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"Petites misères" de la vie d’une caissière
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.revolutionpermanente.fr/Petites-miseres-de-la-vie-d-une-caissiere
M., caissière dans une grande surface de la région bordelaise
Lundi, il est presque midi. Clouée à sa caisse, Stéphanie pleure.
- Pourquoi tu pleures ? Je lui demande en m’approchant... Dans de ces rares instants où il n’y a pas de clients...
- J’en ai marre des remarques, des insultes, des engueulades des collègues...
Stéphanie est mère de famille, la quarantaine. Elle a son bon petit caractère et n’a pas l’air de se laisser faire. Et pourtant elle pleure en caisse…
La vie dans le supermarché n’est pas la vie en rose. Quand ce n’est pas la hiérarchie, les petits chefs ou les patrons, ce sont les propres collègues, nos pairs, qui nous font vivre la misère au quotidien. Le harcèlement moral est une technique bien connue des patrons des supermarchés… et le mépris, les mauvais traitements, les cris et les insultes, c’est la manière « naturelle » de se traiter entre les employés.
Dans Les questions du mode de vie publié en 1923, Trotsky disait à propos des rapports entre les travailleurs : « Dans les couches populaires, la grossièreté exprimait le désespoir, l’irritation, et avant tout une situation d’esclave sans espoir, sans issue ». Ce mal-être, qui s’exprime de manière agressive entre les employés reflète la pression et les exigences que ceux-ci subissent dans les grandes surfaces et sans doute dans d’autres branches.
Le manque de personnel, la surcharge de travail, l’exigence des cadences jamais atteintes produisent une grande frustration… Toute « perte de temps », une simple question de la part d’un collègue ou d’un client peut rapidement être vécue par l’employé comme pénalisante pour sa propre cadence.
C’est un cercle vicieux, les rayons sont mal entretenus par manque de personnel, les produits ne passent pas à la caisse, ou les prix ne sont pas les bons… tout cela ralentit le travail des caissières qui doivent faire appel aux employés de rayon pour débloquer l’afflux de clients. L’employé de rayon râle car il doit aller en caisse et se voit dans l’impossibilité de finir son rayon. Les clients stressent car ils sont pressés et en caisse ça n’avance pas.
Diviser pour mieux régner
Dans les supermarchés les divisions règnent, CDI et CDD, temps partiel et temps complet, employés libre-service (mise en rayon) et hôtesses de caisse… Un secteur composé dans la majorité par des femmes (94%) et par des étudiants à la recherche d’un complément de revenu ou pour financer leurs études. Les actions revendicatives sont rares, nous encaissons… en silence.
Les caissières ont beaucoup moins de liberté d’action que les employés de rayon. Le manque de personnel veut qu’il soit extrêmement difficile de prendre une petite pause ou même aller aux toilettes pendant des heures. Dans un pays où les différents gouvernements de droite ou de gauche, se veulent défenseurs des droits de femmes, ne pas pouvoir aller aux toilettes quand nous avons nos règles, par exemple, est une grande souffrance.
On n’a pas de vie
On travaille samedi, dimanche et jours fériés, jusqu’à 20h ou 21h selon le magasin. On a des journées déséquilibrées (3h un jour, 10h le lendemain). Venir travailler pour trois heures signifie souvent faire des kilomètres et des kilomètres pour pas grand-chose. Parfois on peut travailler 3h le matin de 9h à midi et être obligée de revenir pour faire 3 autres heures de 16h à 19h… Pour faire des économies d’essence, beaucoup de filles restent dans le magasin ou aux alentours à « trainer »… on perd littéralement 3 ou 4 heures de nos vies à rien faire, à attendre l’heure de l’embauche. Dans beaucoup de cas nous n’avons pas d’horaires fixes, ce qui rend impossible toute activité artistique, associative ou sportive et même une vie familiale, aller chercher nos enfants à l’école, leur faire à manger, etc.
On doit être polyvalents : nous faisons la caisse, l’accueil, les rayons si on a une seconde… bref il faut être « productive »… et il y a toujours quelque chose à faire dans un magasin. On fait le ménage de toute la ligne de caisse, des portes d’entrée et de sortie, des toilettes et de la salle de pause que nous n’utilisons jamais… Nous mettons les antivols sur les vêtements entre deux clients, profitant de ces deux ou trois secondes que nous donne le paiement par carte bancaire… Il n’y a pas de temps de répit.
Les arrêts maladies s’enchainent, les gestes répétitifs du travail à la chaîne provoquent des tendinites, la position assise ou tout le temps debout cause des problèmes de dos, le stress et la souffrance au travail conduisent à la dépression. On est obligées de remplacer les caissières en arrêt maladie et en vacances… Ainsi, avec un contrat de 30h par semaine il nous arrive de travailler 45h. C’est épuisant.
Et puis il y a les heures supplémentaires non payées. La caissière ne peut pas sortir de sa caisse tant qu’il y a des clients, c’est pour cela qu’à l’heure de la débauche nous ne pouvons jamais partir. L’afflux des clients nous l’empêche. Une fois qu’on a réussi à fermer sa caisse il y a aussi le temps de comptage de caisse qui n’est pas payé. Et s’il y a une longue file de clients à la caisse d’une collègue, nous sommes « obligées » de ré-ouvrir la caisse pour continuer à encaisser après avoir fini de la compter… nous ne partons jamais… et bien sûr il est très prévisible, presque ancré dans les habitudes, que nous ne serons pas payées pour cette demi-heure, voire ces 40 minutes supplémentaires en plus de ce que nous faisons tous les jours.
Un rayon de soleil, un sourire
La relation avec la clientèle est souvent particulière, le plus souvent nous sommes « invisibles », presque une partie du décor… C’est différent avec les « habitués » du quartier pour qui nous sommes parfois le seul être vivant avec qui certains ont la possibilité d’échanger quelques mots. Beaucoup de personnes âgées se confient à nous… et d’autres personnes moins âgées aussi. Les confidences les plus intimes et les plus touchantes... la mort d’un enfant, d’un mari… Deux copines d’environ 80 ans me racontent un matin qu’elles se sont connues toutes petites… qu’elles se tenaient la main pour aller à l’école… qu’elles ont vu les allemands embarquer leurs parents… On soupire… C’est une des seules satisfactions de ce métier de pouvoir tenir la main à des gens isolés et de se sentir à nouveau… humaines.