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La mort de Vaclav Havel - L'ex-dissident au service de la bourgeoisie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La mort de Vaclav Havel, ex-écrivain, ex-dissident et ex-président de la République tchécoslovaque, a été honorée, ici comme dans bien d'autres pays, par toute la classe politique, de droite comme de gauche.
Vaclav Havel, fils d'une famille d'industriels tchèques expropriés à la fin des années 1940 par le régime instauré par l'armée de Staline, a très vite fait partie de l'intelligentsia qui s'est opposée aux gouvernements dits de « démocratie populaire ». Ceux-ci furent mis en place à partir de 1948 pour garder le contrôle de la zone d'influence de l'URSS, négociée entre la bureaucratie russe et l'impérialisme avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'occupation de la Tchécoslovaquie par l'armée soviétique, comme des autres pays du futur Bloc de l'est, faisait partie du pacte entre les puissances militairement victorieuses, pour faire barrage à toute montée ouvrière après la défaite de l'impérialisme allemand. C'est la guerre froide, déclenchée par les USA, qui entraînera le repliement des « démocraties populaires » sous la férule de l'URSS derrière ce que Churchill dénomma « le rideau de fer ».
Après l'écrasement du Printemps de Prague par les chars russes en août 1968, Vaclav Havel fut la personnalité la plus connue du Forum civique, principal cercle d'opposants au gouvernement en place, et à ce titre connut la prison.
Mais cette stature d'opposant et d'intellectuel fidèle à ses idées lui servirent à promouvoir une politique désastreuse pour l'immense majorité de la population. De 1990 à 2003, Vaclav Havel fut président de la République et à ce poste impulsa ce que les défenseurs de l'ordre capitaliste ont appelé improprement « le changement démocratique ». Ce changement, même s'il a permis une certaine liberté d'expression et des élections plus libres, a surtout permis l'enrichissement rapide d'une petite clique de bourgeois tchèques. Et, plus encore, il s'est traduit par la mise en coupe réglée de toute l'économie tchèque par l'impérialisme, et d'abord par les grands trusts allemands.
C'est la population qui a payé au prix fort les privatisations massives. Des millions de travailleurs du pays le plus industrialisé des « démocraties populaires » ont découvert le chômage de masse comme premier acte du changement. Jugés non rentables selon les critères capitalistes, de nombreuses entreprises, de nombreux services sociaux ont été fermés ou ont réduit alors leur activité. La « restitution » des biens expropriés à la fin des années quarante a eu des effets catastrophiques. Pour les paysans, quand il s'agissait de terres agricoles. Pour la population, quand des biens de l'Église ou de richissimes aristocrates avaient été depuis longtemps transformés en théâtres, écoles, musées, centres culturels qu'on a décidé alors de fermer. Cela a aussi été une catastrophe pour des centaines de milliers d'habitants, en commençant par ceux de Prague, la capitale, où les anciens locataires, louant à prix modiques des appartements, ont dû déguerpir pour rendre « leurs biens » aux anciens propriétaires.
Pour faciliter l'enrichissement de certains, Havel et les gouvernements qui se sont succédé n'ont eu aucun état d'âme. Et, même sur le terrain dit démocratique, ce ne fut pas exemplaire. Ainsi la séparation d'avec la Slovaquie (la partie orientale de l'ancienne Tchécoslovaquie), en coupant le pays en deux, s'est marchandée dans le dos des populations entre les cliques dirigeantes tchèque et slovaque, et dans leur intérêt exclusif. Ajoutons qu'un des derniers gestes emblématiques de Havel comme président fut d'apporter un soutien total à Bush lors de l'invasion de l'Irak.
Les bourgeois peuvent pleurer un des leurs, Vaclav Havel était de leur monde, et pas de celui de l'immense majorité de la population travailleuse de l'ex-Tchécoslovaquie.
Paul SOREL