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Les libertariens, de drôles d’oiseaux
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Je suis un républicain d'un genre différent. " Cette phrase, le sénateur du -Kentucky Rand Paul, 52 ans, l'a martelée, le 6 août, lors du premier débat de la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2016. Une évidence, au vu de ses prises de -position parfois déconcertantes pour l'électorat du Grand Old Party. Ce dernier a pourtant eu le temps de se familiariser avec la tribu des -libertariens, incarnée pour le grand public par un début de dynastie familiale. Avant le sénateur du Kentucky, un autre Paul, son père, Ron, -ancien représentant du Texas au Congrès, a -défendu à deux reprises les positions libertariennes lors des primaires républicaines de 2008 et de 2012.
Républicains d'un autre genre, les libertariens le sont assurément. Leur naissance est d'ailleurs liée à une rupture idéologique. -Lorsque le président Richard Nixon prend la décision de mettre fin à la convertibilité du dollar en or et d'imposer un contrôle des prix et des salaires, le 15 août 1971, un petit groupe de jeunes républicains décide de -rompre avec ce qu'il considère comme un adoubement des thèses économiques démocrates. Le Libertarian Party voit le jour en -décembre de la même année.
Très vite se rapprochent de lui des intel-lectuels et des économistes hétérodoxes de l'école de Vienne comme Ed Crane, futur fondateur de l'institut Cato, think tank influent -libertarien, l'économiste anarcho-capitaliste Murray Rothbard, et un industriel à succès -passionné par les idées, Charles Koch. Deux écrivains deviennent leur source d'inspiration : l'auteur de science-fiction Robert Heinlein, dont l'œuvre tout entière célèbre la liberté individuelle, et la philosophe Ayn Rand, auteure du best-seller Atlas Shrugged, publié en 1957. L'ouvrage met en scène la grève des -intellectuels, entrepreneurs et scientifiques qui " portent le monde " sur leurs épaules comme le dieu Atlas de la mythologie, car ils sont lassés par les excès de l'interventionnisme étatique.
Au nom d'un retour aux idéaux des Pères fondateurs, ils défendent une réduction drastique du rôle de l'Etat fédéral, seule solution selon certains pour revenir à l'équilibre budgétaire, qui possède pour eux une dimension presque sacrée. L'Etat est donc uniquement toléré comme arbitre et responsable de la -défense nationale. Cette logique les conduit à prôner la suppression de la plupart des ministères – à commencer par celui de l'éducation -–, de l'agence de protection de l'environnement et de la Réserve fédérale. Cet héritage spécifiquement américain les distingue des courants anarchistes ou libertaires européens, fondés avant tout sur le refus de toute autorité et sur la critique du travail.
Sur le terrain politique, une forme de lassitude va régulièrement saisir le courant libertarien face à son seul partenaire idéologique possible, le Parti républicain, lui aussi hostile à l'accroissement du rôle de l'Etat. Les espoirs portés par l'élection de l'ultralibéral Ronald Reagan, en 1980, retombent lorsque l'ancien gouverneur de Californie se convertit au -protectionnisme pour sauver l'industrie américaine du rouleau compresseur japonais, et qu'il adopte les positions conservatrices traditionnelles contre l'usage des drogues ou l'avortement. Le " Contrat pour l'Amérique ", porté en 1994 par le futur speaker de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, suscite la même espérance chez les libertariens, mais celle-ci reflue avec le poids croissant pris par la droite chrétienne parmi les républicains.
Confrontés, comme toute chapelle idéologique, au dilemme entre la préservation de la pureté doctrinale et un entrisme qui oblige à composer avec les autres familles de la " grande tente " républicaine, les libertariens se sont déchirés avec toute la férocité dont sont coutumières les microformations. Dans ces groupes qui fonctionnent en vase clos, éreintés à chaque élection, les clivages tactiques sont amplifiés par les inimitiés personnelles. Plus de quarante ans après sa formation, le petit Libertarian Party existe toujours, mais ce sont ceux qui ont décidé de courir l'aventure des élections qui donnent à ses idées de la visibilité, plutôt que ceux qui ont fait le choix de " garder la vieille maison ".
Rien ne prédisposait un obstétricien à devenir sur le tard le porte-drapeau de ce courant politique. Sensible à la pensée économique -ultralibérale de Friedrich Hayek, lecteur de Murray Rothbard et d'Ayn Rand, Ron Paul fait partie de cette génération libertarienne née des revirements de Richard Nixon. Elu très tôt représentant du Texas sous les couleurs républicaines, en 1976, puis par intermittence -jusqu'en 2010, il se lance en 1988 dans la course à la présidentielle sous la bannière du Libertarian Party, ce qui lui garantit un résultat très confidentiel : 0,5 % du vote populaire, et bien sûr aucun grand électeur.
Vingt ans plus tard, il en va tout autrement dans le contexte de la crise des subprimes qui contraint un Etat fédéral perclus de dettes, à la suite notamment d'expéditions militaires controversées, à intervenir dans la préci-pitation pour éviter une crise économique -majeure. Voilà cet Etat détesté qui recourt aux outils tenus en horreur par les libertariens : le bail out, le sauvetage par les fonds publics des banques par lesquelles le scandale est arrivé, ou lequantitative easing, la création effrénée de monnaie pour soutenir l'économie malade jusqu'à son rétablissement, au lieu de laisser la " main invisible du marché " faire son œuvre.
Les thèses libertariennes sur le caractère -néfaste d'un Etat obèse convainquent bien des républicains. Mais à leur droite, le mouvement quasi insurrectionnel, anti-Etat fédéral, très réactionnaire sur les mœurs, du Tea Party, occupe le premier plan par sa fureur antiétatique et son folklore tiré, lui aussi, de l'histoire américaine : la révolte contre l'arbitraire de la Couronne britannique, assimilé deux siècles plus tard aux pratiques de l'Etat fédéral.
Avant-gardistes, les libertariens continuent de constituer un clan à part. Le portrait qu'en a dressé une passionnante enquête du Public -Religion Research Institute, en 2013, en atteste. Sociologiquement, l'homogénéité des libertariens est frappante. Le libertarien américain type est un Blanc non hispanique (à 94 %), de sexe masculin (64 %), relativement jeune (61 % ont moins de 50 ans) et disposant d'un niveau d'éducation supérieur à la moyenne nationale, y compris dans l'électorat blanc. Adversaires déclarés de la Réserve fédérale américaine (Fed), dont la politique monétaire -accroît, selon eux, l'irresponsabilité politique, comme de la réforme de la santé à laquelle le président Barack Obama a attaché son nom, ils sont hostiles à l'augmentation du salaire minimum (65 % y sont opposés, alors que 57 % du public républicain dans son ensemble y est favorable), ou à des mesures visant à préserver l'environnement du fait de leur coût (73 % les refusent, dix points de plus que l'ensemble des républicains).
Cette rigidité doctrinale, partagée avec les sympathisants du Tea Party, n'est cependant pas recoupée par un conservatisme -social. Au nom de la responsabilité individuelle, les -libertariens se rapprochent au -contraire des progressistes sur les questions de société, sauf sur la question d'un contrôle du marché des armes à feu. Une nette majorité (57 %) est ainsi défavorable à la multiplication des obstacles à l'avortement, qui est à leurs yeux un droit constitutionnel, alors que 58 % des Tea Party soutiennent au contraire les -mesures limitatives adoptées par les Etats -républicains. 70 % sont favorables à l'euthanasie, une option rejetée par une majorité tout aussi forte de républicains. 71 % soutiennent la légalisation de la marijuana, une hérésie pour une majorité identique de républicains. Ils sont -enfin les plus opposés, tous partis -confondus, à un accès plus difficile à la pornographie sur Internet.
S'ils semblent plus conservateurs sur la question du mariage gay, validé en juin par la Cour suprême (57 % y sont opposés, dix points de moins que la moyenne des sympathisants -républicains), c'est surtout parce qu'ils considèrent que sa légalisation devrait être une -prérogative des Etats et non de l'échelon fédéral. Les libertariens entretiennent par ailleurs un commerce assez distant avec la foi. Seuls 15 % d'entre eux (au lieu de 20 % de la population américaine dans son ensemble) pensent que la religion est la chose la plus importante dans la vie. Ils sont même 56 % à estimer qu'il n'est pas besoin de croire en Dieu pour avoir des valeurs morales.
Ces positions, en apparence paradoxales, compliquent les ambitions du sénateur Rand Paul, qui ne peut compter que sur une minorité de libertariens au sein du Grand Old Party (12 %). Son père en avait pris son parti, battant la campagne uniquement pour promouvoir ses idées. En 2008 comme en 2012, ce dernier, en dépit de sa participation aux scrutins des primaires républicaines, avait d'ailleurs refusé d'appeler à voter en faveur des candidats qui s'étaient imposés, John McCain puis Mitt Romney. Il avait alors assuré ne pas -distinguer de différence substantielle entre eux et le -candidat démocrate, Barack Obama.
Fidèle à la doctrine libertarienne qui prône une politique étrangère isolationniste et -limite le recours à l'armée aux menaces -directes contre le sanctuaire national, Ron Paul avait fait la preuve de sa singularité en votant contre une intervention militaire américaine en Irak en 2002, puis en prônant l'arrêt de l'aide américaine à ses alliés. Il a der-nièrement soutenu publiquement l'accord nucléaire conclu avec l'Iran en juillet par les grandes puissances, Etats-Unis en tête. Un dernier choix impossible pour son fils, compte tenu du bellicisme retrouvé dans les rangs républicains.
Le sénateur s'est efforcé d'élargir son audience en se positionnant contre les violences policières qui visent la minorité afro-américaine. Il a choisi également de tracer une -ligne claire en prenant le contre-pied de son parti sur la question de la surveillance des -citoyens par les agences de renseignement, au nom des libertés individuelles garanties par la Déclaration des droits (les dix premiers amendements de la Constitution) de 1789.
La singularité libertarienne garantit à un candidat ancré au sein du Parti républicain la mobilisation d'un public politisé qui ne rechigne pas à contribuer au financement des campagnes, même si le prix de ces dernières ne cesse d'augmenter. Mais cette homogénéité limite aussi sûrement les libertés prises avec la doctrine républicaine par celui qui les porte. Rand Paul risque de le mesurer rapidement.