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Université. Scandale autour du « président » Jean-Loup Salzmann

Lien publiée le 17 juin 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.revolutionpermanente.fr/Universite-Scandale-autour-du-president-Jean-Loup-Salzmann

En décembre dernier, un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) dévoilait des faits graves de corruption et de népotisme au sein de l’université Paris XIII. Mediapart, qui a pu se le procurer, révèle dans un article que son président Jean-Loup Salzmann, qui dirige par ailleurs la Conférence des présidents d’université (CPU), est au cœur d’un système plus vaste. Détournements, cours fictifs, clientélisme : bienvenue dans l’université des classes dominantes.

Anthony Liam et Guillaume Loïc

Petits arrangements à l’université Paris 13

Paris XIII n’en est pas à son premier scandale : il y avait déjà eu dans les années 2000 une affaire similaire qui avait provoqué la fermeture de l’Institut universitaire professionnalisé « ville et santé », rattaché à l’université. Chose étrange, l’équipe dirigeante de cet établissement, responsable du détournement de dizaines de milliers d’euros, est aujourd’hui... à la tête de l’IUT de Saint-Denis, lui aussi dépendant de l’université de Villetaneuse. Une impunité garantie directement par le Jean-Loup Salzmann, qui a même refusé de protéger les enseignants menacés de mort pour avoir dénoncé les TD fictifs et étudiants fantômes qui y sont monnaie courante. Pourquoi une telle protection ? Tout simplement parce que la direction de cet IUT, intégralement syndiquée à Sup Autonome, a assuré par ses voix sa réélection à la présidence de l’Université en 2012.

Lire Mediapart, poursuivre avec le rapport que le site d’informations a mis en ligne, c’est découvrir toute une série de mécanismes similaires. Il n’y aurait pas non plus de président Salzmann sans Thierry Grumelard, élu de l’UNSA acheté contre un poste de directeur d’étude et de responsable du master Banque et finance. Pas gêné, le bureaucrate syndical a déclaré 798 heures de cours l’an passé en plus de ses fonctions administratives, alors que le service normal est de 192 heures et qu’il est légalement impossible d’aller au-delà du double de son service – autant dire qu’une très large majorité sont fictives, mais pour une rémunération bien réelle. Pas, enfin, d’élection réussie sans les voix de l’Unef, qu’un ancien élu de cette organisation étudiante explique avoir dû livrer sur consigne de son bureau national. Il fallait remercier Salzmann d’avoir su financer, à partir du budget de Paris 13, le festival étudiant contre le racisme organisé par l’Unef. Et d’assurer régulièrement, cela comme des dizaines d’autres administrations universitaires, la réinscription des « statutaires » de l’organisation afin de leur permettre de conserver le statut étudiant. D’ailleurs, Paris 13 est depuis quelques années une université de prédilection pour la direction de cette dernière, qui y organisait en 2010 – déjà sous présidence de JL Salzmann – une fiction de « coordination nationale » à travers laquelle elle mit fin à la dynamique de mobilisation étudiante contre la réforme des retraites.

Parvenir... en trahissant les mouvements sociaux

Jean-Loup Salzmann est un représentant caractéristique des réseaux de pouvoirs socialistes, qui ont cette particularité de s’appuyer sur les mouvements sociaux et en particulier sur le monde de l’éducation et de la recherche. Après avoir brigué une première fois sans succès la présidence de Paris 13 en 2004, il a su utiliser le mouvement contre la loi LRU en 2008 pour gagner en légitimité au sein du monde universitaire. Parvenu à la tête de la CPU... il y contient la grogne de ses pairs, dont les universités sont asphyxiées par les coupes budgétaires liées à l’autonomie financière des établissements, et bientôt mises à mal par la dynamique des regroupements à marche forcée prévue par la loi Fioraso. Sans compter que c’est grâce aux nouvelles prérogatives confiées par la LRU aux présidents d’université qu’il peut mettre en place si facilement son système clientéliste, en distribuant les primes à discrétion.

Rien de bien nouveau pour Jean-Loup Salzmann, qui a été formé à l’école mitterrandienne et sait donc à quel point il est pratique de conserver un lien avec ce qui bouge pour en ternir le rouge. L’homme a fait toute sa carrière en utilisant son réseau politique au Parti socialiste. Au milieu des années 1970, il fondait avec quelques autres une structure chargée de tisser l’influence du dirigeant socialiste au sein du mouvement étudiant. Bien plus groupe carriériste qu’organisation militante, le COSEF lui sert à prendre le contrôle de la Mutuelle nationale des étudiants de France en 1978. À peine quelques années plus tard, Salzmann est l’artisan, avec Harlem Désir et Julien Dray, de la récupération de la Marche pour l’égalité et contre le racisme (1983), avec la fondation de SOS Racisme. Tout un mécano de relégitimation s’invente à ce moment-là, pour un pouvoir qui vient de trahir les espoirs populaires placés en lui à travers le tournant de la rigueur.

De Mitterrand à Hollande : l’escroc s’est pris les pieds dans le tapis

C’est donc en remerciement de tels services rendus au « socialisme » que Jean-Loup Salzmann a pu entrer en 1988 au cabinet de Hubert Curien, alors ministre de la recherche et de la technologie. Et c’est toujours par retour d’ascenseur qu’il accède à une sinécure à plus de 10 000 euros par mois à travers le poste de professeur des universités – praticiens universitaire (PU-PH), en enseignant très peu et sans jamais mettre les pieds à l’hôpital. Le scandale qui éclate aujourd’hui ne fait donc en quelques sortes que révéler une petite portion du parcours politico-mafieux de ce personnage. Une portion qui concerne les 7 ou 8 dernières années, pendant lesquelles les réseaux liés au PS ont pu s’appuyer sur la délégitimation progressive de Sarkozy pour penser leur retour en force et aux commandes, via les postes électifs mais aussi la haute administration, l’école ou l’université. Mais, comme souvent dans l’histoire, la répétition se fait sous la forme d’une farce et touche rapidement ses limites. Car Sauvons la recherche n’est pas la Marche des beurs, et encore moins Mai 68.

Des révélations qui ne sortent pas de nulle part

Pour comprendre sans naïveté ce qui a pu conduire à la fuite de tant d’informations compromettantes sur le « vice-ministre », il faut tenir compte du contexte qui agite aujourd’hui les hautes sphères universitaires. Geneviève Fioraso, la dernière ministre en date, a quitté son poste en mars dernier et n’a pas été remplacée. Ce départ justifié officiellement par des raisons de santé n’était pas sans lien avec le scandale des 274 millions d’euros qu’elle a fait verser au projet Nano 2017, dirigé par son compagnon, à partir du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ni avec les révélations concernant sa fausse maîtrise d’économie, l’usurpation étant un point commun entre l’ancienne ministre et l’actuel premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadelis, qui lui s’est carrément inventé une thèse au début des années 1980. Ni, enfin, avec la levée de bouclier provoquée par la loi Fioraso, qui poursuit la sarkozyste loi LRU au sein de la communauté universitaire.

Toujours est-il que le poste de la rue Descartes est vide depuis trois mois, et qu’il pourrait bien être pourvu dans les prochains jours. Avec l’intelligence d’un arriviste, Jean-Christophe Cambadelis voyait sa présidence servile de la CPU comme le meilleur des tremplins auprès d’un Hollande qui a toujours su récompenser les barbouzes du « socialisme » mitterrandien. La fuite du rapport de l’IGAENR pourrait donc n’être pas tout à fait fortuite. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle sert à la concurrence. Et Najat Vallaud-Belkacem, qui a hérité du portefeuille le temps d’un intérim et pourrait bien avoir son candidat dans la course au Ministère de l’ESR, s’est engagée à faire appliquer les sanctions préconisées par l’Inspection.

Le ménage reste à faire

Toutes celles et tous ceux qui ont un jour combattu la régression qui touche aujourd’hui l’université, ou en subissent tout simplement les conséquences au quotidien, auront tendance à se réjouir de l’effondrement des combines Salzmann. Mais il ne s’agit pas de changer les individus. Le système d’enseignement supérieur et de recherche actuel est une machine à favoriser la corruption, à travers l’extension du pouvoir discrétionnaire de l’administration et plus particulièrement de quelques potentats en son sein. C’est une machine à faire prévaloir les intérêts du patronat et de l’État sur ceux des étudiantes et étudiants, des salariés et enseignants, grâce à des conseils où les « personnalités extérieures » et technocrates sont devenus majoritaires sur les représentants élus.

L’expérience quotidienne de toutes celles et tous ceux qui y travaillent ou y étudient consiste à se voir imposer une compétition toujours plus dégradante pour le peu de places et de postes qui restent. La sélection, officiellement interdite en licence, se fait régulièrement par tirage au sort, et l’on sait bien que le « sort » n’est pas le même pour tout le monde et que certains réussissent à pousser leur dossier à travers le réseau social acquis familialement ou professionnellement. Le harcèlement sexuel est monnaie courante sur les étudiantes, les enseignantes précaires, les chercheuses. Il n’y a donc qu’en renversant ce régime universitaire pourri, et en imposant la gestion démocratique de l’université par celles et ceux qui la font au quotidien, que l’on pourra en finir avec le fonctionnement mafieux dont a pu profiter un Jean-Loup Salzman.