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L’extrême gauche états-unienne face au « candidat rouge »
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.revolutionpermanente.fr/L-extreme-gauche-etats-unienne-face-au-candidat-rouge
Ivan Matewan
La candidature de Bernie Sanders, le sénateur indépendant et autoproclamé « socialiste » du Vermont, aux primaires présidentielles internes du Parti démocrate, suscite un vif intérêt au sein de la gauche radicale et de l’extrême gauche états-unienne. Diverses organisations ont commencé à se positionner vis-à-vis de la campagne du « candidat rouge », mais les déclarations des unes comme des autres manquent en règle générale de fermeté stratégique et clarté sur le plan du programme.
Depuis l’annonce officielle de sa candidature, Bernie Sanders a réussi à s’imposer progressivement comme le « candidat naturel » de la nouvelle gauche aux États-Unis. Après des années de recul du mouvement ouvrier, de stagnation salariale, de crise économique et de reprise inégale de l’activité, la société états-unienne est animée par de nombreuses tendances à la radicalisation. Ainsi en témoignent l’Occupy Wall Street, les grèves dans la restauration rapide, l’élection d’une candidate ouvertement socialiste au Conseil municipal de Seattle, ou encore la succession de révoltes des Afro-américains contre les violences policières.
Ces nouveaux phénomènes politiques, sociaux et culturels se sont largement produits en dehors du Parti démocrate et de ses relais traditionnels dans la jeunesse, le monde du travail et les secteurs opprimés de la société états-unienne. Malgré son étiquette « socialiste » et sa dénonciation des inégalités sociales croissantes, la candidature de Sanders, en faisant campagne à l’intérieur du « parti de l’âne », vise principalement à chapeauter cet espace à gauche qui s’ouvre progressivement depuis 2012 au profit du Parti démocrate, vers lequel il compte canaliser les phénomènes de radicalisation à l’œuvre dans le monde du travail et la jeunesse.
Socialist Alternative et son indépendance ambiguë vis-à-vis du Parti démocrate
Parmi toutes les organisations d’extrême-gauche aux Etats-Unis, Socialist Alternative est la plus ouvertement favorable à Sanders. Depuis 2014, ils incitent ce dernier à se présenter aux élections présidentielles de 2016. Sa candidature désormais officielle, ils le soutiennent ouvertement et ont décidé de s’intégrer à sa campagne avec l’objectif d’exercer sur lui « une pression à gauche ». Alors qu’ils affirmaient en mars qu’une décision de Sanders de se présenter comme démocrate serait une opportunité perdue pour construire une alternative de gauche au système bipartite, ils saluent aujourd’hui son choix de se présenter aux primaires démocrates, allant jusqu’à estimer que « sa candidature pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans la vie politique états-unienne. »
Dans un article intitulé « Bernie Sanders appelle à une révolution politique contre la classe milliardaire » et publié le 9 mai 2015, Socialist Alternative justifie son soutien à Sanders en affirmant que la nature de sa candidature est encore indéfinie. Selon eux, à l’issue des primaires, Sanders pourrait décider d’apporter son soutien à celui ou celle qui aurait remporté la nomination, ou bien poursuivre sa campagne en tant qu’indépendant. Constituer une pression à gauche vise précisément ce deuxième objectif, c’est-à-dire d’obliger Sanders de rompre ouvertement avec le Parti démocrate sous la pression de sa base.
Mais Socialist Alternative tend à minimiser en même temps les problèmes programmatiques posés par la candidature de Sanders risquant ainsi tendanciellement de s’y adapter. Par exemple, ce dernier prône la division des grands groupes financiers entre banques de dépôt et banques d’investissement tout en étant contre la nationalisation du système bancaire sous le contrôle démocratique des travailleurs. S’ils regrettent par ailleurs que Sanders ne se soit pas opposé à la guerre en Afghanistan ou n’ait pas dénoncé le massacre israélien à Gaza de l’été dernier, ils pensent que sa campagne se distingue fondamentalement de celles des autres membres de la caste politicienne bourgeoise qui briguent la fonction présidentielle. Malgré son discours sur la nécessité d’une alternative politique à gauche, indépendante de la bourgeoisie, en soutenant Sanders, Socialist Alternative semble de fait se placer, indirectement, à la remorque du Parti démocrate et des institutions capitalistes.
L’Organisation socialiste internationale parie sur le Parti vert
L’Organisation socialiste internationale a pris plus de distance avec Sanders, mais affirme ne pas avoir d’opposition de principe à sa candidature. Dans un article intitulé « Une FAQ socialiste sur Bernie Sanders et la gauche » publié le 27 mai 2015, ils écrivent qu’« alors qu’on soutient beaucoup de propositions de réforme de Sanders... on est en désaccord avec son soutien à l’Etat israélien d’apartheid et son choix de ne pas contester systématiquement l’impérialisme nord-américain, sa position timorée sur la violence policière raciste et son soutien à la limitation des droits des immigrés. » Mais, pour l’Organisation socialiste internationale comme pour Socialist Alternative, ce qui compte n’est pas la « pureté des positions politiques de Sanders », mais plutôt « sa décision de se présenter aux primaires présidentielles du Parti démocrate. »
Ainsi, ils préfèrent soutenir les candidatures du Parti vert et travailler ouvertement pour que ce dernier devienne un parti large composé de « progressistes et socialistes qui soient d’accord sur la nécessité d’une action politique unie et indépendante du bipartisme au service du règne du capital. » Pour les élections de 2016, ils s’apprêtent ainsi à soutenir Jill Stein, candidate du Parti vert, comme ils ont fait lors des dernières élections de mi-mandat dans plusieurs États comme le New York faisant intégralement partie de la campagne de Hawkins et Jones aux postes de gouverneurs et de vice-gouverneur. Leur indépendance à l’égard du bipartisme en général et du Parti démocrate en particulier semble cependant relative lorsqu’on sait qu’ils se félicitaient d’avoir reçu le soutien du Parti démocrate de New York City en novembre 2014.