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Grèce : les leçons de résignation de Laurent Joffrin
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.acrimed.org/article4746.html
Les négociations entre la Grèce et ses créanciers ont été l’objet d’un traitement médiatique largement déséquilibré – comme en témoigne notamment notre meilleur du pire de la couverture médiatique du referendum en Grèce. Les éditocrates ont eu l’occasion de jouer une partition connue (« il n’y a pas d’alternative à l’austérité en Europe »), sur différents modes, des vociférations d’Arnaud Leparmentier aux « analyses » à sens unique de Jean Quatremer.
Les critiques de Laurent Joffrin envers « l’austérité excessive » ont pu laisser croire que le directeur de la rédaction de Libération ne prendrait pas sa place dans ce concert éditocratique. Ses interventions alambiquées et parfois contradictoires justifient pourtant, en définitive, l’acceptation résignée de la doxa austéritaire européenne.
Si vous ne trouvez rien, cherchez autre chose
Le navigateur le plus expérimenté aurait bien du mal à suivre les louvoiements permanents de la pensée de Laurent Joffrin. Dans ses éditoriaux, le directeur de Libération souffle le froid et le chaud à propos des négociations entre la Grèce et ses créanciers.
Laurent Joffrin se fait-il le pourfendeur de l’austérité « excessive »imposée à la Grèce ? Les « médications keynésiennes » avancées par Syriza ne trouvent pas davantage grâce à ses yeux. Il faudrait, avance-t-il mystérieusement, « essayer autre chose ». « Autre chose » : il suffisait d’y penser !
Laurent Joffrin affirme-t-il, à propos de l’allègement de la dette grecque, que cette revendication « n’a rien d’extravagant » et que« l’Europe doit le comprendre » ? Cela ne l’empêche pas de mettre en garde contre les « solutions radicales » des « croisés de l’effacement des dettes ».
Laurent Joffrin dénonce-t-il le traitement « stupidement brutal »imposé à la Grèce par l’UE, laquelle « ne peut continuer dans cette voie » ? Il applaudit, dans son éditorial du 11 juillet, la « solution sociale-démocrate » de l’accord qui s’annonce entre la Grèce et ses créanciers… Un accord où le gouvernement grec accepte pourtant des mesures d’austérité encore plus drastiques que celles exigées initialement [1]. Cohérence, quand tu nous tiens…
Soyons réalistes, exigeons l’austérité
L’acceptation de l’austérité jadis « stupidement brutale » semble être devenue une marque de « réalisme » pour le directeur deLibération. Au fond, Tsipras a bien fait d’avaler la « potion amère qu’on lui présentait » puisqu’il n’y avait « sans doute pas d’autre compromis possible. [2] » Il s’agit là d’une leçon à méditer pour la gauche radicale : « il était illusoire, trompeur, pour ne pas dire démagogique, de promettre aux Grecs la fin de l’austérité. »
« Dans sa cruauté nue, explique Joffrin, la crise grecque a agi comme un crash test pour les idées fausses, les promesses intenables et les rhétoriques venteuses. » Dans son éditorial du 18 août adressé à Pierre Laurent, il appelle la gauche radicale à revenir à la « lucidité » ; c’est-à-dire à accepter les mesures d’austérité européennes… pour mieux combattre l’austérité au sein de l’Union européenne.
Comme il l’explique ailleurs, l’alternative est la suivante :« continuer de soutenir Tsípras, accepter la logique de la rigueur financière, quitte à plaider encore et toujours pour une autre Europe » ou « se désolidariser de Tsípras […] et choisir, plus ou moins officiellement, la voie anti-européenne. » Choisir l’austérité et « l’Europe » ou être voué au souverainisme voire au Front national, belle alternative en vérité.
Inutile de préciser le choix que devra faire la gauche « réaliste », appelée des vœux de Joffrin. Car en effet, apprend-on sous sa plume, faute de « convergence » entre les forces de gauche,« l’austérité, la vraie, celle de la droite, l’emportera ». Rigueur de gauche contre austérité de droite ? Enfin, une vraie alternative... « Rhétorique venteuse » mise à part, bien entendu !
Frédéric Lemaire
Notes
[1] Comme le rappelle Nicolas Beytout à Laurent Joffrin dans leur débat du 10 juillet, sur lequel nous sommes revenus ici.
[2] Voir l’article « Grèce : torts d’horizon de l’après-crise », tiré du dossier « Les leçons d’une crise » publié dans l’édition de Libération du 11 août 2015 – sur lequel est déjà revenu Pierre Rimbert.