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Vent de révolte au palace Royal Monceau
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Comme une traînée de poudre, les mouvements sociaux se répandent d’un palace parisien à l’autre. Après la victoire, fin septembre, des employés du Park Hyatt Vendôme, puis de ceux du Hyatt Paris Madeleine, c’est au tour de ceux du Royal Monceau Raffles de se mobiliser.
La situation y est bloquée depuis le 2 octobre, date à laquelle soixante-dix salariés, selon la CGT, des femmes de chambre aux plongeurs en passant par les barmen et les équipiers, se sont mis en grève illimitée. Le tribunal de grande instance a désigné un médiateur, qui a réuni mardi 28 octobre à 19 heures les représentants CGT des salariés. Mercredi, ce devait être au tour de la direction de le rencontrer.
Le Royal Monceau compte environ 400 salariés dont 300 dans la catégorie des employés et ouvriers. La CGT y est implantée depuis six mois. Elle a obtenu 37 % des voix aux élections du comité d’entreprise de mars, la CFDT et la CGC se partageant le solde.
La CGT a élaboré une plate-forme de revendications, qui portent sur les salaires et les conditions de travail, dont notamment une augmentation du salaire horaire de 2 euros pour les employés et les ouvriers. C’est la même somme qu’avaient obtenue ceux des deux Hyatt à l’issue de leur grève de septembre.
Propriété du fonds qatari Katara Hospitality, qui dépend du riche émirat du Golfe et détient aussi le Peninsula et le Buddha Hôtel à Paris, ainsi que le Carlton à Cannes, l’hôtel Royal Monceau Raffles « a les moyens de payer ces 2 euros », clame une gréviste. Implanté dans les beaux quartiers de la capitale, il loue des chambres qui peuvent coûter jusqu’à 25 000 euros par jour pour une suite. Les grévistes réclament aussi une prime de 10 euros par lit supplémentaire dans la chambre, un ralentissement des cadences, la fourniture des matériels adéquats, etc.
Selon Didier Del Rey, secrétaire général adjoint de l’Union syndicale CGT du commerce de Paris, le Royal Monceau serait l’hôtel de luxe où les femmes de chambre sont les moins bien rémunérées : « 1 450 euros net, plus un treizième mois contre 2 000 à 2 200 euros net et un quinzième mois au George-V ».
« MON PALACE EST UN RAPACE »
L’hôtel, qui a rouvert en 2010 après un lifting de deux années, et dont la décoration est griffée Philippe Starck, a obtenu son label palace en mars 2013. « Et ça, c’est grâce à nous, employés et ouvriers, qui avons trimé », fait valoir l’un d’eux, Mohamed. Les femmes de chambre, dont seules quatre sur une trentaine continuent de travailler, « ce sont les poumons de l’hôtel, assure un salarié. Sans elles, il ne peut pas tourner. » Les réservations sont pour le moment stoppées, assure la CGT. La direction ne veut faire aucun commentaire sur ce point.
Le taux d’occupation serait actuellement de 30 %, alors qu’il devrait être de 80 % ou 90 %, selon la CGT, estimant que, jusqu’à aujourd’hui, l’hôtel a perdu 3 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le mouvement a commencé peu avant la fin de la Fashion Week de Paris. « Si les salariés en sont arrivés à vingt-sept jours de grève, c’est qu’ils ont de bonnes raisons, estime une cliente devant l’établissement. Je ne sais pas ce que fait la direction, mais l’image de marque de l’hôtel en prend un coup. »Devant le Royal Monceau, des drapeaux de la CGT ont été plantés dans les gros pots de fleurs, et sur des pancartes au sol, on peut lire, par exemple : « Mon palace est un rapace ».
C’est bien d’un « ras-le-bol » dont parlent les grévistes. « Je gagne 1 220 euros net par mois, se plaint un équipier, père de deux enfants. Comment peut-on vivre à Paris avec un tel salaire ? Chaque année, la direction nous fait la promesse d’étudier nos revendications. Mais six ou douze mois plus tard, on n’a toujours pas de réponse. »
Lors de la négociation annuelle des salaires, qui s’est achevée au tout début d’octobre, « à la CGT, nous revendiquions une augmentation de 3 %,indique Chafikha Gherabba, élue CGT au comité d’entreprise (CE) et femme de chambre dans cet hôtel depuis quatre ans. On nous a accordé 1,8 %. La CGT n’a pas signé cet accord. A partir de là, et parce que, après six mois de dialogue social, on a vu que nos demandes, telles que le remplacement des personnes en arrêt maladie, n’aboutissaient pas, l’idée d’une grève a germé. »
Sa collègue Anaïs Esnault, déléguée du personnel CGT, renchérit sur « la discrimination » qui frapperait son service, appelé « house keeping », regroupant les femmes de chambre, les équipiers, les valets, etc. « Personne n’a jamais eu d’évolution de carrière, ce qui n’est pas le cas dans les autres services. »
« ON EST SÛR DE GAGNER »
Autre « discrimination » qui les blesse : « Dans les couloirs, explique Mme Esnault, il y a des photos de personnes de l’hôtel désignées par les clients avec leurs remerciements. En quatre ans, il n’y a eu aucune photo des personnels du “house keeping”, alors qu’on sait que nos noms ont été rapportés par les clients. On est le petit personnel, qui doit se taire et se cacher. »
Dans ce bras de fer qui s’éternise, les grévistes savent que leurs fins de mois vont être difficiles. Mais « maintenant que l’on a commencé, on ira jusqu’au bout, disent-ils tous. On est sûr de gagner parce que nous sommes déterminés et que notre lutte est juste et légitime. »
La direction craint-elle que si elle lâche sur les revendications, la traînée de poudre se répande dans d’autres établissements ? Les salariés de deux autres grands hôtels seraient prêts à passer à l’acte, livre Didier Del Rey, sans en donner les noms. Pour l’heure, la direction se contente de dire qu’elle est « persuadée que, dans un climat apaisé, un accord sera trouvé dans les meilleurs délais ».