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Au Burgenland autrichien, la gauche gouverne avec l’extrême droite
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Le gouverneur de la région n'a pas été sanctionné par le parti social-démocrate au pouvoir
Les sociaux-démocrates autrichiens brisent un tabou. Ils ont formé une coalition avec le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) d'extrême droite, dans le Burgenland, sur la frontière avec la Hongrie. Lors de son dernier congrès, à l'automne 2014, le SPÖ, qui gouverne l'Autriche depuis 2007 avec les chrétiens-démocrates de l'ÖVP, avait pourtant exclu," à quelque niveau que ce soit ", toute alliance avec le FPÖ, son plus redoutable concurrent auprès de l'électorat populaire.
Mais les résultats des élections dans les Länder du Burgenland et de Styrie, fin mai, ont fait sauter les digues. Au Burgenland, vieux bastion social-démocrate, le FPÖ a atteint 15 %, en progression de presque six points, tandis que les sociaux-démocrates reculaient d'autant. La poussée de l'extrême droite a été encore plus spectaculaire en Styrie, où elle a obtenu 26,8 % des voix (+ 16,2 %), faisant presque jeu égal avec les partis au pouvoir.
Plutôt que de voir la droite s'allier avec le FPÖ, le gouverneur social-démocrate, Hans Niessl, a sorti la carte " rouge-bleu " - SPÖ-FPÖ - , présentée comme une " expérience ". Son équipe a été constituée en un temps record : c'est au FPÖ qu'a été confiée la sécurité. Le gouverneur social-démocrate de Styrie, Franz Voves, a refusé une telle alliance et a cédé son poste à un chrétien-démocrate, qui gouvernera le Land avec le SPÖ.
Parmi les dirigeants du SPÖ, l'embarras le dispute à la consternation. Bien que le parti s'emploie à faire taire les protestations que ce virage suscite dans ses rangs, quelques cadres et figures symboliques du parti l'ont quitté pour marquer leur désaveu. Lors d'une réunion en urgence du comité directeur, lundi 8 juin, le chancelier Werner -Faymann, qui est aussi président du parti, a pris acte de la décision de M. Niessl, même s'il la désapprouve. L'interdiction de pactiser avec le FPÖ est maintenue au niveau fédéral : en clair, les responsables ont les mains plus libres aux autres échelons, et M. Niessl ne sera pas sanctionné.
Moins d'une semaine auparavant, M. Faymann participait en France à un dîner de travail organisé par le premier ministre, -Manuel Valls, pour discuter de " l'avenir de la social-démocratie européenne ", contrainte de " se réinventer " sous la pression des populismes. C'est le thème central de la conférence des partis sociaux-démocrates qui se tient du 11 au 13 juin, à Budapest, en Hongrie.
En tête dans les sondages
Le chancelier autrichien, déjà contesté par son aile gauche, qui lui a refusé sa confiance lors du dernier congrès national, à l'automne 2014, se voit encore affaibli par l'affaire du Burgenland. Son sort est maintenant lié aux deux élections prévues à l'automne, en Haute-Autriche mais surtout à Vienne – à la fois ville et Land –, où le social-démocrate Michael Häupl, un opposant déclaré du pacte " rouge-bleu ", gouverne avec les Verts.
Lors des élections locales, l'extrême droite a su attiser les inquiétudes de la population devant la montée du chômage et l'afflux de demandeurs d'asile. La ministre ÖVP de l'intérieur, -Johanna Mikl-Leitner, a fait dresser des tentes pour les réfugiés, peu avant le scrutin, ce qui a accru la perception que l'Autriche était submergée. Le FPÖ n'a qu'un seul thème de campagne, la peur de l'étranger, mais il s'en sert avec une grande efficacité
" Vous ne pouvez plus nous arrêter ", jubile son chef, Heinz-Christian Strache. Un sondage, publié le 6 juin, doit le conforter : pour la première fois, l'extrême droite devance nettement ses rivaux, avec 28 % des intentions de vote, soit cinq points d'avance sur le SPÖ et l'ÖVP, chacun à 23 %. C'est dans ce contexte que s'est opéré le basculement du Burgenland.
Pour la principale dirigeante du parti écologiste, Eva Glawischnig, " ce n'est qu'une question de temps " avant qu'une partie du SPÖ ne rouvre le débat sur la nature du FPÖ, et ne considère M. Strache comme un partenaire, somme toute, acceptable.
Joëlle Stolz