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Italie: Renzi désespère Bologne
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Jugeant le président du conseil trop libéral, les militants du Parti démocrate désertent
Elle ne décolère pas. Monica Fontanelli, professeure dans un établissement du centre de Bologne, a été de toutes les manifestations contre la réforme de l'école voulue par le premier ministre Matteo Renzi. Cette loi, baptisée " Buona Scuola ", a été définitivement adoptée par le Parlement, jeudi 9 juillet. Le gouvernement vante " méritocratie ", " amélioration de l'enseignement ", " autonomie des directeurs d'établissement " qui pourront choisir une partie de leur personnel.
Monica Fontanelli et des milliers d'enseignants dénoncent : " école à deux vitesses ", " privatisation ", " trahison de la Constitution ", " mépris des règles " qui garantissent le même accès au savoir pour tous. Même si, en contrepartie, le gouvernement promet la titularisation de 100 000 enseignants précaires, elle est déterminée à livrer bataille à la rentrée et jure, la main sur le cœur : " Plus jamais de ma vie je ne voterai pour le Parti démocrate " (PD, centre gauche).
" Blairiste tardif "
A Bologne, elle n'est pas la seule. Dans la ville qui abrite la plus importante section du PD de toute l'Italie, au cœur du fief historique d'Emilie-Romagne, la fugue des militants prend des allures d'hémorragie. De 20 000 inscrits en 2014, année de l'arrivée au pouvoir de Matteo Renzi, on est passé à 15 000 en 2015. En novembre 2014, lors des élections régionales, seuls 37 % des inscrits se sont rendus aux urnes. La gauche l'a emporté, mais sans pavoiser. " Ici, voter était considéré davantage comme un devoir que comme un droit, décrypte Maurizio Lunghi, responsable de la CGIL, le plus important syndicat italien. Ce jour-là, l'abstention est devenue une protestation. Une première pour nous. "
Pour Monica Fontanelli, l'explication est simple : " Renzi a fait toutes les réformes dont a rêvé Silvio Berlusconi sans avoir le courage de les imposer. " Elle cite l'exemple de la suppression, dans la réforme du marché du travail, de l'article 18 de la convention collective qui permettait à un travailleur s'estimant injustement licencié de faire un recours devant les tribunaux. L'ex-Cavaliere avait renoncé a franchir cet obstacle devant la colère des syndicats. Renzi a foncé. " Il a précarisé les travailleurs. Il nous a trahis ", dénonce Monica Fontanelli.
Moins expéditif mais tout aussi sévère, Maurizio Lunghi se souvient que, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, " Renzi a séduit nos adhérents. “Enfin quelqu'un qui veut réformer le pays”, se disaient-ils. Puis ils ont commencé à déchanter avec la réforme du travail. La réforme de l'école est une vraie rupture. En définitive, Renzi a conduit la politique que recommandait la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et l'Europe dans une lettre envoyée en 2011 au gouvernement Berlusconi ".
Craignant de s'enliser dans des négociations sans fin avec les syndicats, le président du conseil, pressé, a choisi de les ignorer. " Tu vois ce salon, avait-il dit à son homologue Manuel Valls, lorsque ce dernier était venu le voir à Rome au printemps 2014, c'est celui qui sert pour les conférences avec les syndicats. Je n'y mettrai jamais les pieds. " Il a tenu parole.
Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, s'interrogent. Matteo Renzi est-il de gauche ? Deux députés ont déjà répondu " non " et cherchent à faire naître un nouveau parti. Trente-neuf parlementaires n'ont pas pris part au vote de la loi sur l'école en signe de protestation. Maurizio Lunghi hésite et lâche : " Son projet est vide d'une pensée de gauche. " Politologue à l'université de Bologne, Piero Ignazi rectifie : " Oui, il est de gauche dans le sens où il croit que la puissance publique doit être au service du collectif. Mais, faute d'un agenda clair, il s'en remet aux thèses néolibérales qui servent désormais de boussole aux gauches européennes. C'est un blairiste tardif. "
Equilibre à trouver
Francesco Critelli, responsable depuis quelques mois de la section du PD à Bologne, est affirmatif. " Oui, Renzi est de gauche, répond-il, car il sait s'adresser aux couches populaires. Il n'a pas ce snobisme de la gauche italienne des années 1970 et 1980. " Mais il s'interroge : " Renzi a raison lorsqu'il dit que les réformes ne peuvent pas attendre, mais devons-nous pour autant être en conflit avec une bonne partie de notre électorat traditionnel : employés, ouvriers, enseignants. " Un peu mal à l'aise, il ose une critique : " Il représente une gauche moderne à laquelle il faut apporter quelques corrections… Il doit trouver un équilibre entre la lenteur de la négociation et faire le bulldozer tout seul. "
La tâche du secrétaire de section n'est pas facile, entre loyauté au chef et nécessité de retisser le fil avec les adhérents fugueurs. Avec son équipe, Francesco Critelli cherche à reprendre le contact avec eux. Il faut la patience d'un pêcheur à la ligne. " Nous les appelons un par un pour les inviter à des réunions. Ils sont contents de savoir que nous ne prenons pas leur désaffection à la légère. Quand ils viennent, ils nous reprochent tout à la fois d'être un parti dominé par les courants, pas assez de gauche et pas assez participatif. "
Combien sont-ils à reprendre leur carte au terme de ces thérapies politique ? Pas de réponse. Mais le PD se porte bien, dit M. Critelli. " Nous pouvons toujours autofinancer nos initiatives. Cet été, il y aura une centaine de Fêtes de l'Unité dans toute la ville. " Des fêtes que Monica Fontanelli et ses amis, regroupés au sein de l'association Les partisans de l'école, se sont promis de gâcher. " A chaque fois que je verrai un membre du PD vanter la loi sur l'école et dire qu'il s'agit d'une réforme de gauche, je me lèverai et je crierai : “Mensonge ! Mensonge !” "
Philippe Ridet