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Intervention de Filoche sur le projet d’ordonnance Macron
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Comment tout dire sur l’ordonnance Macron ? Moi, je suis comme tout le monde, je n’ai qu’un brouillon du projet, aussi je parle au conditionnel avec point d’interrogation. Mais s’annoncent 107 articles dont il faut bien dire que tous sont d’inspiration libérale et pas sociale.
Notons la curiosité, que ce soit le ministre de l’économie qui décide du droit du travail, comme avant 1906. Et pas seulement, il y a dans l’ordonnance, la casse de l’inspection du travail, celle de la médecine du travail, celle des prud’hommes (qui devrait relever de la justice, non ?) Ou est ce qu’on va avec ce texte ? que vise t il ? A nous mettre des dizaines de professions dans la rue, contre le gouvernement, à 2 mois des cantonales ? Tout cela en bloquant le Smic ? Mais qui veut cette politique suicidaire ? Quel est le but économique ? ca ne fera nulle part aucun emploi, ni aucun gain de relance. Tout ce qu’il y a dans l’ordonnance est vieux, vieux, vieux comme les revendications du Medef depuis trente ans ! Quel est le but politique alors ? signifier au Medef qu’on lui fait des cadeaux sur tout ce qu’il réclame ? est-ce bien cohérent au moment ou le même ministre constate que le « pacte de responsabilité » est un échec de la faute, justement, du Medef ? Non seulement on leur donne 41 milliards pour rien, mais on casse le code du travail aussi pour rien, puisqu’ils manifestent contre nous quand même ?
Tout cela n’a rien à voir avec la crise … c’est atemporel, mais cela correspond-il aux exigences de « réformes structurelles » (casse des droits, dérégulation) exigées par l’UE et la Commission de l’UE et son chef Juncker ? (celui la même qui a « blanchi » chaque année avec la complicité de 58 grandes entreprises françaises, 100 milliards d’impayés dans nos caisses d’impôts ! sont-ce ces mêmes entreprises qui manifestent aujourd’hui pour « décadenasser » leurs impôts ? )
Sur les 107 articles de l’ordonnance Macron, j’ai pu en étudier avec mes amis (richard abauzit cf sur ce blog), 72, il y a encore des surprises hélas à découvrir avant le dépôt de l’ordonnance au conseil des ministres le 10 décembre. C’est un patchwork avec la « simplification des bulletins de paie » ( pour masquer le salaire brut ?) l’encouragement à la retraite par capitalisation ( en renonçant a dix jours de congés payés !), l’autorisation d’hôpitaux a gérer des filiales privées, la distribution d’actions gratuites ou à la vente d’aéroports comme à Blagnac..
Mais je commence ici, au Bn, par celle là qui est immense si elle est confirmée : il s’agit de la MODIFICATION article 2064 du CODE CIVIL et ABROGATION article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Ou ca va ca ? est ce la fin du code du travail, et le remplacement du contrat de travail spécifique par un contrat civil ordinaire ? en effet, l’article 1529 du code de procédure civile explique que, pour la résolution amiable des différents, les dispositions du code de procédure civile s’appliquent « sous les réserves prévues par les articles 2064 du code civil (qui exclut jusqu’ici le doit du travail des conventions amiables) et de l’article 24 de la loi du 8 février 1995 ». Et l’ordonnance MACRON supprime le deuxième alinéa de l’article 2064 du code civil (« Toutefois, aucune convention ne peut être conclue à l’effet de résoudre les différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. ») qui exclut la convention entre les parties pour le règlement des litiges en droit du travail qui depuis qu’il existe un droit du travail reconnaissant l’inégalité entre le patron et son subordonné, le salarié, a confié à la juridiction prud’homale le soin de limiter cette inégalité… Qui tranchera en dernier ressort dans ce nouveau cas les conflits du travail ? Ce ne sera plus les prud’hommes ? Il s‘agit bien de faire sauter tout le droit du travail comme le souhaite le Medef depuis que Laurence Parisot a organisé dans les locaux de Wagram pendant trois jours un colloque sur « la soumission librement consentie » afin de remplacer la « subordination ». De même lorsqu’elle disait « la liberté de penser s’arrête là ou commence le code du travail ». S’agit il de tout envoyer au civil, comme aux USA ou le code fait 36 000 pages de ce fait. Ou il n’y a donc pas de protection particulière au contrat de travail. Le contrat sera comme entre bailleur et locataire, ou entre voisins égaux, pas entre un employeur et un subordonné, et les droits que donne le code du travail en contre partie de la subordination seront non invocables. Est ce cela qu’il faut débusquer en douce dans l’ordonnance ?
Karine Berger parlait à l’instant, des PME, PMI, ETI, certes, il faut leur donner des droits et des règles, et ne pas se contenter des « conseils de surveillance » façon ANI et loi du 14 juin, ou « code autorégulateur du Medef »… mais il faut savoir que seulement 12,5 % des salariés des PME PMI ETI sont dans des entreprises qu’on peut considérer comme indépendantes, 88,5 % sont dans des groupes. Et dans ces groupes ce sont les donneurs d’ordre, les 1000 entreprises qui font 50 % du Pib qui décident et qui siphonnent, par exemple, les aides que l’état leur accorde, le CICE, les exonérations, etc… Ce qui rend largement vain le fait de vouloir les « aider »… plus que le CAC 40, car c’est un système où c’est le CAC 40 et les holdings qui ramasse tout in fine. Non je défends toujours dans notre parti trois lois : 1°) rendre responsables pénalement, financièrement, économiquement, les donneurs d’ordre pour tout ce qui survient dans les marchés qu’ils ont passé avec leurs sous-traitants… 2°) aligner les sous traitants sur la convention collective du donner d’ordre le temps de la mission 3°) faciliter la reconnaissance des UES (unités économiques et sociales) et des groupes, par delà les franchises et autre procédures qui permettent de contourner les seuils sociaux.
Car on n’a toujours pas de comité central d’entreprise chez Mac’ Donald. Le contournement des seuils doit être combattu, pas facilité : la constitution explique que « les salariés s’expriment par l’intermédiaire de leurs délégués ». or 80 % des entreprises qui doivent avoir des DP n’en ont pas, seulement 3 % des entreprises doivent avoir des CE et des CHSCT et des DS, mais la moitié n’en a pas, vraiment. Sur 1,2 million d’entreprises, il n’existe que 22 000 CHSCT c’est dire si la santé, l’hygiène, la sécurité des salariés sont mal assurées… Vous savez en Allemagne les DP c’est à partir de 5.. de 5… et les conseils d’administration c’est la moitié de salariés… mais le patronat français est tellement rétrograde à côté de ça…
Si on régule la sous-traitance comme je le propose depuis 20 ans dans notre parti, et parfois cela a été repris mais pas mis en application, on aura de notre côté les petits et moyens patrons contre les gros…Le Medef ne pourra plus manipuler la CG PME, et ceux ci ne manifesteront plus contre notre gouvernement mais contre le CAC 40 qui les pillent.
Dans les conseils d’administration, l’ANI du 11 janvier devenu loi du 14 juin ( mais presque sur tous les points l‘ANI, le contrat et la loi, les deux ! ont été floués, contournés, renies depuis 23 mois…) prévoyait deux salariés, deux, seulement deux,… mais dans les entreprises de plus de 10 000 qui ont 5000 en France, soit moins de 250… et ils font tout pour que dans le CAC 40 soient mises en place des « holdings » de moins de 50 pour contourner ce qu’ils ont signé et que cela ne se mette pas en place…
Ne parlons pas du fameux plancher de 24 mois pour les temps partiels, je suis intervenu la dessus, ici depuis la saisine rectificative du gouvernement Ayrault le 22 janvier … et malgré le report de la date de la mise en œuvre, rien n’a été fait dans aucun secteur ou branche concerné, et maintenant le patronat rejette sa propre signature et la loi fidèle qui en a été tirée, ils ne veulent plus de plancher de 24 h paraît que ça cadenasse les entreprises…
Alors pourquoi leur concéder 12 dimanches ? Pourquoi ? ce qui sera vendu le dimanche ne le sera pas le lundi, les portes monnaies ne sont pas extensibles. L’emploi précaire qui sera crée le dimanche sera supprimé le lundi. Le volontariat n’existe pas en droit du travail, c’est le patron qui décide du travail du dimanche, pas le salarié. Ce seront des femmes pauvres et précaires et des étudiants désargentés qui viendront tenir boutique le dimanche. Et tout ça sans augmentation de salaire puisque Macron propose pas de majoration en dessous de 20 salariés, c est à dire la majorité des cas !! Et au dessus de 20 ce serait des augmentations par la négociation et non pas par la loi, résultat quand le travail sera généralisé le dimanche ce sera la fin des « primes exceptionnelles », et quand les magasins seront vides le dimanche, les salariés auront perdu les majorations qui les alléchaient vu leurs trop bas salaires…
Et les enfants que feront ils le dimanche ? Quelques conséquences dans les quartiers, éducation, en famille ? Remplacer le loisir par le caddy ? Supprimer le seul rendez vous de repos commun collectif à la société ? Vous savez la révolution française a perdu le calendrier républicain quand elle fait des décades, les citoyens préféraient un repos tous les 7 jours plutôt que tous les 10 jours ! C’était pas seulement religieux. Seules les chaines en profiteront au détriment des petits commerces qui perdront 30 000 emplois. Ne parlez pas des touristes chinois qui restent 6 jours ½ en moyenne à paris, leurs tours operators prévoient les achats a Hausmann dans le programme et dans une demie journée, sinon ils achètent en duty free à l’aéroport ! J’ai assisté à la mise en place de la loi Giraud en janvier 1994 (dite quinquennale) ou il proposait au sénat 12 dimanches au lieu de 3… et cela s’est joué à la loterie, 12 ou 7 ou 5, ils se sont arrêtés à 5. Va t on faire pareil à 7 ? Le but est pour le Medef est idéologique, pas économique, il s’agit surtout de déréguler la semaine et le temps de travail.
Au lieu de généraliser le travail du dimanche et revenir sur les 35 heures, le gouvernement serait bien inspiré de s’intéresser au temps de travail qui ne cesse d’augmenter. Le temps de travail moyen des personnels d’encadrement est de 44,1 heures. Réduire effectivement le temps de travail est le meilleur moyen de lutter contre le chômage : ramener le temps de travail réel à 35 heures et 30 heures réelles est la seule solution à 6 millions de chômeurs.
Pareil pour le travail de nuit ! 20 h ou 21 h ou 22 h ou 24 h ? A quoi ça rime ? Sinon à faire mal aux salariés, à leur repos, à leur famille ? Et à déréguler la journée de travail en plus de la semaine ? à nous éloigner des « trois huit » 8 h de travail, 8 h de loisir, 8 h de repos ? a nous éloigner des 35 h et des 30 h ? Qui achètera du parfum… à minuit ? et qui rentrera chez soi en banlieue après ? Pas le patron qui sera sorti au théâtre le soir et le dimanche jouera au golf !
Le travail de nuit, ça nuit. Depuis 1992, a cause du fait qu’on a accepté sans y être contraint la décision de la CJCE et en dépit de l’OIT, il y a déjà 1 million de femmes qui travaillent de nuit en plus. Est ce dans ce sens qu’il faut aller ?
Rajoutons que la loi va réorganiser l’inspection du travail par ordonnance, renforçant la hiérarchie du ministère au détriment des inspecteurs (disséminé en « unités de contrôle » de 8 à 12 agents, spécialisées et chapeautées, avec perte d’indépendance), diminuant le droit pénal du travail, (le remplaçant par des « sanctions administratives » facultatives, avec du « plaider coupable » à la tête du client, sans juges).
Ce recul s’ajoute au fait que les visites médicales tous les quatre ans au lieu de tous les ans puis tous les deux ans) pourront être faites par les médecins généralistes à la place des médecins spécialisés du travail, ce qui est la mort de la médecine du travail.
Ajoutons la suppression des élections prud’hommes, l’échevinage de facto, la diminution des conseillers, et on a là une des lois les plus réactionnaires de l’après guerre, c’est vrai la droite avait initié cale, voulait faire cela, mais l’ordonnance Macron va l’imposer si on n‘y fait pas barrage, nous socialistes. Mais alors qu’on parle du vote des étrangers aux élections locales, voilà qu’on supprime le seul scrutin ou ils pouvait voter nationalement pour les juges de la république, les prud’hommes… On attendra sans doute pour ce qui concerne les tribunaux de commerce opaques, secrets et anti démocratiques, qu’ils soient reformés au XXII siècle, quant aux chambres de métiers, de commerce, d’agriculture, les élections continueront.
Les licenciements ? Alors qu’il y avait quatre critères pour les licenciements individuels dont des critères sociaux, d’ancienneté, de compétence, de postes…pour hiérarchiser le choix des licenciés, et ce depuis 1945.. on en avait discuté avec Jean-Marc Germain lors de l’ANI et de la loi du 14 juin… finalement les critères n’avaient pas été supprimés mais leur ordre modifié (entre ANI, conseil des ministres du 6 mars, loi AN et sénat avril 2013…) puis il avait été donné au patron le choix de l’ordre sans hiérarchie juridique entre les critères, maintenant l’ordonnance Macron supprime les critères, carrément ! Ce seront donc dorénavant les plus faibles qui seront licenciés les premiers ! On se demande ce qu’on cherche là ? comme socialistes ? comme gouvernants ? comme humains ?
Licenciement encore : l’ordonnance Macron énonce que les PSE seront jugés au niveau des établissements et non plus au niveau des groupes, c’est un renversement du sens de la loi et des jurisprudences depuis 25 ans… renversement absurde, parce qu’il permet tous les trafics et arnaques par les groupes de la présentation desdits plans sociaux et des licenciements.
Licenciement encore : les salariés qui se verront donner raison par un juge sur leur licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou abusif, ne pourront désormais plus être réintégrés, c’est fini. Déjà ils ne l’étaient pas, ou rarement mais au moins les patrons condamnés payaient ils cher le droit de ne pas les reprendre, ça c’est fini aussi.
Faut-il parler du sponsoring d’autocars ? de la pollution ? de la régression ? cette forme de « troisième classe » pour les jeunes qui ne peuvent payer le train et qui encoureront donc davantage les accidents de la route.
Faut-il parler des taxis ? le groupe multinational Uber low cost, sabote en ce moment les taxis parisiens, pour y mettre la main. Ils rachètent tous les départs dans les hôtels. Ils sabotent les bornes qui marchent et laissent celles qui ne marchent pas. La centralisation des appels recule, il y a 50 taxis dans certains endroits et zéro ailleurs, c’est fait exprès, pour qu’on ait des chauffeurs philippins sur commande, à toute heure, à bas prix au début puis à prix négocié et de plus en plus cher ensuite, sans compteurs. Uber n’a pas réussi à New York mais l’ordonnance Macron va t elle leur permettre à Paris ?
Faut il parler des notaires, huissiers, avoués, anomalies remontant à la révolution française inachevée, et qu’il faudrait transformer en service public enfin ! Faut il pronostiquer que la reforme en cours va les livrer aux grandes multinationales et ce seront celles ci, américaines, qui s’occuperont bientôt, « librement » de nos successions ? Doit on parler de l’ouverture et du partage gratuit des données du registre national du commerce et des sociétés et de ce que ca va donner et à qui ça profitera ?
Bon je n’ai plus le temps, j’ai été long, mais n’ait pas pu tout énumérer, il reste à notre parti a s’opposer à cette ordonnance et au 49-3 qui nous menace. Ce serait un recul pour le pays, pour les salariés, pour la gauche, pour les socialistes que pareille ordonnance passe au forcing.