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La Poste verse une prime de 25 euros à un salarié, suicidé en 2013
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) L'action pour faute inexcusable engagée contre l'établissement par sa veuve traîne en longueur
Mi-mai, chaque contribuable devra adresser sa déclaration de revenus 2014 et, comme chaque année, des entreprises envoient à leurs salariés le montant à déclarer au fisc. Y compris, parfois, à ceux qui sont… décédés. C'est ce qui s'est produit à La Poste. Nicolas Choffel a été destinataire, fin mars, d'une " déclaration fiscale individuelle concernant l'année 2014 ". Mais ce cadre, qui travaillait au siège de l'entreprise, en situation de burn-out, avait mis fin à ses jours le 25 février 2013.
C'est donc sa veuve, Ilma Choffel de Witte, qui a ouvert ce courrier, dans lequel on peut lire : " Nombre d'heures rémunérées : 0 ; traitement et salaires : 0 ; avantage en nature : 0 ; prime d'intéressement : 25 euros ". Un choc, pour Mme Choffel, qui a préféré transformer sa blessure en ironie, dans un courrier adressé le 23 mars à Philippe Wahl, le PDG.
" Je fus agréablement surprise par votre courrier, écrit-elle. Effectivement, des rumeurs me sont parvenues comme quoi il y a un grand effort d'une stratégie managériale plus humaine à La Poste. Votre décision de donner une prime d'intéressement à hauteur de 25 euros pour mon mari Nicolas Choffel m'a beaucoup touchée. D'autant que durant l'année 2014, il était jour et nuit proche de son lieu de travail – en fait il est enterré au cimetière de Montparnasse – mais comme vous pouvez l'imaginer, il est incapable de bouger suite à son accident du travail donc ce n'est pas un employé très productif. Je vous félicite pour ce bel effort d'humanité de générosité. "
M. Wahl n'a pas encore répondu directement à Mme Choffel. Mais, interrogé par l'AFP, le 1er avril, il lui a présenté ses " excuses ", précisant qu'il s'agissait là " de l'édition automatique d'un document fiscal ". Sollicitée, la direction de La Poste ne nous a pas répondu.
Mais, au-delà de ce courrier, cruel, Mme Choffel, qui a engagé une action pour faute inexcusable de l'employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), rappelle surtout à M. Wahl que, " depuis le 16 décembre 2014, date limite fixée par le TASS ", l'avocat de La Poste " n'a non seulement pas déposé ses conclusions ", mais qu'" il a également, au bout de trois mois - de retard - annoncé verbalement que ni ma fille, ni moi-même ne recevrions des conclusions avant au moins deux mois. "
Procédure au pénal en panne
" Le TASS nous a fait savoir que la date d'audience sera fixée quand il aura reçu les conclusions de la partie adverse, indique Jean-Paul Teissonnière, l'avocat de Mme Choffel. C'est un peu curieux. " Mme Choffel se demande s'il n'y a pas une volonté de faire " obstacle à la progression normale de la procédure " et si La Poste n'attend pas " la fin de l'enquête judiciaire, en espérant que le dossier soit classé sans suite ".
La procédure au pénal semble, en effet, en panne. " Au bout de deux ans, indique Me Teissonnière, on en est encore au stade de l'enquête préliminaire, qui normalement dure trois ou quatre mois. Or, ce n'est pas une affaire complexe. Avec la reconnaissance en accident du travail, le rapport de l'inspection du travail, etc., il y a suffisamment d'éléments qui montrent qu'il s'agit d'une affaire sérieuse. "
M. Choffel s'est suicidé alors qu'il était en arrêt de travail pour burn-out depuis trois semaines. Dans un contexte de réorganisation, " il a occupé trois postes simultanément " durant les trois derniers mois de sa vie et perdu " 18 kg ", indique son épouse. Malgré son arrêt, ajoute-t-elle, La Poste le sollicitait fréquemment par des appels téléphoniques et des mails.
" Culturellement, les parquets ont du mal à concevoir que des chefs d'entreprise puissent être des délinquants ", relève Me Teissonnière, qui intervient dans d'autres affaires de ce type, chez France Télécom notamment. La délinquance supposée de La Poste étant de ne pas " avoir protégé la santé de mon mari comme l'y oblige la loi ", estime Mme Choffel.
Francine Aizicovici