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"Déni", "paranoïa", "aura d’un seul homme"... 2 cadres du PG claquent la porte

Lien publiée le 11 juin 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/politiques/2015/06/11/deni-paranoia-aura-d-un-seul-homme-deux-cadres-du-pg-claquent-la-porte_1327487

Dans un courrier, deux cadres parisiens du Parti de gauche dénoncent «un parti quand tout repose sur une seule personne». «Critiques à contre-temps», répond la direction.

Un (très) mauvais signal. On savait qu’à un mois de son congrès à Villejuif, le Parti de gauche fondé par Jean-Luc Mélenchon n’était pas très en forme. Déjà, à peine moins de 2 000 adhérents (sur 8000 à jour de cotisation selon la direction) ont participé, il y a quelques semaines, au vote sur les «plates-formes» d’orientation de cette formation membre du Front de gauche. Mercredi, deux responsables parisiens ont rendu public leur départ de ce parti né en 2008, dénonçant, dans une lettre (lire document ci-dessous), une«structure construite autour de l’aura d’un seul homme», dont le «moteur»est la «dévotion» et perdue dans «une immense paranoïa».

Les signataires: Sylvie Aebischer, ex-cosecrétaire du PG dans la capitale, qui a été la directrice de campagne de la conseillère de Paris, Danielle Simonnet, aux municipales de 2014; et Fabien Marcot, conseiller national du PG et cosecrétaire du comité PG dans le XXe arrondissement de Paris. Leur profil - des déçus du PS ou des nouveaux venus en politique qui avaient cru à l’élan du Front de gauche en 2012 - illustre les difficultés d’un Parti de gauche plus proche aujourd’hui de connaître un avenir à la NPA que des lendemains qui chantent à la Syriza en Grèce, Podemos en Espagne ou même Die Linke en Allemagne.

«LEURS CRITIQUES VIENNENT À CONTRETEMPS»

Dans leur lettre, ces deux militants déplorent ainsi la non-remise en cause de leurs dirigeants, Jean-Luc Mélenchon en tête. Après les échecs électoraux de 2014 - municipales et européennes où l’objectif affiché était de «passer devant le PS» - ils estiment ainsi que «le temps aurait dû être aux bilans, à l’analyse, à la confrontation avec d’autres points de vue»«Nous avions besoin de réfléchir, de comprendre pourquoi l’élan s’était enrayé, de nous renforcer pour faire émerger de nouvelles pistes», expliquent-ils. Mais au lieu de ça, «tout de suite, cela a été le déni», disent-ils. «Nous avons tous en tête ces démonstrations électorales qui finissent toujours par montrer, en tordant les chiffres, qu’au fond nous avons progressé», font-ils remarquer.

«Bercés par l’élan» des premiers succès électoraux, ils acceptaient que tout tourne et soit décidé par Jean-Luc Mélenchon et ses proches, disent-ils: «Ce qui nous fait quitter le PG aujourd’hui était sans doute présent dès sa création, mais nous l’acceptions»«J’ai du mal à comprendre, répond Eric Coquerel à la direction du PG. Ils ont travaillé avec nous sur les travaux de plate-forme commune encore ces derniers jours. Leurs critiques viennent à contretemps.» 

Les mots des deux partants sont très durs: «Le PG a toujours été une structure construite autour de l’aura d’un seul homme qui est à la fois le lien, le penseur, le leader, le porte-parole. Comment devenir un vrai parti quand tout repose sur une seule personne, quelles que soient ses qualités? Comment rester lucide quand on s’entoure d’ultra-fidèles qui n’osent jamais la moindre contradiction? La dévotion est le moteur du parti.» «C’est faux, rétorque Coquerel. C’est très loin de la réalité de ce parti.»

«LE PARTI SE RENFORCE EN S’ÉPURANT»

La direction du parti en prend aussi plein la figure: «Une telle organisation s’assèche intellectuellement. La direction du PG ne réfléchit pas. Ou ne se permet pas de réfléchir. A ne fonctionner qu’à l’entre soi, à ne se lire qu’entre camarades, elle ne voit plus l’effervescence qui existe en dehors du PG et du Front de gauche. Elle attend seulement le nouvel opus de Mélenchon et s’évertue à le transcrire dans la résolution politique suivante. Et elle perd tout sens critique». Ils dénoncent aussi «l’immense paranoïa»qui règnerait au PG: «Tout le monde nous veut du mal. Les journalistes évidemment, la droite bien sûr, la gauche n’en parlons pas. Médiapart est honni depuis un billet de Fabrice Arfi sur la Russie, Libération est "un journal qui nous combat", et Le Monde ne se lit pas. Le Figaro, L’Humanité, Regards : des ennemis partout !»

Ils reviennent sur le dernier ouvrage de Mélenchon qui, «c’était prévisible […] fait l’unanimité contre lui hors de nos rangs»«Le PG se réfugie dans la certitude que le monde entier veut lui nuire. Quant aux militants déroutés qui y trouvent des relents germanophobes, c’est qu’ils n’ont évidemment pas compris. Quiconque, en interne, signale un début de désaccord devient un coupeur de cheveux en quatre, donc un empêcheur de militer en rond, donc un ennemi.» Leurs camarades préféreraient les voir prendre la porte plutôt que critiquer la ligne et le chef: «Le parti se renforce en s’épurant», entendent-ils.

CRITIQUES SUR LES STRATÉGIES DÉJÀ CHOISIES

Ils n’ont pas apprécié de voir Mélenchon, en août 2014, lancer, sans prévenir, le Mouvement pour la 6e République, laissant de côté le PG.«Émettre un doute était malvenu, écrivent-ils. Tout était déjà lancé et annoncé dans les médias. Que le M6R peine à décoller ou ait franchement raté son lancement ne devait pas être mentionné. Douter, c’était déjà trahir.» Idem aujourd’hui pour la stratégie aux régionales et les «appels citoyens» annoncés avant même que ne se déroule le congrès. Selon eux,«toute la direction n’a en réalité qu’une unique préoccupation: comment faire de Mélenchon le candidat en 2017 ? La vocation de ces assemblées est en réalité plébiscitaire: l’implication citoyenne ne devant déboucher que sur le recours au tribun».

Depuis sa fondation en 2008, le PG a connu beaucoup de défections. En décembre 2012, son cofondateur le député Marc Dolez, avait déjà dénoncé les choix stratégiques de Mélenchon rendant «inaudibles» les propositions du Parti de gauche. Avant lui, d’autres cadres avaient claqué la porte regrettant un fonctionnement étroit autour de Mélenchon. Arguments toujours repoussés par la direction. Certes, depuis la présidentielle, de jeunes recrues ont rejoint les comités PG. Beaucoup ont été attirés par le dynamisme de la campagne puis les «marches» organisées par le Front de gauche, Mélenchon en tête. Mais depuis 2014, la machine est cassée. Les difficultés entre membres du Front de gauche aux municipales et la stratégie de critiques permanentes de l’ex-candidat à la présidentielle ont dérouté une partie des militants. Et dans de jeunes partis de gauche comme le PG, lorsque les plus tendres commencent à partir, les plus durs, eux, restent.