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Perspectives mondiales pour 2015 : pétrole, Russie et Union Européenne
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
En cette fin d’année, de nombreux analystes livrent leurs prévisions économiques globales pour 2015. Si l’exercice peut s’avérer périlleux, notamment en raison des fragilités des structures économiques et financières et des risques systémiques, particulièrement au sein du système bancaire européen, qui peuvent à tout instant entraîner l’économie mondiale dans une crise majeure sur le modèle de 2008, les tendances de fond observées durant l’année écoulée livrent les clés de scénarios plausibles pour l’année à venir.
La fin d’année 2014 a été marquée par la chute sans précédent depuis 2008 des cours du pétrole, ce qui a notamment poussé de nombreux analystes à prédire un krach global imminent des marchés financiers.Selon l’économiste Bertrand Chokrane, en accord avec de nombreux experts du marché des « commodities », les cours devraient toutefois remonter dans le courant de l’année prochaine pour s’établir aux alentours de 80$ le baril.
Cette chute vertigineuse des cours de l’or noir, près de 50% depuis juin, donne lieu actuellement à un renvoi de responsabilités entre les pays membres de l’OPEP et les autres producteurs, chacun s’accusant de la responsabilité de la chute des cours. Si les russes ont tiré les premiers, accusant Riyad d’avoir mené une opération de déstabilisation économique et financière, le secteur des hydrocarbures (pétrole et gaz) représentait en effet 35% du PIB de la Russie en 2013 et correspondait aux deux tiers des exportations du pays, de nombreux analystes américains y ont vu au contraire une volonté de Riyad de détruire le secteur des gaz et pétrole de schiste états-uniens qui repose essentiellement sur une bulle financière et dont le seuil de rentabilité pour une partie des acteurs est supérieur à 80$ le baril. C’est notamment l’analyse faite par le vice-président de la compagnie Lukoil.
Pour une majorité des compagnies engagées dans la fracturation hydraulique aux états-unis, le seuil de rentabilité se situe aux alentours de 60$. Si le seuil varie fortement selon les analystes, la banque Goldman Sachs le situant par exemple aux alentours de 80$ alors que le site spécialisé Marketoracle parle de 55$ (ce qui fait tout de même une énorme différence…) : « La plupart des champs américains de pétrole de schiste ne font pas de bénéfice au dessous de 55$ », la plupart des spécialistes du marché de l’énergie s’accordent à dire que les cours actuels ne sont pas viables pour le secteur et qu’ils hypothèquent fortement les capacités des producteurs à répondre à la demande dans les années à venir.
Ainsi, dans son rapport annuel, l’Agence Internationale de l’Energie s’inquiète ouvertement de la capacité des producteurs à répondre à la demande mondiale d’ici 2020. Les cours actuels remettent effectivement en cause les investissements nécessaires au maintient de la production et au développement de capacités supplémentaires pour les ressources dites « non conventionnelles » qui sont impératives pour compenser le déclin des sources conventionnelles qui ont passé leur pic de production en 2006. Total s’est par exemple retiré d’un projet d’exploitation des sables bitumeux au Canada en 2013, baptisé « Voyageur » et qui s’est traduit par une perte nette d’1,3 milliards d’euros pour le pétrolier français. Le projet qui prévoyait la construction d’une unité de transformation des bitumes en pétrole léger, n’était plus rentable du fait de la surabondance de l’offre en Amérique du Nord. Le groupe aurait ainsi « économisé » 5 milliards de dollars d’investissements sur cinq ans. Cette surabondance de l’offre nord-américaine peut expliquer à elle seule la baisse spectaculaire des cours en 2014.
Les ministres de l’énergie de l’OPEP qui se réunissaient la semaine dernière ont ouvertement pris pour cible les producteurs nord-américains sans les nommer. Le ministre émirati Suhail al-Mazrouei a notamment déclaré que l’ « Une des principales raisons (de la chute des prix) est la production irresponsable de certains producteurs hors de l’Opep ». Le Saoudien Nouaïmi a de son côté déploré : « « un manque de coopération de la part des principaux producteurs hors Opep, des informations erronées et la cupidité des spéculateurs ».
Les membres du cartel n’envisagent donc pas de réduire leur production et attendent la faillite des producteurs américains. Les seuils de rentabilité du pétrole du Moyen-Orient sont en effet les plus bas au monde. Afin de trouver des débouchés supplémentaires à leur production les producteurs nord-américains font maintenant le forcing auprès de l’Union Européenne afin d’autoriser les importations de gaz et de pétrole « lourds ». Le président Obama a ainsi promu les gaz de schiste auprès du commissaire européen à l’énergie en tant qu’alternative au gaz russe. Le parlement européen vient d’adopter le 17 décembre une loi autorisant l’importation de pétrole issu des sables bitumeux canadiens qui était jusque là bloquée par la directive européenne sur la qualité des carburants.
La Russie
La Russie a connu une attaque spéculative de grande ampleur sur le rouble au mois de décembre, ce qui a contribué à la détérioration de sa situation économique qui souffre déjà de la chute des cours du pétrole. La monnaie russe a chuté de près de 40% depuis le début de l’année face au dollar.
Les effets sur l’économie nationale sont sévères et l’inflation atteint 10% ce qui a obligé la banque centrale russe a porter ses taux d’intérêts à 17% afin de contrer les attaques spéculatives ainsi qu’a vendre une partie de ses réserves de change pour soutenir sa monnaie. Vladimir Poutine a parlé à ce sujet de « dizaines de milliards » injectés sur le marché. Conjugués aux sanctions occidentales, ces taux d’intérêts prohibitifs pénaliseront cependant les investissements, et donc la croissance économique en 2015. Selon les dernières prévisions du gouvernement, le pib se contracterait ainsi de 0,8%. L’inflation pénalise cependant plus fortement les biens importés et donc les entreprises occidentales. Plusieurs constructeurs automobiles ont ainsi décidé de geler leurs ventes du fait de l’inflation élevée et de la chute du rouble qui entraînent des pertes financières importantes. Général Motors et Audi ont décidé de suspendre leurs ventes depuis le 16 décembre. Seat a tout simplement décidé de quitter le pays. Rappelons ici que le marché russe est le deuxième marché automobile européen, ce qui représente une perte sévère pour les constructeurs occidentaux. Pour mémoire, PSA s’était retrouvé en grande difficulté financière après les sanctions américaines contre l’Iran qui était l’un des principaux débouchés du groupe à l’international. L’entreprise n’avait évité la faillite que grâce à l’entrée du chinois Dongfeng à son capital.
Cependant, les fondamentaux économiques étant solides, la Russie devrait surmonter ces attaques externes et renouer avec la croissance à partir de 2016. On peut ainsi noter que l’endettement public du pays ne se monte qu’à 15,7% du PIB. Comparé aux 95% de la France, ce chiffre laisse rêveur et offre des marges de manœuvres gigantesques aux finances publiques. En outre, comme le rappelait Charles Sannat dans son éditorial du 22 décembre, la pression fiscale ne se monte qu’à 15% du PIB, là où elle est de 47% en France, laissant, une fois encore, des marges de manœuvre considérables à Vladimir Poutine. La banque centrale de Russie disposait de plus de 450 milliards de dollars de réserves de changes au 1er octobre 2014 dont plus de 10% sous forme d’or, un volume plus que suffisant pour contrer les attaques spéculatives sur le rouble.
Cet épisode spéculatif ne devrait donc pas perdurer, d’autant plus que la Chine vient d’apporter son soutien officiel au gouvernement russe par la voix de son ministre des affaire étrangères. Ce dernier a déclaré le 22 décembre : «Si la partie russe a besoin de nous, nous fournirons l’assistance nécessaire au prorata de notre capacité. » Lorsqu’on sait que les réserves de change de la Chine sont les plus élevées au monde et se montaient à près de 3900 milliards de dollars en octobre, si Pékin décide demain de vendre ses dollars sur le marché mondial, s’en est finit de la valeur de réserve du billet vert. Les états-unis viennent du reste de prendre des mesures d’encadrement du marché de l’or et de l’argent autorisant la suspension des cours en cas de fluctuation supérieure à 20% afin de limiter la hausse potentielle des métaux précieux et leur émergence en tant que réserve de valeur alternative.
Il faut toutefois tenir compte des tensions géopolitiques et des tentatives de déstabilisation extérieures qui pourraient peser sur l’économie russe. Ainsi, Moscou n’est pas à l’abri de nouvelles provocations de la part du régime ukrainien sous influence états-unienne. Ces provocations qui pourraient prendre la forme d’une attaque contre la Crimée ou d’un false flag, seraient destinées à aggraver le régime de sanctions contre la Russie ou, dans le pire des cas, déclencher une confrontation ouverte.
La recrudescence de la menace djihadiste dans le Caucase participe aussi de cette stratégie de la tension déployée par Washington et qui a pour but d’accentuer l’isolement de la Russie.
La conjugaison de l’isolement diplomatique dans un contexte de nouvelle guerre froide provoquée par Washington et l’OTAN et le régime de sanctions économiques qui frappe le pays pourrait vraisemblablement constituer le prélude à une tentative de déstabilisation interne sur le modèle des « révolutions colorées. » Il faut remarquer ici que le régime des sanctions touche principalement la classe moyenne et supérieure engagée dans le consumérisme. Ses produits de consommation de prédilection comme les téléphones portables et les voitures, connaissent ainsi des hausses de prix problématiques, jusqu’à 25% pour Apple, ou alors sont tout simplement retirés du circuit commercial, ce qui pourrait en retour alimenter le mécontentement de cette couche de la population plus réceptive à l’idéologie occidentale. Les structures de financement de l’opposition pro-occidentale ont été étudiées par le géopolitologue Tony Cartalucci dans un article paru il y a quelques jours sur son blog Landdestroyer. Selon ce dernier, l’opération d’isolement diplomatique actuel et les provocations du bloc occidental par l’intermédiaire du conflit ukrainien, sont les préludes et la mise en condition opérationnelle pour une tentative de changement de régime.
L’Europe : l’homme malade de l’économie mondiale
La zone euro devrait connaître une croissance anémique en 2015. Début novembre la commission européenne a abaissé ses prévisions à 1,1%. L’inflation devrait également être proche de zéro à 0,8%. Il ne faudra évidemment pas compter sur le pseudo « plan Juncker » dont on a vu que sur les 315 milliards d’investissements prévus, 5 milliards seulement seront débloqués par la Banque Européenne d’investissement, le reste de la somme consistant en une ré allocation de fonds structurels à hauteur de 55 milliards. Le président de la commission compte sur un « effet de levier » pour attirer les investisseurs privés qui sont sensés apporter les capitaux restants. Un peu léger, d’autant plus que sur l’investissement initial de la BEI destiné à lancer le processus, 4,5 milliards seront empruntés sur les marchés, ce qui ramène l’investissement en cash à 500 millions d’euros…
Les deux grandes économies de la zone ne décolleront pas plus en 2015. Les prévisions pour l’Allemagne stagnent à 1,1%, dans la moyenne de la zone, et pour la France à 0,7%, c’est tout juste si l’on peut réellement parler de « croissance ». Les deux « moteurs » de la zone ne sont donc pas près de redémarrer et seront dans l’incapacité de tirer les économies périphériques. Cependant, la situation des pays du sud de la zone, déjà extrêmement préoccupante, va rester mauvaise. L’Italie va ainsi enchaîner une troisième année consécutive de récession, avec une contraction du PIB de -O,4% dans le meilleur des cas (cela, rappelons-le, en incluant les chiffres du trafic de drogue et de la prostitution). Alléluia, la commission annonce enfin des chiffres positifs pour la Grèce et l’Espagne, avec des prévisions à +1,7% pour cette dernière et, au miracle, +2,9% pour la première. Il faut toutefois relativiser ce chiffre qui provient du gouvernement grec et est susceptible d’être revu à la baisse comme c’est presque toujours le cas, et qui vient de plus après une chute abyssale de près de 30% du PIB depuis 2008, ce qui signifie que l’économie hellénique est encore loin d’avoir retrouver son niveau d’avant crise. Il en va de même pour l’Espagne dont le PIB actuel en volume reste en dessous de son niveau de 2008. A cela il faut ajouter la paupérisation massive de la population et le chômage endémique qui touche plus d’un jeune sur deux. La situation de l’Italie n’est guère meilleure puisque le taux de chômage des moins de 25 ans est supérieur à 40%.
L’année 2015 verra le retour de la crise des dettes souveraines
L’explosion en vol de la monnaie unique est régulièrement annoncée, ce fut le cas en 2012 et en 2013. L’euro connu toutefois une relative accalmie en 2014, les marchés étant gavés de liquidités par la FED et ayant massivement investi le surplus d’émission monétaire en bourse. Les rendements hallucinants de Wall Street ont poussé les investisseurs à délaisser les obligations souveraines, et les taux d’emprunts de la France, par exemple, n’ont jamais été aussi bas. Notre état surendetté emprunte actuellement à 0,865% à dix ans. Plus incroyable, l’Italie, classée par l’agence de notation Standards and Poors BBB-, la dernière catégorie avant les investissements spéculatifs, emprunte actuellement à moins de 2% à dix ans, à titre de comparaison, c’est moins que les taux français de 2013… L’Espagne emprunte actuellement à 1,7% à dix ans tout en étant classée BBB par la même Standards and Poors.
Avec la fin du Qantitative Easing annoncé par la FED fin octobre et donc l’assèchement progressif des liquidités, les investisseurs pourraient se retourner vers les dettes souveraines, on assisterait alors à une explosion des taux que les finances publiques des pays en difficulté de la zone euro (c’est à dire un bon paquet…) ne supporteraient pas. La remontée des taux d’intérêts annoncée pour mi-2015 par la FED pourrait sonner le début de l’hallali.
Il n’y a en effet objectivement aucune raison de considérer que la Grèce ou l’Italie, qui ont les taux d’endettement les plus élevés de la zone, parviennent à rembourser leurs créanciers en cas de remontée des taux souverains et en l’absence de croissance économique. La situation de l’Italie apparaît particulièrement problématique puisque la dette publique s’élève à 136% du PIB et que le pays va enchaîner une troisième année consécutive de récession. Qui peut vraisemblablement envisager que les bientôt 2200 milliards d’euros de dette italienne pourront être remboursés un jour ? La situation de la Grèce est encore pire puisque malgré la restructuration de la dette en 2012, qui avait vu les créanciers privés accepter une décote de plus de 50% de leurs créances, l’endettement public atteint aujourd’hui presque 180% du pib contre 160% à l’époque… Les créances privées ne se montaient cependant en volume qu’à 205 milliards d’euros, dont 100 milliards détenus par les banques européennes et grecques qui ont pu bénéficier du programme de refinancement de la Banque Centrale Européenne (LTRO) pour éponger leurs pertes. Que se passera t-il demain avec une restructuration sur la dette italienne dont le montant est presque six fois supérieur ?
La BCE semble ainsi anticiper un scénario catastrophe pour l’année 2015 puisque pour la première fois le conseil des gouverneurs s’est rangé du côté de Mario Draghi qui milite depuis plusieurs mois pour le rachat de dettes souveraines par la Banque Centrale, ce à quoi les allemands continuent farouchement à s’opposer. Une décision sera prise début 2015 sur la nécessité de la mise en place d’un tel dispositif, dénommé Opérations Monétaires sur Titres (OMT). Cependant, la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, a déjà statué dans un arrêt de février 2014, que ce type de programme était anti-constitutionnel en l’état au motif que ce type de rachat de dettes par la BCE remettait en cause la souveraineté budgétaire du peuple allemand. Dans cette optique, tout dispositif de rachat de dette par la Banque Centrale Européenne devra être soumis au Bundestag. Il est très peu probable, si le parlement allemand se trouvait saisi de la question, qu’il approuve un tel programme qui revient dans les fait à mutualiser les dettes de l’euro-zone et donne ainsi l’impression à nos voisins germaniques de payer pour les autres…
Un groupe d’eurosceptiques allemands a également saisi la cour de justice de l’UE sur la légalité de ce programme d’OMT qui outrepasse le mandat de la Banque Centrale Européenne. Cette dernière devrait rendre son avis courant 2015.
On mesure donc tous les obstacles légaux qui se dressent face au dispositif de Mario Draghi ainsi que l’hostilité de l’Allemagne. Le rachat de dette souveraine constitue pourtant la dernière cartouche de la BCE face à la crise des dettes publiques de la zone euro, les taux d’intérêts étant déjà en territoire négatif…
Face à une remontée probable des taux de financement de la dette souveraine dans le courant de l’année 2015, plusieurs scénarios sont donc possibles.
1 Un défaut de paiement pur et simple des états en difficulté, cela concernerait vraisemblablement l’Italie ou la Grèce. Cela aboutirait à une mise en difficulté des établissements bancaires systémiques de l’euro-zone et à une nouvelle crise financière beaucoup plus importante que celle de 2008 vu les montants en jeu. On assisterai alors à des attaques spéculatives contre le secteur bancaire, la dette des états, ainsi que contre l’euro, à une sortie probable de l’Allemagne de la monnaie unique ainsi qu’à la spoliation des épargnants en vertu du mécanisme de résolution bancaire mis en place suite à la banqueroute chypriote et qui prévoit la mise à contribution des déposants.
2 En vue d’éviter un tel scénario apocalyptique et sous la pression des autres pays de la zone euro, il est possible et raisonnablement envisageable que l’Allemagne revoit sa position, ses banques étant par ailleurs fragiles, et autorise la mise en place du dispositif d’OMT. La BCE prendrait alors le relais de la FED et monétiserait la dette. On assisterait alors à une baisse de la valeur de l’euro, ce qui contribuerait à relancer les exportations et dynamiserait l’économie de la zone.
3 L’Allemagne pourrait refuser le dispositif d’OMT et décider purement et simplement de sortir de l’euro-zone et de revenir au Mark, probablement imitée par l’Autriche et d’autres états de sa zone d’influence historique. La conséquence serait une dépréciation importante de la monnaie unique ainsi que des attaques spéculatives massives contre les dettes souveraines des états du sud de la zone, dont la France, mais également un renchérissement du Deutsche Mark qui pénalisera en retour l’économie allemande. Un tel scénario serait également préjudiciable au secteur bancaire allemand dont les créances libellées en euro subiraient une décote importante.
Toutefois, certaines décisions récentes outre-Rhin laissent à penser que l’Allemagne semble vouloir prendre en compte les questions soulevées par l’inter dépendance de son économie avec celle de ses voisins. Le ralentissement de la croissance depuis 2013 a notamment fait prendre conscience aux élites dirigeantes des problématiques d’un modèle exportateur au sein d’une conjoncture économique globale déprimée, et particulièrement au sein de l’UE qui reste le premier débouché de l’économie germanique en absorbant 22% de ses exportations même si cette part à tendance à diminuer. Or, depuis le début de la crise, l’excédent commercial réalisé par l’Allemagne à l’intérieur de l’UE a chuté de 77 milliards d’euros. Si cette baisse a été compensée pour l’instant à l’international, l’extinction des moteurs de croissance au niveau mondial contribue là aussi à une réduction des débouchés pour l’économie allemande. A cela il faut ajouter les sanctions contre la Russie qui vont entraîner une chute des exportations dans ce pays de l’ordre de 20 à 25% selon le « Comité de l’économie allemande pour les pays d’Europe de l’est ».
Ainsi, le président de la Bundesbank a pris position cet été en faveur d’une hausse des salaires destinée à lutter contre les risques de déflation en zone euro, ce qui avait soulevé de vives réticences outre-Rhin, et qui répondait à des demandes insistantes des instances économiques de l’euro-zone pour qui la faiblesse de la demande allemande était à l’origine des déséquilibres au sein de l’union monétaire. Depuis, il semblerait que les salaires aient effectivement progressé de 1,8% au troisième trimestre 2014, une exception en Europe. L’instauration d’un SMIC cet été, qui entrera en application en janvier 2015, devrait également contribuer à sortir des millions de salariés de la pauvreté, selon la ministre du travail, et soutenir la demande interne.
Ces mesures vont ainsi dans le sens d’une réorientation de l’économie allemande vers un modèle intégrant la demande intérieure, ce qui peut laisser envisager un assouplissement de l’orthodoxie budgétaire et de la rigidité germanique face aux politiques d’émission monétaires envisagées par la BCE. Certes, cela fait encore beaucoup de conditionnels…
Ender pour les moutons enragés