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Une relance allemande ne doperait pas la France
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde)
Voilà de quoi doucher les espoirs du gouvernement français, qui appelle depuis des semaines l’Allemagne à dépenser plus. « 50 milliards d’euros d’économies chez nous, 50 milliards d’investissements chez eux, ce serait un bon équilibre », estimait ainsi, lundi 20 octobre, Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, avant une visite à Berlin.
Las ! Selon une étude publiée mercredi 23 octobre par Standard & Poor’s (S&P), un plan de relance allemand « n’aurait qu’un effet limité sur le reste de la zone euro ». L’agence de notation américaine s’est prêtée au calcul. Hypothèse de départ : l’Allemagne augmente consommation et investissements publics pour l’équivalent de 1 % de son produit intérieur brut (PIB) par an en 2015 et 2016, soit 60 milliards d’euros en tout. A conditions monétaires inchangées, une telle hausse des dépenses permettrait d’augmenter le PIB allemand de 0,7 point à la fin de la période. Ce qui, par ricochet, gonflerait le PIB de la zone euro de 0,3 point, selon S&P.
Dans le détail, ce sont les Pays-Bas qui en profiteraient le plus, avec 0,3 point de hausse. L’impact serait en revanche plus faible en Belgique (0,16 point), en Italie (0,14 point), en Espagne (0,13 point) et en France (0,11 point). Au total, le plan de relance permettrait de créer 210 000 emplois, dont 145 000 en Allemagne. Une goutte d’eau, au regard des 18,5 millions de chômeurs recensés dans la zone euro… « Pas étonnant : l’impact potentiel d’une hausse des dépenses publiques chez nos voisins alimentedes fantasmes démesurés, surtout en France », assène Christopher Dembik, chez Saxo Banque.
DES INVESTISSEMENTS ESSENTIELS
Les économistes de S&P ne sont pas les seuls à s’intéresser au sujet. En juillet, ceux du Fonds monétaire international (FMI) ont ainsi calculé qu’une hausse de 0,5 point de PIB par an pendant quatre ans des investissements publics allemands augmenterait la croissance du pays de 0,75 point, tandis que celle de l’Irlande, de l’Italie et du Portugal et de l’Espagne gonflerait de 0,4 point, et celle des autres pays membres de 0,3 point.
De son côté, Sylvain Broyer, économiste chez Natixis, a calculé que 50 milliards d’euros de dépenses allemandes enclenchées dès aujourd’hui dans les infrastructures feraient grimper le PIB de 3,5 points – mais au bout de plusieurs années seulement. Et le PIB de la zone euro de 0,9 point, du fait du poids de l’Allemagne dans l’union monétaire. « En revanche, les exportations des autres pays membres vers Berlin n’augmenteraient quasiment pas », nuance M. Broyer.
Si à première vue, ces chiffres peuvent paraître plus ou moins décevants, de tels investissements n’en restent pas moins essentiels aux yeux des économistes. D’abord, parce que l’Allemagne elle-même en a crucialement besoin. Après la réunification, l’Etat a en effet considérablement freiné le rythme de ses dépenses. Depuis 2003, les investissements publics nets du pays sont même négatifs.
DES INFRASTRUCTURES DANS UN ÉTAT CRITIQUE
Résultat : les infrastructures sont, dans certains Länder, en déliquescence. D’après un rapport du gouvernement sur le sujet, 20 % des autoroutes, 41 % des routes nationales et 46 % des ponts sont dans un état critique. De fait, le lobby industriel allemand, soutenu par de plus en plus d’économistes, juge que sans hausse des dépenses d’infrastructures, la croissance potentielle à venir du pays serait menacée. « C’est vrai, mais celles-ci profiteraient peu à l’emploi dans la zone euro, explique M. Dembik.L’Allemagne ferait appel à des travailleurs polonais, comme classiquement dans le bâtiment. »
Par ailleurs, un plan de relance de Berlin aurait un impact psychologique déterminant. Constater que la locomotive économique de la zone euro engage une politique volontariste en faveur de la croissance serait un signal fort pour les investisseurs internationaux, et surtout pour les entreprises européennes. « Cela aiderait à rétablir la confiance dont elles ont besoin pour recommencer à investir et embaucher », souligne William de Vijlder, chef économiste de BNP Paribas.
Encore faudrait-il convaincre Angela Merkel d’engager une telle politique.« Nos voisins restent très réticents à cette idée », rappelle M. Broyer. D’abord, parce qu’ils gardent un mauvais souvenir du plan de relance des années 1970 : interrompu trop tard, il avait généré de l’inflation, le pire des maux à leurs yeux.
Mais surtout, avec une natalité et une démographie en plein déclin, le pays préfère mettre de côté en vue des dépenses de santé et retraite qui exploseront dans les années à venir. « On sous-estime à quel point le vieillissement de l’Allemagne va peser sur son dynamisme, et ce, de plus en plus », insiste Thibault Prébay, chez Quilvest Gestion.
DE LA NÉCESSITÉ D’UN GRAND PLAN D’INVESTISSEMENT EUROPÉEN
Au reste, l’étude de S&P rappelle qu’une relance allemande n’aurait un véritable impact que si elle était accompagnée d’un grand plan d’investissement européen. A l’exemple de celui de 300 milliards d’euros défendu par Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission de Bruxelles. Les détails en sont encore inconnus. Mais s’il mise sur les bons secteurs – infrastructures du Web, du rail, biomédecine –, il pourrait profiter à l’ensemble des pays membres.
Lundi, M. Macron et son homologue allemand, Wolfang Schäuble, ont laissé entendre que les deux pays étaient sur la voie d’un accord en la matière – avec des mesures plus ambitieuses encore que celles de M. Juncker, souffle-t-on. Ils présenteront un document commun d’ici à la tenue d’un conseil franco-allemand prévu le 1er décembre.
L’Allemagne a révisé ses prévisions de croissance à la baisse
Le 14 octobre, le gouvernement allemand s’est résolu à réviser drastiquement à la baisse ses prévisions de croissance. Il mise désormais sur un produit intérieur brut (PIB) en hausse de 1,2 % en 2014 et de 1,3 % en 2015, contre 1,8 % et 2 % précédemment. Depuis quelques mois, les indicateurs inquiétants sur l’état de santé du pays se multiplient. En août, la production industrielle a plongé de 4 %. Et le PIB a reculé de 0,2 % au deuxième trimestre.