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De quoi Belleville est-t-elle le nom ?

Lien publiée le 25 juillet 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.contretemps.eu/interventions/quoi-belleville-est-t-elle-nom-

Face à la répression policière, les travailleuses du sexe à Belleville ont créé en octobre 2014 une association, les Roses d'acier. En juin 2015, elles appelaient à une Assemblée générale, conjointement avec le STRASS (Syndicat du travail sexuel) pour organiser le lancement d’une mobilisation concertée contre ce harcèlement policier à Belleville. C’est dans ce cadre que plusieurs initiatives ont été lancées, parmi lesquelles deux journées de sensibilisation auprès des habitants du quartier. C’est à ce titre que le 24 juin 2015, les Roses d’Acier se sont lancées dans une "opération nettoyage du quartier" pour ainsi montrer que le quartier Belleville, où elles vivent et travaillent, mais qu'on les accuse de salir, leur appartient aussi. Aying, présidente des Roses d'Acier, prononçait à cette occasion un discours que Contretemps web publie ici avec son accord.

Le harcèlement policier dont sont victimes les travailleuses du sexe à Belleville est dénoncé depuis plusieurs années par différentes organisations. Ainsi en 2013, à la suite d’une enquête réalisée sur 2010 et 2011 et une saisine de la Mission du Lotus Bus de Médecins du Monde, la commission Citoyens-Justice-Police, constituée du Syndicat de la Magistrature, du Syndicat des Avocats de France et de la Ligue des Droits de l'Homme, publiait le rapport intitulé "Un harcèlement institutionnalisé : les prostituées chinoises et le délit de racolage public1".

Celui-ci faisait état du comportement régulièrement abusif des forces de l'ordre vis-à-vis des femmes d'origine chinoise qui travaillent à Belleville : sous couvert de lutte contre le racolage public (et notamment, depuis 2003 et la mise en place de la LSI, le racolage passif), les femmes d'origine chinoise identifiées comme travailleuses du sexe étaient régulièrement arrêtées, non seulement lorsqu'elles travaillaient, mais plus généralement lorsqu'elles sortaient de chez elles – leur simple présence dans l'espace public étant interprétée comme du racolage. Ces arrestations arbitraires pouvaient également s’accompagner d’humiliations, d'insultes, voire de violences physiques de la part des forces de l'ordre.

Ces femmes étant en grande majorité sans-papiers, ce harcèlement policier est aussi synonyme de retour forcé en Chine. Cette menace, tout comme leurs conditions de travail de plus en plus dégradées, les poussent à prendre des risques qui peuvent s'avérer fatals2.

Face à ces difficultés, les travailleuses du sexe de Belleville ont créé en octobre 2014 une association, les Roses d'Acier, pour les représenter auprès des autres organisations, mais aussi des législateurs et élus locaux auxquels elles demandent (en vain) la fin des mesures de répression dont elles font l’objet. Ainsi au mois de mars 2015, elles étaient auditionnées par la Commission spéciale du Sénat chargée d'étudier la proposition de loi sur le renforcement de la lutte contre la prostitution3.

Les Roses d'Acier organisent également leurs collègues et participent à différentes mobilisations. Le 17 décembre par exemple, quelques semaines après leur création, un cortège de près de 200 travailleuses du sexe chinoises ouvrait la marche pour la journée internationale contre les violences faites aux travailleuses du sexe4.

Depuis le 20 mai 2015, elles ne cessent de se mobiliser : en effet, depuis cette date, on assiste à une intensification de la répression visant les femmes chinoises de Belleville5. Les témoignages collectés sont saisissants6.

Dans un contexte de répression générale à l’encontre des migrant•e•s, les Roses d'Acier ont décidé de rejoindre la mobilisation autour de l'expulsion du camp de réfugiés de la Chapelle en manifestant aux côtés des soutiens aux migrants le 16 juin 2015.

Le 18 juin 2015, elles appelaient à une Assemblée générale, conjointement avec le STRASS (Syndicat du travail sexuel), afin de réunir militant•e•s ou représentant•e•s d'organisations (NPA, Planning Familial, FASTI, Syndicat de la Magistrature, Bloc Rouge, 8 mars pour toutes, etc.) pour organiser le lancement d’une mobilisation concertée contre le harcèlement policier à Belleville. C’est dans ce cadre que plusieurs initiatives ont été lancées, parmi lesquelles une lettre ouverte au procureur de la République7 afin de l'interroger sur le cadre juridique sur lequel repose cette pression policière ainsi que deux journées de sensibilisation auprès des habitants du quartier. C’est à ce titre que le 24 juin 2015, les Roses d’Acier se sont lancées dans une "opération nettoyage du quartier" pour ainsi montrer que le quartier Belleville, où elles vivent et travaillent, mais qu'on les accuse de salir, leur appartient aussi. Aying, présidente des Roses d'Acier, prononçait à cette occasion un discours que nous mettons à votre disposition avec son accord.

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Mesdames, messieurs, mes compatriotes, mes camarades, Bonjour,


Je m’adresse à vous, Vous qui vous donnez tant de mal pour résister ici dans ce quartier !
Il est facile de faire le lien entre une femme et le sol qu’elle balaie. Une femme balaie le sol parce qu’elle tient une maison, une famille et qu’elle est chez elle, libre, en sécurité, et satisfaite. Il n’est pas difficile pour une femme chinoise de balayer le sol ; le plus difficile pour nous est de tenir une maison, une famille, entre ici et là-bas.
En balayant le sol ici, nous prenons nos responsabilités.
Aujourd’hui, beaucoup de femmes et leurs familles ont été menacées. Depuis 35 jours, les policiers viennent chaque jour, dans notre quartier, pour nous éradiquer. Ils contrôlent nos identités, nous empêchent de travailler, nous insultent, nous font peur même quand nous allons faire nos courses ou allons à la pharmacie. Depuis 35 jours, il y a déjà eu 7 femmes chinoises arrêtées et placées en centre de rétention, elles risquent d’être expulsées.
Aujourd’hui, mes sœurs, c’est avec du courage que nous descendons dans la rue avec chacune un balai à la main, pour pouvoir dire à tout le monde que : nous arrivons encore à tenir aujourd’hui, tout simplement parce que ce que nous portons en nous, n’est pas la peur, ni la honte, ni les moqueries des uns et des autres, ni l’impuissance de la vie, mais bien la responsabilité, celle d’être une mère, d’être une fille, d’être une femme !
Aujourd’hui, nous vivons ici. Nous rions ici, nous pleurons ici, nous travaillons ici, faisons les courses ici, prenons le soleil ici. Certaines d’entre nous sont mariées ici, font des enfants, forment des familles. Mes sœurs, aujourd’hui, nous acquérons une responsabilité de plus, celle d’être dans ce quartier.
Ici, je voudrais simplement poser cette question : qu’est-ce qu’une belle ville ? De quoi Belleville est-t-elle le nom ? Ils nous ont dit qu’à cause de nous, Belleville n’est plus belle, parce que nous sommes laides, nous sommes sales, nous sommes ignobles. Mais qui sont-ils pour nous juger ? Sont-ils plus beaux que nous, plus propres que nous, plus nobles que nous ? Je ne suis pas d’accord, parce que résoudre des questions sociales par la violence, c’est nous humilier, nous traiter de tous les noms; et poursuivre l’augmentation du prix de l’immobilier, c’est nous balayer comme des tumeurs sociales; ignorer notre voix, c’est ignorer notre existence, ignorer nos vies.
Mes sœurs, nos vies ne sont pas faciles du tout, nos destins sont peut-être plus amers que les autres. Mais les femmes de Belleville ne sont jamais paresseuses, et ce sol, nous sommes capables de le balayer nous-mêmes !
Ici, j’espère que je peux représenter les femmes de Belleville, exprimer notre gratitude à nos proches, nos amis, nos voisins, nos compatriotes, nos camarades, les associations, les organisations, les collectifs qui nous respectent, nous aident, nous soutiennent ! Merci de ne jamais nous avoir abandonnées, tout comme nous n’allons pas nous abandonner nous-mêmes !
Vous vous donnez du mal ! Merci !

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Image en bandeau : Belleville en avril de Jelena Protric (via Flickr).

  • 1.http://www.syndicat-magistrature.org/IMG/pdf/CCJP_rapport_final_un_harcelement_institutionnalise_avec_annexes.pdf
  • 2.http://strass-syndicat.org/combien-de-travailleurses-du-sexe-mortes-faudra-t-il-pour-que-cesse-la-repression/
  • 3.http://strass-syndicat.org/intervention-des-roses-dacier-devant-la-commission-speciale-du-senat/
  • 4.http://strass-syndicat.org/prise-de-parole-des-roses-dacier-le-17-decembre/
  • 5.http://strass-syndicat.org/harcelement-policier-a-belleville-temoignages/
  • 6.http://strass-syndicat.org/harcelement-policier-a-belleville-temoignages/
  • 7.http://strass-syndicat.org/lettre-ouverte-procureur-de-republique/