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Essai : Detroit : pas d’accord pour crever. Une révolution urbaine

Lien publiée le 28 mai 2015

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http://npa2009.org/idees/essai-detroit-pas-daccord-pour-crever-une-revolution-urbaine

Dan Georgakas et Marvin Surkin. Agone, 2015, 24 euros. Acheter sur le site de la librairie La Brèche.

Enfin disponible en français, Detroit : pas d’accord pour crever raconte une expérience militante hors du commun et peu connue en France, celle de la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires de Detroit.

Mai 68 : pour la première fois depuis 14 ans, l’usine automobile Dodge Main (Chrysler) connaît une « grève sauvage », non autorisée par la direction du puissant syndicat United Automobile Workers. Cette grève implique plus de 4 000 ouvriers, et à sa suite plusieurs ouvriers noirs sont licenciés. Le Dodge Revolutionary Union Movement (ou « DRUM » qui signifie percussion, tambour) est fondé dans la foulée de cette grève. Le combat des ouvriers révolutionnaires de DRUM est double : contre le racisme et pour le contrôle ouvrier.
DRUM va essaimer dans les entreprises de la ville : d’autres Revolutionary Union Movements regroupant des travailleurs noirs en colère vont être formés autour de bulletins d’entreprises à Eldon (Chrysler) mais aussi à Ford, à UPS et même à l’hôpital central de Detroit… Ces différents groupes se fédèrent en formant la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires. Ils attirent à eux des lycéens, des étudiants, et plus largement la meilleure partie de la jeunesse noire révoltée des quartiers déshérités de ce qui était à l’époque la 5e ville des États-Unis.
Leur écho se fait entendre dans de nombreuses autres villes du pays, et les militants de la Ligue tisseront des liens avec des groupes révolutionnaires jusqu’en Europe, notamment avec les Opéraïstes italiens qui s’implantent au même moment dans les entreprises automobiles de Turin et autres. La bourgeoisie ­étatsunienne les prend très au sérieux : le Wall Street Journal s’est dès le départ inquiété qu’un groupe d’ouvriers noirs révolutionnaires soit capable de paralyser des usines stratégiques dans le plus gros centre industriel du pays.

La force des travailleurs afro-américains
Detroit : pas d’accord pour crever montre bien comment les militants qui ont lancé DRUM et la Ligue ont pu effectuer une percée fulgurante au cœur de la classe ouvrière : les travailleurs afro-américains sont la force révolutionnaire par excellence, celle qui pourra entraîner tous les autres opprimés. Ils critiquent sévèrement les Black Panthers, dont les démonstrations de force, avec bérets noirs et armes au poing, sont à leurs yeux trop spectaculaires pour entraîner les masses dans l’action.
DRUM et la Ligue vont donner naissance à une série impressionnante d’activités militantes non seulement dans les entreprises, mais aussi dans les lycées, les quartiers… Ils seront capables de prendre le contrôle du journal quotidien de la fac de Detroit ; ils réuniront des centaines de personnes, Noirs et Blancs, dans un club de lecture ; ils réalisent un film, Finally got the news, qui permettra de diffuser largement leurs idées… La capacité de la Ligue à résister à la répression est exemplaire. Cependant, l’organisation s’effondre dès 1971 au milieu de débats marqués par une grande confusion idéologique.
Après Occupy Wall Street, des mouvements sociaux importants ont éclos dans la classe ouvrière étatsunienne : les grèves et manifestations pour des augmentations de salaires sous le slogan « Fight for 15 » et le mouvement « Black lives matter » contre les violences policières et racistes. L’histoire que raconte ce livre est pleine de leçons pour celles et ceux qui cherchent dans ce nouveau contexte à renverser le capitalisme dans son principal bastion américain, ou ailleurs.

Alfred Garnett