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USA et Chine se toisent en Asie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Les présidents Barack Obama et Xi Jinping doivent se rencontrer au sommet de l'APEC, à Pékin
Shinzo Abe s'est entretenu lundi 10 novembre, pour la première fois de son mandat, avec le président chinois, Xi Jinping, alors qu'un accord en quatre points a été négociés vendredi par leurs conseillers. La rencontre scelle la reprise des relations à haut niveau après la brouille au sujet des îles Senkaku (nommées Diaoyu par les Chinois qui les revendiquent).
De son côté, le président américain a été accueilli lundi matin à sa descente d'avion à Pékin par le ministre des affaires étrangères chinois Wang Yi. Il devait prononcer plus tard dans la journée un discours attendu qui esquisse ses intentions en matière de politique internationale après la sévère défaite essuyée aux élections de mi-mandat, le 4 novembre.
M. Obama s'entretiendra mercredi en tête à tête avec M. Xi, lors d'une rencontre présentée comme la réciproque chinoise de celle organisée en Californie en juin 2013. C'est la deuxième fois seulement que M. Obama se rend en visite officielle en Chine : en 2009, lors de son voyage précédent, Pékin avait multiplié les précautions face à une icône politique au charisme perçu comme toxique pour son régime.
Il est peu probable qu'elle permette d'éclaircir le contentieux sémantique qui leste la relation sino-américaine. En visite au département d'Etat en février 2012, Xi Jinping, qui n'était alors que vice-président de la République populaire, avait évoqué " une relation d'un nouveau type entre grandes puissances du XXIe siècle ".
Cette formule, les Etats-Unis ne l'ont jamais reprise à leur compte. Tout en poussant constamment Pékin à prendre sa part dans les affaires du monde, ils estiment en effet qu'elle imposerait un pacte de non-interférence trop rigide avec ce que Pékin décrit comme ses " intérêts stratégiques ". Or, ceux-ci heurtent frontalement ceux de voisins régionaux alliés de Washington, à commencer par le Japon.
D'autant que la rencontre de 2013 n'a pas permis de tisser une relation personnelle permettant de dépasser la rivalité entre un géant émergent et un autre taraudé par l'idée de son déclin. Il y a bientôt un an, deux B52 de l'US Air Force avaient volontairement violé la zone de défense aérienne que la Chine venait d'étendre de manière à inclure le groupe d'îles dont elle dispute la souveraineté au Japon. En août, un avion de combat chinois a effectué une manœuvre jugée " dangereuse " par les autorités américaines devant un avion de reconnaissance de la marine américaine au-dessus de la mer de Chine. Autant de signes qui attestent d'une sourde rivalité.
" Nouvelle normalité "
Face à un président américain affaibli, la Chine a choisi de professer la sérénité. Le président Xi Jinping a directement abordé la question lancinante du ralentissement économique chinois en expliquant aux 1 500 personnalités et hommes d'affaires réunis dimanche soir pour le sommet des PDG de l'APEC en quoi consistait la " nouvelle normalité " de l'économie chinoise : une croissance moyenne, aux risques " contrôlables ", dans une économie en constante restructuration et de plus en plus " guidée par l'innovation ".
La Chine est consciente de l'atout majeur que constitue sa croissance pour une région qui est pour elle à la fois un enjeu de puissance politique, militaire et économique. M. Xi a ainsi appelé dimanche les pays de la région à réaliser le " rêve de l'Asie pacifique ", grâce aux " opportunités immenses et aux bénéfices que peut apporter l'économie chinoise ". Cette offre en apparence désintéressée de coprospérité – c'est elle qui anime dans sa version domestique le " rêve chinois " - est la pièce maîtresse de la " diplomatie de la Route de la soie " déployée dans son proche et lointain voisinage par Pékin au gré d'accords commerciaux, d'investissements en réseaux de transport et de structures de portage financier – comme le Fonds de la Route de la soie, destiné à interconnecter les pays asiatiques et dont Pékin a annoncé hier qu'il serait doté de 40 milliards de dollars (32 milliards d'euros). Xi Jinping l'avait pour la première fois exposée il y a un an lors du précédent sommet de l'APEC à Bali.
Au-delà des accusations américaines récurrentes de cyberespionnage économique, c'est aussi sur ce terrain que se joue la rivalité Chine-Etats-Unis dans la région, à travers la concurrence entre les deux formats d'accords de libre-échange proposés par Pékin (le Regional Comprehensive Economic Partnership ou RCEP) et Washington (le Partenariat transpacifique, dont Pékin est exclu), ou encore l'émergence de nouveaux relais financiers de l'influence chinoise (comme l'Asian Infrastructure Investment Bank, réponse chinoise à la Banque de développement asiatique).
Cet engagement économique constitue la face bienveillante de l'expansion chinoise et éclipse ses incarnations plus stratégiques : les prétentions sur les îles Senkaku et sur les mers de Chine du Sud. Devant l'APEC, Pékin a tout avantage à se présenter comme un hôte magnanime et rassembleur.
Gilles Paris et Brice Pedroletti