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Outre-Manche, l’UE ne séduit plus la gauche

Lien publiée le 11 août 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Dans les années 1980, la gauche britannique espérait trouver dans le projet européen une alternative à Margaret Thatcher

C'est en  1988 que débuta l'histoire d'amour entre le mouvement ouvrier britannique et l'Union européenne. Margaret Thatcher était au pouvoir. L'essentiel de l'industrie britannique avait disparu. Trois millions de personnes étaient sans emploi. Désemparés, les leaders syndicaux regardèrent en direction du continent, en s'imaginant trouver en Jacques Delors une figure d'espoir. On l'invita cette année-là à s'exprimer au Congrès annuel des syndicats. L'assemblée lui réserva une standing ovation. La foule rassemblée savait-elle que François Mitterrand et Jacques Delors avaient déjà abandonné l'idée d'une Europe sociale pour transcrire dans l'Acte unique européen de 1986 la déréglementation et la réduction des dépenses sociales chères à Margaret Thatcher ?

Puis vint l'effondrement de l'Union soviétique, la chute du mur de Berlin et la réunification allemande. Suivirent le traité de Maastricht et la création de l'eurozone. La France et l'Europe considéraient alors que le meilleur moyen pour limiter la domination économique de l'Allemagne réunifiée était d'amener la Bundesbank à intégrer de nouvelles structures supranationales. Jacques Delors avait déjà préparé un projet visant à la création d'une monnaie commune.

Le masque était tombé

Contrairement au rapport Werner de 1970, qui proposait que soit mise en place une politique fiscale commune à forte dimension sociale, le projet défendu par Delors était fidèle aux idées de l'économiste Milton Friedman, très en vogue dans les années 1980, et imaginait une banque centrale européenne dont l'objectif principal serait de limiter l'inflation. L'euro était présenté telle une brillante solution technocratique, qui réduirait l'influence allemande et contraindrait les Etats membres à améliorer leur compétitivité. Mitterrand, pour sa part, croyait que l'accord du chancelier allemand Helmut Kohl au plan Delors constituait un triomphe diplomatique. C'est ainsi que naquit le traité de Maastricht en  1991.

En  1992, le référendum sur ce texte coupa la France en deux, mais en permit l'adoption. En  1998, le Pacte de stabilité et de croissance vint imposer de strictes limites budgétaires. Les politiques fiscales et sociales, plus sensibles, furent laissées dans les mains des gouvernements nationaux. Au cours de la première décennie de ce nouveau régime, une comptabilité créative et une offre de crédit gonflée par la spéculation permirent d'en minimiser les effets. Le krach de Wall Street en  2008 mit fin à tout cela, les pays les plus faibles de la zone euro s'effondrèrent et durent demander de l'aide, tout en acceptant de se plier à des conditions des plus strictes. Le masque était tombé. Chacun peut voir comment l'UE et la " troïka " font régner la dictature du capital.

Syriza fut brisé pour cette raison. Le triomphalisme et la brutalité alors exhibés étaient horribles à voir. Plusieurs à gauche se sont mis à douter du projet européen. La Grande-Bretagne organisera bientôt un référendum sur une éventuelle sortie de l'Union. Plusieurs à gauche, ardents défenseurs de l'Europe, mais opposés aux politiques économiques de l'UE, voteront en faveur d'un " Brexit ".

Par Tariq Ali