de ce parti (même s"ils sont généralement un peu plus radicaux que la politique réellement défendue), montrent très clairement le passage d"une critique (verbale) du capitalisme à son acceptation totale, et d"une logique de réforme à celle des contre-réformes. En 1969 il était affirmé que « parce qu’ils sont des démocrates conséquents, les socialistes estiment qu’il ne peut exister de démocratie réelle dans la société capitaliste ». En 2008 en revanche :« Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché, une économie de marché régulée par la puissance publique, ainsi que par les partenaires sociaux qui a pour finalité la satisfaction des besoins sociaux essentiels ». Le PS est donc très clairement pour un capitalisme tout juste aménagé aux marges. Quant à la lutte de classe, non seulement les « socialistes » de la dernière génération n’en parlent jamais, mais en fait il n’y ont « jamais cru » (Cahuzac le 08/01/13). Ils ne défendent plus les exploités, mais tout au plus « les pauvres ». Il n’y a plus d’ennemi patronal mais seulement des partenaires sociaux. Seuls les prétendues dérives du « monde de la finance » sont pointées du doigt, et encore de façon totalement hypocrite. L’UMP et le FN sont capables aussi de ce genre de discours citoyennistes et de « moralisation du capitalisme ».

Enfin, l"action du PS au gouvernement est décisive. Déjà sous Mitterrand (vieux routard de la politique bourgeoise) il avait pris en charge le tournant néolibéral dont le capitalisme a eu besoin dans les années 80. Actuellement le PS gère la crise selon les intérêts du MEDEF, dans la droite ligne de l"UMP. Il ne change non seulement pas le cap de son prédécesseur UMP, mais il montre qu"il est capable d"aller encore plus loin dans les contre-réformes comme on le voit dans la poursuite des attaques contre les retraites, la casse du droit du travail (ANI), la suppression de postes de fonctionnaires (MAP)...

Cela ne signifie pas qu"il n"y a aucune différence entre UMP et PS, les intérêts de la bourgeoisie ne sont pas homogènes et surtout le PS sait qu"il a intérêt a donner des « preuves » de différence avec son concurrent. Il se démarquera par exemple sur certaines questions sociales comme avec l"ouverture du mariage et de l"adoption pour tous (acquis très important même si partiel). Mais il s"agit surtout d"instrumentaliser une revendication sans que cela lui coûte grand chose et ne change rien à sa nature de classe.

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