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Evo Morales tenté par un 4e mandat
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Le président bolivien, au faîte de sa popularité, pourrait se présenter une nouvelle fois. Son parti, le MAS, l'y pousse, mais il faudrait une révision de la Constitution
Dix-sept mille policiers et soldats mobilisés, des jours décrétés fériés : le président Evo Morales a tout mis en œuvre pour recevoir le pape François, mercredi 8 juillet, à La Paz, avant de s'envoler vers Santa Cruz, dans l'est de la Bolivie, où le souverain pontife est resté deux jours avant de rejoindre, vendredi, le Paraguay, son ultime escale latino-américaine. " J'ai été surpris par certaines paroles du pape François, nous mettant d'accord sur le thème du capitalisme et de la Terre mère ", a avoué le président bolivien, le 3 juillet, alors qu'il inaugurait une école du nom du religieux. Depuis l'élection du pape argentin, Evo Morales s'est rapproché de l'Eglise catholique, dont il avait pourtant souhaité la disparition en 2009, après l'avoir qualifiée de " symbole du colonialisme européen ".
Au pouvoir depuis 2006, Evo Morales, 55 ans, attaque son troisième mandat. Réélu haut la main en octobre 2014, il avait assuré qu'il ne se représenterait plus et respecterait ainsi la Constitution. Moins de six mois après son investiture, il semble céder aux -injonctions de son parti, le Mouvement pour le socialisme (MAS, gauche), qui ne lui trouve aucun dauphin : " Si le peuple décide qu'il faut changer la Constitution, j'obéirai ", a-t-il déclaré.
Evo Morales est crédité de plus de 75 % de taux d'approbation, selon les sondages de juin. Ce résultat fait de lui un des chefs d'Etat les plus populaires de la région et confirme la stabilité politique de la Bolivie, longtemps vouée aux crises gouvernementales à répétition. Ancien producteur de coca d'ascendance aymara, il constitue un symbole sans précédent pour une population paysanne historiquement méprisée.
" Le ciment qui permet la cohésion "
Toutefois, ses origines n'expliquent pas à elles seules sa popularité. " L'excellence de la situation économique du pays est un point fondamental ", souligne le journaliste argentin Pablo Stefanoni, grand connaisseur de la Bolivie. Une croissance constante, tirée vers le haut par le prix élevé des matières premières, et un produit intérieur brut qui a triplé entre 2005 et2013 accompagnent Evo Morales depuis son arrivée au pouvoir. Cela lui a permis de mettre en place des programmes sociaux destinés aux plus démunis.
Autre clé de sa réussite, l'ancien cocalero a su s'imposer sur l'échiquier politique bolivien. " Evo -Morales est à l'origine de nombreux changements, comme la nationalisation des hydrocarbures ou la nouvelle Constitution, mais il a aussi choisi de laisser de côté de nombreuses réformes, comme la réforme agraire ou celle des impôts ", note M. Stefanoni. Un moyen, selon ce spécialiste, de se rapprocher de l'élite économique et de contenir une opposition très divisée.
Cependant, le MAS a souffert d'importants revers lors des élections municipales de mars, à El Alto, la grande cité aymara voisine de La Paz, et à Cochabamba, fief traditionnel du chef de l'Etat. " Le MAS n'a pas le prestige du président et aucun de ses dirigeants n'a son charisme ", estime George Komadina, professeur à l'université Mayor de San Simon de -Cochabamba. A son avis, le MAS est " une organisation “évocentrique” ". " Evo Morales est le ciment qui permet la cohésion dans ce conglomérat social et politique très hétérogène et plein de contradictions ", assure ce sociologue, convaincu que le MAS n'a pas d'autre alternative, s'il veut rester au pouvoir, que de militer pour une nouvelle réélection présidentielle en 2019.
" La commission politique a décidé de travailler dès maintenant à la réélection du président Evo -Morales ", a déclaré Leonardo Loza, qui dirige le MAS à Cochabamba. Un message similaire a été diffusé à travers la puissante Confédération syndicale unique des travailleurs paysans, ainsi que d'autres organisations sociales liées au parti.
Il faudra changer la Constitution, ce qui prend du temps. La réforme doit être approuvée par les deux tiers de l'Assemblée, dominée par le MAS, mais surtout donner lieu à un référendum. " Evo Morales pourrait le perdre malgré sa popularité ", affirme le professeur Komadina, qui craint que la démarche ne polarise une nouvelle fois le pays.
Chrystelle Barbier