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Corbyn et les "extrémistes". Fourest s’en va en guerre
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’arrivée de Jeremy Corbyn, nouveau leader du parti travailliste britannique, ne semble pas faire plaisir à Caroline Fourest. Présenté comme « ami des intégristes », elle fait de Jeremy Corbyn, la cible de sa dernière chronique de France Culture.
Caroline Fourest s’est attaquée, dans sa dernière chronique hebdomadaire sur France Culture, « Le monde selon Caroline Fourest », à l’une de ses cibles favorites : ceux qu’elle appelle les « amis des intégristes ». Cette chronique, diffusée le 14 septembre, vise Jeremy Corbyn, le nouveau leader du Parti travailliste britannique, élu à la tête de son parti avec près de 60 % des voix.
Corbyn soutient les « terroristes »…
Après avoir vaguement salué ses positions en matière économique, histoire de donner un aspect « équilibré » à sa diatribe, la polémiste pluri-médias s’attaque aux prises de positions de Corbyn « en matière de politique internationale, de liberté d’expression ou de terrorisme ». Et, comme à son habitude, elle sort la grosse artillerie :
« Des associations s’inquiètent par exemple des fréquentations complotistes et antisémites de Corbyn, comme cet écrivain niant la Shoah, qu’il a financé, ou ceux qu’il appelle “ses amis” : des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant à chaque fois que c’est un plaisir et un honneur. »
Peu soucieuse d’informer précisément ses auditeurs, Caroline Fourest ne dit pas, dans quelles circonstances, il se serait rapproché de ses sulfureux « amis » ni dans quel cadre il aurait « financé » des antisémites, et oublie de préciser quelles sont ces « associations » qui ont organisé, cet été, ce procès en « antisémitisme » contre le candidat travailliste (une cabale qui n’est pas sans rappeler le MacCarthysme, selon Naomi Wayne , de l’organisation Jews for Justice for Palestinians ).
Au lieu d’éclaircir l’affaire et de citer rigoureusement les explications de Corbyn, comme l’a par exemple fait The Guardianà la mi-août , Fourest préfère ridiculiser l’aile gauche du Labour, qu’elle décrit comme un ramassis de purs et simples benêts :
« L’entourage de Corbyn s’est défendu en expliquant qu’il n’était pas bien au courant [sic] des convictions négationnistes de son ami écrivain et qu’il appelle un peu facilement tout le monde ses “amis”. » (1)
Et la chroniqueuse de France Culture de poursuivre :
« Il soutient l’association CAGE, créée par des islamistes ou des pro-islamistes pour soutenir les victimes de l’antiterrorisme. Oui, vous avez bien entendu, les victimes de l’anti-terrorisme et non du terrorisme ! Question de priorité. […] Il a également manifesté contre la publication des dessins de Mahomet en 2006, en compagnie d’intégristes anglais, à côté de qui nos islamistes ont l’air de soixante-huitards débridés et, bien sûr, il est tout à fait désolé pour ce qui s’est passé le 7 janvier… Reste que Corbyn est un pur produit de cette gauche radicale flirtant volontiers avec les pires extrémistes de la planète… »
Passons sur les termes jamais définis d’« islamistes », d’« intégristes », d’« extrémistes », tarte à la crème de la rhétorique islamophobe, qui permettent sans démenti possible de jeter la suspicion sur n’importe quel musulman. Passons sur les « dessins de Mahomet » que la presse britannique a refusé de publier en 2006, non pour complaire à quelque groupe extrémiste mais tout simplement parce qu’elle les trouvait gratuitement racistes et offensants. Passons enfin sur l’amalgame abject qui associe – sur un ton ironique – ceux qui critiquent les dessins islamophobes et ceux qui soutiennent l’assassinat des dessinateurs (2).
Arrêtons-nous plutôt sur un « détail », que Caroline Fourest oublie de mentionner : Jeremy Corbyn est le président de la coalition pacifiste Stop the War , constituée après le 11-Septembre pour s’opposer à la « guerre contre la terreur », menée par le président républicain George W. Bush et le Premier ministre travailliste Tony Blair. Une immense opération « antiterroriste » qui, rappelons-le, a causé la mort de centaines de milliers de victimes, en Afghanistan et en Irak, et envoyé au bagne, sans jugement, des centaines de personnes (parmi lesquelles le fondateur de E CAGE, qui a passé trois ans à Guantanamo).
… y compris Nelson Mandela !
Pour comprendre le positionnement de Corbyn, mieux vaut éteindre France Culture et se tourner vers de meilleures sources. On lira par exemple, sur le site du New York Times, l’article de Joseph Finlay, contributeur de la version britannique du Huffington Post et ancien rédacteur en chef-adjoint du Jewish Quarterly, publié quatre jours avant que Fourest ne distille son venin sur les ondes de France Culture :
« Parce que M. Corbyn est le président de la coalition Stop the War, il a largement été associé avec la gauche anti-impérialiste. Mais, en fait, c’est surtout un défenseur passionné de la paix et, en tant que tel, il est l’héritier d’une véritable et ancienne tradition britannique qui va de l’objection de conscience à la campagne pour le désarmement nucléaire. […]
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le mot d’“amis”. Il a passé une bonne partie de sa longue et rebelle carrière de parlementaire à parler à des gens que la plupart des députés esquivaient, car il estime que la seule solution pour éviter la guerre est d’engager un dialogue avec les groupes violents ou contestables. Et l’histoire montre que cette positon s’est révélée payante : il a invité de leader du Sinn Fein, Gerry Adams au parlement en 1984, et soutenu l’African National Congress (ANC) à une époque où le Premier ministre, Margaret Thatcher, considérait les deux groupes comme des organisations terroristes. M. Adams a joué un rôle essentiel dans l’accord du Vendredi Saint [Good Friday Agreement, qui mit fin à trente ans d’affrontements en Irlande du Nord] et l’ANC est devenu le parti gouvernemental en Afrique du Sud, sous Nelson Mandela.
En parlant avec des groupes comme le Hamas, M. Corbyn est peut-être à nouveau en avance sur son temps. Après plusieurs tentatives pour détruire le Hamas militairement, Israël est maintenant en train de discuter avec lui pour essayer de négocier une trêve durable. »
Le groupe « Jews for Jeremy », regroupement de militants juifs pro-Corbyn, partage l’analyse de Finlay :
« En matière de relations internationales, le groupe affirme que les politiques proposées par Jeremy Corbyn sont celles qui offrent le meilleur espoir pour une résolution pacifique des conflits au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Les membres applaudissent ses efforts pour instaurer de façon constructive un dialogue entre des groupes qui s’affrontent dans de nombreux conflits et trouvent consternant que, dans certains cas, ces efforts soient utilisés contre lui. Le groupe relève que même Tony Blair et le gouvernement israélien se sont récemment engagés dans un tel dialogue, et il est regrettable que cela n’ait pas eu lieu plus tôt.
En tant que Juifs, les membres du groupe s’inquiètent qu’une partie sans scrupule des médias aient cherché à étiqueter Jeremy Corbyn comme un antisémite, ou comme un associé ou un supporteur conscient des antisémites. Ceux qui le connaissent et ont travaillé avec lui savent qu’il s’agit d’une accusation absurde. Jeremy Corbyn a un long passé d’antiraciste, et entretient des relations étroites et amicales avec la communauté juive de sa circonscription. Il a depuis longtemps des contacts amicaux avec les organisations juives, au Royaume-Uni et à l’étranger. Les membres de Jews for Jeremy estiment que ces accusations ne sont rien d’autres qu’une cynique tentative pour nuire à la campagne de Jeremy Corbyn. »
« Faire monter l’extrême droite »
Bien qu’elle relaie à longueur de journée la propagande néoconservatrice, et qu’elle milite – si on comprend bien sa chronique – pour une répression strictement militaire (et extra-judicaire) du « terrorisme » et contre toute forme de règlement politique des conflits (y compris quand ces derniers opposent un État d’apartheid à une minorité opprimée), Caroline Fourest se considère, on le sait, comme « de gauche ». C’est sur ce thème qu’elle conclut sa chronique.
En raison de ses engagements en politique étrangère, Corbyn n’a, selon Fourest, aucune chance de remporter les prochaines élections face au Parti conservateur (une analyse erronée, selon la chroniqueuse du quotidien The IndependentMary Dejevsky). Soutenir Corbyn, ou n’importe quel autre de ces mouvements de gauche « radicale » qui ont actuellement le vent en poupe en Europe, revient donc à faire le jeu de la droite. Et même, affirme la polémiste islamophobe, de l’extrême droite :
« Tant que la gauche radicale européenne ne saura pas proposer une alternative économique sans se défaire de cette forme d’indulgence, d’aveuglement envers les intégristes et les dictateurs, elle n’aura aucune chance de se salir les mains [au pouvoir]. Malgré la crise, malgré tout ce qui lui souffle dans les voiles, elle n’attirera pas la gauche qui sait douter [sic]. Dans une décennie marquée par la menace terroriste, elle travaillera uniquement à faire monter l’extrême droite… »
En résumé : puisque que la gauche fait le jeu des « extrémistes » de tout poil, il ne reste qu’une seule voie, le thatchéro-blairisme. There is no alternative !
(1) Il faut ici relever un détail curieux : l’allusion à l’écrivain antisémite a disparu de la retranscription de la chronique de Caroline Fourest sur le site Huffington Post, dans laquelle elle corrige : « Il ne connaissait pas les convictions négationnistes de deux de plusieurs de ses amis » [sic]... (Pour en savoir plus sur ce point, lire : Rowena Mason, « Jewish Chronicle accuses Corbyn of associating with Holocaust deniers », The Guardian, 13 août 2015). Pour compenser, Fourest laisse entendre, dans la version Huffington Post, que Corbyn « a ses bureaux » dans l’enceinte même de « la mosquée de Finsbury, l’une des plus radicales d’Europe »… Il faudra qu’elle nous explique où elle a pêché cette « information » ! (Sur Tweeter, Caroline Fourest cite sa « source » : un article de Fiammetta Venner qui, elle, n’en cite aucune… ). Comme l’indique Arrêt sur images, les bureaux de Corbyn se trouvent en fait... à onze minutes à pied de la mosquée !
Pour mémoire, le quartier de Finsbury Park fait partie de la circonscription que Corbyn représente à la chambre des Communes depuis 1983, Islington-Nord. Symbole du « Londonistan » au tournant des années 2000, la mosquée de Finsbury Park a aujourd’hui radicalement changé. « Elle organise des journées portes-ouvertes inter-confessionnelles, accueille le football club d’Arsenal et exerce une influence positive sur la communauté musulmane de Londres, entretenant d’excellentes relations avec les élus, la police et les riverains », explique The International Business Times(Voir aussi ce que le journal local, Islington Gazette, dit de ces accusations). C’est cette ouverture que saluait le député Corbyn lors de sa visite à la mosquée en juillet dernier. (La vidéo ici)
(2) Caroline Fourest affirmait sur son compte Tweeter, le 12 septembre 2015, que Corbyn avait manifesté « contre Charlie Hebdo avec des fanatiques » (sans prendre la peine de préciser la date à laquelle aurait eu lieu cet événement, laissant ainsi entendre qu’il ait pu avoir lieu après les attentats du 7 janvier) :
Or le lien auquel elle renvoie est un article publié en 2006 sur site de la BBC évoquant une manifestation de protestation, cette année-là, contre les caricatures danoises du Jyllands Posten. Charlie Hebdo n’est pas une seule fois mentionné dans l’article, qui reproduit en revanche les mots d’apaisement de Corbyn, présent à la manifestation (comme d’autres députés) :« La seule façon pour notre communauté de survivre est de se montrer respectueux les uns des autres. Nous voulons que les gens se montrent respectueux des communautés, des croyances et des religions des uns et des autres. »