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Le délit d’obsolescence programmée à nouveau retouché au Sénat
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L'introduction d’un nouveau délit d’obsolescence programmée continue de susciter le débat entre députés et sénateurs. Ces derniers s’apprêtent justement à proposer une définition de compromis à leurs collègues de l’Assemblée nationale, qui auront bientôt le dernier mot.
Depuis des mois, députés et sénateurs se rejettent la balle
Cela fait maintenant près de dix mois que le projet de loi sur la transition énergétique contient des dispositions censées sanctionner les industriels qui raccourcissent volontairement la durée de vie de leurs produits (smartphones, imprimantes, frigos, etc.). Sauf que l’Assemblée nationale et le Sénat n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la façon de s’attaquer à ces pratiques dites d’obsolescence programmée. Et pour cause, les contours de cette expression ne sont pas toujours faciles à appréhender... Si l’introduction d’une fragilité semble à l’évidence rentrer dans ce champ, qu’en est-il par exemple de la fin du support de Windows XP, pourtant perçue par 60 Millions de consommateurs comme une technique poussant les utilisateurs à racheter un ordinateur ?
En première lecture, l’Assemblée nationale avait opté pour la définition suivante :
« L’obsolescence programmée désigne l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement.
Ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou d’une non-compatibilité. »
Aucune sanction spécifique n’était adossée à cette définition, mais les députés avaient choisi de faire rentrer dans le champ des pratiques commerciales trompeuses le fait de commercialiser des produits dont la durée de vie aurait été « intentionnellement raccourcie lors de [leur] conception ». Tout contrevenant se serait ainsi exposé à une peine maximale de deux ans de prison ainsi qu’à une amende pouvant atteindre 300 000 euros (ou 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel d’une entreprise).
Le Sénat a cependant revu le dispositif, en prévoyant une définition bien moins bavarde :
« L'obsolescence programmée se définit par tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d'usage pour des raisons de modèle économique.
Elle est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende. »
Après l’échec de la commission mixte paritaire censée trouver un accord entre députés et sénateurs, l’Assemblée nationale a une nouvelle fois modifié les dispositions votées par le Sénat :
« L’obsolescence programmée désigne l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement.
Ces techniques peuvent inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer, en raison du caractère indémontable de l’appareil ou de l’absence de pièces détachées essentielles au fonctionnement de ce dernier, ou d’une incompatibilité.
L’obsolescence programmée est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. Le montant de cette amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la mise en œuvre de ces techniques, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé réalisé en France au cours de l’un des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les faits ont été commis. »
Le Sénat propose un compromis à l’Assemblée nationale
De retour sur les bancs du Sénat depuis la fin mai, le texte a été amendé en commission le mois dernier suite à l’adoption d’un amendement du rapporteur Louis Nègre (LR). Celui-ci estimait que la définition retenue par les députés « n'était pas suffisamment précise et laissait peser une réelle insécurité juridique sur les entreprises ». Tout en se défendant de vouloir rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, l’élu souhaitait « proposer une synthèse tenant compte des remarques soulevées à l'Assemblée nationale ». L'obsolescence programmée a ainsi été définie comme « l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Le volet des sanctions reste quant à lui inchangé.
Restera maintenant à voir si les sénateurs maintiennent en l’état cette nouvelle définition lors des discussions en séance publique, probablement aujourd’hui ou en début de semaine prochaine. Pour l’heure, seuls trois amendements ont été déposés. Les premiers sont défendus par le groupe socialiste, qui souhaite (étrangement) revenir à la définition retenue par la Haute assemblée en première lecture et modifier sensiblement le mode de calcul de l’amende maximale encourue par les entreprises. Le groupe communiste espère enfin que le Sénat réintègre la liste des techniques pouvant être qualifiées d’obsolescence programmée (défectuosité, fragilité, etc.).
Cette volonté de compromis de la part de la chambre haute du Parlement, désormais à droite, n’est pas totalement anodine. Une fois adopté, le projet de loi sur la croissance verte sera transmis à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une lecture définitive. Les députés auront ainsi le dernier mot, non pas à partir du texte voté au Sénat, mais de celui qu’ils ont approuvé en nouvelle lecture... Et seuls pourront être débattus les amendements adoptés par la Haute assemblée – dont celui du rapporteur Nègre.