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Intervention de Tsipras au parlement européen

Lien publiée le 9 juillet 2015

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Le premier ministre grec Alexis Tsipras s... par lemondefr

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TSIPRAS au Parlement européen

PAR JACQUES SAPIR · 8 JUILLET 2015

Alexis Tsipras est venu présenter la position du gouvernement grec devant la Parlement européen, réuni en séance plénière, ce 8 juillet. Le débat a été, à tout le moins, instructif. On commencera par noter l’air plus que gêné du Président du PE, l’Allemand (SPD) Martin Schulz, qui avait appelé ces derniers jours à ce que le gouvernement Tsipras soit renversé et remplacé par un « gouvernement de technocrates pour en finir avec l’ère Syriza »[1]. Il avait comme un petit air barbouillé, le Schulz… Il est clair que la démocratie passe plus mal que le café servi au PE (qui est pourtant TRES, TRES mauvais)…

On présente ici un florilège, non exhaustif (et que ceux que je ne cite pas, car ils furent trop nombreux, m’en excusent), des déclarations qui ont suivies ce discours.

Des discours à charge

Pour Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne c’était donc « une erreur de quitter la table des négociations». Rappelons que le Ministre grec des finances, M. Varoufakis, n’a nullement quitté de son plein grès la table des négociations mais en a été expulsé par M. Dijssenlbloem, le Président de l’Eurogroupe. M. Juncker ajoute : « Si nous ne les avions pas suspendues, nous serions parvenus à un accord». Ah, certes, si Monsieur de Lapalisse n’était point mort, il serait encore en vie…Et si Dijsselbloem n’avait pas expulsé Varoufakis peut-être que la négociation aurait continué…Juncker ajoute ensuite : «…je me suis toujours dressé contre les coupes budgétaires dans les niveaux de pension qui affecteraient les plus pauvres». La lecture des comptes rendus des réunions, quand ils ont été rédigés, n’indique pas exactement cela. Il faudrait peut-être moins boire pour conserver une mémoire claire et précise…

Le représentant du PPE (Parti Populaire Européen), M. Manfred Weber, n’a pas, lui non plus, mégoté sur les mensonges. Que l’on en juge : «Vous engagez la provocation, nous engageons le compromis. Vous cherchez l’échec, nous sommes à la recherche de la réussite. Vous n’aimez pas l’Europe, nous aimons l’Europe». Trois mensonges en trois phrases, c’est un exploit. Le gouvernement grec, représenté tant par Alexis Tsipras que par Yanis Varoufakis, a constamment (et on pourrait même le lui reprocher) cherché des compromis. La recherche d’une solution a été constante, mais pas à n’importe quel prix. Et ce prix, M. Weber, le connaît fort bien : c’est un plan de restructuration de la dette, dont même le FMI a récemment déclaré qu’il était absolument nécessaire. Quant à l’Europe, si M. Weber l’aime, c’est à la manière d’un dominant dans un couple Sadomasochiste. Il ne conçoit l’amour qu’au fouet, à la schlague.

Le représentant du groupe Social-démocrate européen (le PSE), M. Gianni Pittella a quant à lui déclaré : « C’est maintenant au gouvernement de décider des réformes, de soutenir l’emploi, de combattre la corruption, l’évasion fiscale… Toutes ces mesures qui sont nécessaire non pas parce que l’Europe les imposerait, mais parce qu’elles bénéficieraient aux citoyens grecs». C’est intéressant, parce que les mesures présentées par le gouvernement grec contre la corruption et l’évasion fiscale ont été rejetées par l’Eurogroupe. Décidément, la mémoire fait défaut à bien des membres du Parlement Européen. Il faudrait faire une alcoolémie et des tests de détection de drogues avant de commencer les séances. De même, peut-il vraiment croire que de nouvelles réductions de salaires, la baisse des pensions pour les plus pauvres, vont soutenir l’emploi ? M. Pitella a des visions d’éléphants roses. Je ne sais s’il se « saoule à l’hydromel/ Pour mieux parler de virilité/A des mémères décorées/Comme des arbres de Noël » comme le chantait l’immortel Jacques Brel[2], mais des éléphants roses, il en voit certainement.

Cependant, il y a eu mieux (ou pire). Guy Verhofstadt, député belge du groupe libéral, l’homme qui exerce en même temps 11 autres mandats (excusez du peu, il arrive au 4èmerang des cumulards), s’est ainsi permis de dire : «Depuis cinq ans, nous avons avancé en état de somnambulisme vers un Grexit avec l’aide et le soutien de l’extrême droite». Si la situation avance vers le « Grexit », ne vaudrait-il pas mieux en chercher les coupables parmi ceux qui ont organisé, ou plus exactement ont bâclé, les deux premiers plans d’aide à la Grèce ? Que vient donc faire « l’extrême-droite » dans cette affaire ? Que l’on sache, ce n’est pas l’extrême-droite qui a les commandes en Europe, ou à la BCE. Une sortie de la Grèce de la zone Euro pourrait s’imposer si on ne veut consentir à ce pays tant la restructuration de la dette dont il a besoin, qu’un plan d’investissements sur plusieurs années qui lui permettrait de retrouver une compétitivité suffisante pour rester dans la zone Euro. Ce sont des réalités que tous les économistes connaissent. Y mêler un fantasme sur l’extrême-droite (et d’ailleurs laquelle ; Aube Dorée ?) n’a aucun sens. On a l’impression que si une prise de sang avait été faite sur M. Verhofstadt on aurait trouvé l’hémoglobine à l’état de trace dans sa bière. Quant à Rebecca Harms, députée verte allemande du groupe  Les Verts/Alliance libre européenne, elle s’est adressée à Alexis Tsipras en disant qu’elle attendait des idées concrètes pour mettre en place des réformes. En d’autres termes elle a refusé de prendre en compte tout ce que le gouvernement grec a proposé depuis le mois de février dernier comme réformes. Cela donne une bonne idée de sa connaissance du dossier…Elle a ensuite ajouté que « la démocratie et Poutine ne vont pas ensemble ». Outre que c’est assez discutable, on ne voit pas trop ce que cela faisait dans ce débat. Ou plutôt si, on le comprend. En associant le nom de Tsipras à celui de Poutine, considéré comme le Diable en personne par certains, on comprend qu’elle entend discréditer le Premier-ministre grec, pourtant conforté par un référendum qu’il a gagné à plus de 61% des suffrages. C’est la même méthode utilisée par BéHachEl, ainsi que MM. Quatremer et Leparmentier, dont il paraît qu’ils sont journalistes, et qui n’ont eu de cesse de faire circuler de fausses informations, comme celle d’une alliance entre Syriza et le parti d’extrême-droite Aube Dorée. On voit que ces méthodes manipulatoires ont cours dans et hors l’hémicycle du Parlement Européen. Bref, Madame Harms a donné dans le registre de la môme vert et même vert-de-gris.

L’honneur du Parlement

Mias, le discours d’Alexis Tsipras a donné lieu à d’autres réactions, qui ont sauvé l’honneur du Parlement européen. On citera donc, sur un mode plus élogieux, Ryszard Legutko, député polonais du groupe conservateur et réformateur européen : «Qui et quoi tentons-nous de sauver ? L’union monétaire, la société grecque, la crédibilité du gouvernement, les créanciers, la réputation d’Angela Merkel ou l’infaillibilité d’une union toujours plus étroite ?». C’est bien l’une des questions posées. Car, ce qui est en cause va au-delà du simple cas grec. Ce député a eu au moins le courage de dire les choses et de nommer certains des obstacles et en particulier L’union monétaire, la réputation d’Angela Merkel et l’infaillibilité d’une union toujours plus étroite. Nigel Farage, le député britannique de UKIP et représentant du groupe ELD2, a quant à lui critiqué l’introduction de l’euro : «Si vous essayez de rassembler de force des personnes différentes ou des économies différentes sans d’abord demander à ces personnes leur consentement, il est peu probable que cela fonctionne. Le projet a échoué ». C’est bien là l’une des causes de la crise grecque. La chute des recettes dans la période 2004-2009 correspond aussi à la période de surévaluation de l’Euro qui a touché durement une économie qui ne fait que 35% de ses échanges avec la zone Euro.

De même, la députée allemande Gabriele Zimmer (Die Linke) du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique a eu raison d’insister sur la nécessité de « Trouver des solutions qui sont durables et qui perdureront… »

On laissera le mot de la fin à Alexis Tsipras. Il a rappelé que la Grèce avait fait, bel et bien, des propositions de réformes et que, sur certains points, elle était même allée plus loin que ce que demandait l’Eurogroupe. Il a souligné que son gouvernement avait sévèrement réprimé l’évasion fiscale. Il a enfin dit que : «(nos) propositions incluent un engagement fort pour atteindre les objectifs budgétaires. Pourtant, nous avons un droit souverain de décider d’augmenter l’imposition sur les entreprises à but lucratif, et non sur les retraites». Alexis Tsipras a également rappelé à ceux qui l’auraient oublié que l’Allemagne avait vu en 1953, 60 % de sa dette effacée. Il aurait pu dire que l’Allemagne avait fait 6 fois défaut sur sa dette depuis 1848.

Le mot de la fin est revenu à Alexis Tsipras qui a conclu sur une citation de Sophocle : «Il y a des moments où la plus grande loi de toutes les lois humaines est la justice pour les êtres humains ».

[1] http://fr.sputniknews.com/international/20150702/1016824871.html

[2] http://www.chartsinfrance.net/Jacques-Brel/id-100203254.html

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