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Note de lectures à propos du 13 novembre
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Je viens de lire les textes dont la lecture était préconisée par Lobo dans son commentaire (n° 33)du 26/11/15. Il est bien évident, comme je l’ai dit dans un précédent courrier, que le texte de Saïd Bouamama est critiquable, mais encore faudrait-il le critiquer dans son contenu et non dans sa signature (je signale également une interview du même, intitulée L’immigration et les banlieues en lutte, publiée le 32/1/2007 sur le site de Acontresens).
Voyons donc des textes « infiniment plus instructifs » (Lobo).
Sur le blog de Paul Jorion
Quelques explications géopolitiques assez banales, en deçà de ce que l’on peut lire dans le Monde Diplomatique et, à coup sûr, moins « instructifs » que les articles que l’on peut lire actuellement dans Le Monde (quotidien) sur les contradictions de la politique au coup par coup américaine et les zigzags et revirements de la politique française. Bien évidemment quelques remarques sur la « misère » qui ne sont pas un « ramassis de clichés » (Lobo) pour la bonne raison que la « misère » n’y est à aucun moment territorialement, socialement, historiquement et « racialement » spécifiée.
Un article de la revue Ballast
Texte très gentil, sensible, un peu littéraire qui se termine sur la communion universelle des peuples et les auteurs déposant « des roses rouges et quelques vers de Desnos » devant le Bataclan. C’est le « Paris bohème qui a été attaqué » « indistinctement avec le 93 » (il ne faudrait pas oublier que ce n’est pas une cité du 93 qui a été visée mais le Stade de France (qui se trouve dans le 93). C’est quoi ça le « Paris bohème » ? Admettons que « les fascistes théocratiques rêvent du même monde que nombre de leurs ennemis : le Bien contre le Mal, (…) Dans les colonnes de sa revue Dabiq, Daesh s’en prenait aux amateurs de zone grise : continuons d’occuper cet espace universel, poings serrés, contre les simplificateurs de noir ou de blanc vêtus ». Laissons de côté que nous n’avons pas nécessairement à accepter la problématique et la question telles que les posent nos ennemis que cela soit pour être « blanc », « noir » ou, dans l’intervalle, « gris », remarquons seulement que « l’éloge de la zone grise » (titre d’un chapitre) ne nous apprend rien sur cette zone si ce n’est qu’il faut en être. Un petit quelque chose tout de même à l’aide d’une citation de Slavo Zizek : « Ceux qui ne sont pas prêts à critiquer la démocratie libérale devraient aussi se taire sur le fondamentalisme religieux », mais la suite révèle que cette critique de la démocratie libérale se fait au nom des idéaux de la démocratie elle-même, bafoués par les « élites corrompues ». Ce qui ne nous étonnera pas quand on lit une des dernières productions de Zizek après le 13 novembre dont le titre dit tout « In the wake of Paris attacks the left must embrace its radical western roots », que l’on pourrait traduire par : « A la suite des attentats parisiens, la gauche doit embrasser la radicalité de ses racines occidentales » (16 novembre, sur le site inthesetimes.com).
Le texte Islamisme : Concevoir l’impensable sur le site du groupe Lieux Communs.
Ce texte non seulement appartient à la catégorie générale des « infiniment plus instructifs », mais encore a droit la mention spéciale : « excellent texte ». Là c’est tellement gros que je le garde pour la fin.
Un texte du psychanalyste Fehti Benslama (paru dans le supplément « Culture et idées » du Monde du samedi 14 novembre)
On peut avoir quelques briques intéressantes à tirer de ce texte sur la rencontre entre une offre idéologique et une demande construite socialement et historiquement. Ce qui permet de comprendre la spécificité sociale et générationnelle des « djihadistes ». Cependant le texte accepte comme un fait premier la « faillite identitaire » de certains individus, sans s’interroger sur la construction des identités ni sur les raisons de la « faillite ».
Un article de Norbert Trenkel sur le site de Palim-Psao : Pourquoi l’islamisme ne peut pas s’expliquer à partir de la religion
C’est vrai que le texte est à bien des égards intéressant si on fait l’impasse sur les rengaines de la mouvance « Critique de la valeur » qui ne connaît plus que des « sujets capitalistes en guerre de tous contre tous ». « Cette identification (communauté imaginaire) à un grand sujet apaise en même temps le sentiment d’impuissance devant son propre rapport à la société, qui fait face à l’individu comme contrainte collective chosifiée ». Classes et exploitation étant des archaïsmes dépassés, le rapport individu / société se réduit au fétichisme de la marchandise. Un autre problème du texte réside dans son explication du fait que les « communautés religieuses ont le vent en poupe » comme s’il s’agissait d’une adhésion par défaut. Le triptyque peuple / nation / classe étant en coma dépassé, resterait la religion ou plutôt ce que Trenkel appelle le « religionnisme » (forme d’adhésion individuelle se différenciant de la communauté religieuse). Si l’auteur parle bien de « réaction à l’exclusion sociale et raciste », la forme et le contenu de cette réaction ne peuvent être expliqués seulement par défaut ou faillite de toutes les autres. Quand Trenkel écrit que « l’islamisme militant a réussi ainsi à acquérir le statut d’une culture de contestation radicale », il explique bien sa différence avec le catholicisme et tous les évangélismes, mais il ne nous dit pas pourquoi cette « culture » est en outre – ou en premier – religieuse (si ce n’est parce que d’autres ont failli, comme si les possibles constituaient un ensemble fini). Cependant, Trenkel est très proche de la solution quand il écrit «…le sentiment d’impuissance devant son propre rapport à la société, qui fait face à l’individu comme contrainte collective chosifiée ». Nous avons là la forme et le contenu proprement religieux. C’est, conformément à tous ses présupposés théoriques, la considération de l’aliénation de l’individu vis-à-vis de la communauté (qui n’est plus un mode de production comme ensemble de rapports de production) comme un état qui sépare Trenkel de la formulation exacte de la question et par là de sa solution.
Il faut aller de l’exploitation à l’aliénation et, de là, à la misère inhérente à la nature humaine. Dans la constitution capitaliste de l’exclusion, l’aliénation du prolétaire vis-à-vis de l’ensemble des rapports sociaux et de sa propre reproduction n’apparaît pas comme le produit de sa propre activité, et l’aliénation comme le rapport contradictoire qu’il entretient avec l’ensemble de cette société, mais comme une donnée inhérente à son individualité, c’est le pauvre. Devenue inhérente à l’individualité, la séparation d’avec les autres individualités et d’avec la communauté ne se résout que dans une relation qui transcende ces individualités et se pose face à elles comme radicalement extérieure. C’est la structure religieuse même et sa production.
Le point de vue de Temps Critiques : « Le vernissage d’une antiquité : le défaitisme révolutionnaire »
Ce n’est pas vraiment « infiniment instructif ». Temps Critiques a déniché quelques dinosaures, ce qui permet aux auteurs de faire briller leurs « nouveautés » et de montrer la justesse de leurs thèses sur la lutte des classes, le prolétariat, l’exploitation, etc. Du style : « regardez ce que disent les gens qui parlent encore de tout cela ». Il a de tout temps était vrai que « Marx est un imbécile quand c’est Raymond Aron qui en parle ». Ils ont raison, mais on ne tire pas sur les ambulances, bien que dans leur critique de l’appel hyperbolique au « défaitisme révolutionnaire », Temps Critiques néglige le fait que toute opération, même de « police » va toujours mieux avec un appui de « l’opinion publique ». On pourrait encore ajouter que global n’exclut pas national, il faut ici réfléchir sur la modification de l’Etat et de leurs rivalités, ce qui rend plus complexe la contradiction entre la mondialisation (« tendance dominante ») et la résurgence de la politique nationale de puissance. La mondialisation a toujours des maîtres nationaux (même dénationalisés). Là où le texte devient très bizarre c’est quand Temps Critiques développe son propre point de vue sur Al-Qaïda ou l’Etat islamique qui ne seraient pas des « organisations capitalistes », mais « tribales » et « claniques ». Il faudrait développer bien sûr, mais on peut affirmer que « tribalisme » et clanisme » sont actuellement spécifiquement et exclusivement capitalistes, n’ont d’existence et de sens que dans et de par ce mode de production. Là aussi pour Temps Critiques, comme pour la « Critique de la valeur », avoir réduit les contradictions présentes au rapport entre l’individu et la communauté fait perdre les rapports de productions toujours déterminants (et toujours surdéterminés parce que capitalistes), au profit de multiples solutions possibles mis en œuvre par les « individus » dans leur désir « humain » de communauté. Paradoxalement, c’est parce que les rapports de production sont déterminants que toute pratique opère sous une idéologie.
Un texte d’Olivier Roy (« plus inspiré que d’habitude », nous dit Lobo) : Le djihadisme est une révolte nihiliste, « Le Monde » 25/11/15
A propos du texte de Roy, on peut faire des remarques identiques à celles relatives au texte du psychanalyste Fethi Benslama, ça apporte une brique, mais il faut construire la problématique susceptible d’utiliser cette brique. Roy montre qu’il y a une demande de « radicalité » jusqu’à la « dissidence » et que celle-ci a été historiquement protéiforme selon les offres. Là aussi la forme religieuse n’est pas spécifiquement produite, c’est ce que l’on trouve sur le marché des idéologies (Roy s’en rend si bien compte qu’il nous le fait à l’esbroufe en écrivant à la fin de son article : « Pourquoi l’islam ? c’est évident (souligné par moi), ils reprennent une identité, etc. ». Roy rejette les explications structurelles : explication culturaliste (« « guerre des civilisations », « islam inintégrable ») ; explication tiers-mondiste (la « souffrance postcoloniale », « identification à la cause palestinienne »), simplifiant à la caricature la thèse « postcoloniale ». Roy écrit : « Si les causes étaient structurelles, alors pourquoi ne toucheraient-elles qu’une frange minime et très circonscrites de ceux qui peuvent se dire musulmans en France ? Quelques milliers sur plusieurs millions. ». Il avance ensuite son explication : les caractéristiques spécifiques de la « deuxième génération ». Même si l’échantillon est plus étroit, on pourrait retourner à cette explication la critique faite aux « explications structurelles ». Contrairement à son intention, ce que fait Roy, c’est de préciser les explications structurelles et grâce à cette précision, il peut approcher les spécifications de l’activité djihadiste.
Il faut pour le fun citer le dernier paragraphe : « Quant aux convertis, ils choisissent l’islam parce qu’il n’y a que ça sur le marché de la révolte radicale (pour adhérer à l’ultragauche, il faut avoir lu, ce que ne font pas ces jeunes) – souligné par moi ».
Un extrait d’un texte de Robert Kurz
Bien malin qui en tire une idée. Une bouillie de mots, style mauvais plagiat d’un mauvais Debord.
Enfin revenons à ce texte de Lieux Communs qui, ne se contentant pas d’être « infiniment instructif », est, selon Lobo lui-même, « excellent ». Le texte a été écrit après les attentats de janvier 2015
Je passe sur leur connerie de « démocratie directe » dont les « imaginaires de consommation, de délégation et de hiérarchie » bloquent l’avènement mais dont la culture française et occidentale est porteuse. Il faut lire.
Le texte est sidérant, on lit plusieurs fois les phrases en se disant « mais c’est vraiment ce qu’ils disent, j’ai bien lu ? » On y lit des choses hallucinantes, ne correspondant à aucune réalité et disons le tout net c’est un texte d’un racisme essentialiste basique se terminant par un ralliement un peu gêné, un peu honteux (mais faut bien ce qu’il faut) au Front National du genre « il pose les bonnes questions mais ce ne sont pas les bonnes réponses », comme disait il y a longtemps maintenant un respectable homme politique de premier plan dont le nom m’échappe.
J’en donne quelques extraits et j’en conseille la lecture exhaustive qui sera « infiniment instructive » sur ce que Lobo trouve « excellent ».
Extraits
« Une application de la loi musulmane
Trucidé ou plutôt exécuté, parce que ce qui ressort de l’événement, c’est que c’est un acte de guerre qui a été pensé, planifié et mis en pratique. C’est donc l’application d’une sentence d’exécution [prononcée par une sorte d’État diffus], une application de la loi musulmane (au singulier, souligné par moi), et c’est la première fois, je crois, que ça ressort avec autant d’évidence. Charlie Hebdo était condamné par des fatwas depuis des années, l’UOIF était explicite et avait épuisée les voies légales de recours, c’était clair à qui voulait le savoir – je dois avouer que je regardais Charb comme un homme mort – et les islamo-gauchistes lui tombaient dessus à bras raccourcis depuis au moins 2011 en traitant le comité de rédaction de tous les noms en attendant que la Tcheka s’en occupe ; c’est chose faite. »
« Les réactions anti-musulmanes
Le premier, marginal, ce sont les réactions anti-musulmanes dans les deux semaines qui ont suivi, qui ont été rapportées par diverses institutions, dont certaines extrêmement suspectes puisque militantes islamistes comme l’Observatoire de l’Islamophobie. On a assisté à une centaine d’actes, les plus conséquents étant des tirs d’armes à feu contre des mosquées fermées ou des lancers de têtes de porcs, ou des tags… Mais la grande majorité des actes ont été de simples insultes, dont on ne connaît pas les circonstances, mais dont le nombre est trois à quatre fois inférieur à celui des femmes portant la burqa officiellement recensées sur le territoire [10]… On reste donc dans le symbolique et l’ultra-minoritaire. (…)
Là, comme depuis trente ans, la stratégie islamiste visant à déclencher des ratonnades pour faire basculer le camp musulman échoue lamentablement. Tout se passe comme si le racisme qu’ils imputent à l’Occident n’était qu’une projection de leur incapacité de principe à concevoir une société cherchant à instaurer une égalité entre les gens, les cultures et les confessions. » (on lit plusieurs fois en se demandant si nous vivons dans le même pays, nda)
« « Les islamistes sont une infime minorité »
Le premier pilier, c’est que les terroristes, les islamistes et leurs amis sont une toute, toute petite minorité, minuscule, insignifiante, riquiqui, pas de quoi s’affoler vraiment. Et pourtant, dès les heures qui ont suivi le massacre de Charlie-Hebdo, on a vu proliférer sur les « réseaux sociaux » informatisés des milliers de messages faisant l’apologie du terrorisme, explicitement. On aurait pu croire que la vague d’indignation qui leur a répondu les aurait fait rentrer sous terre – raté : ils ont resurgi sous la forme « Je ne suis pas Charlie » que les islamo-gauchistes ont tenté de désamorcer en le prenant à leur compte. Ce genre de propos a également pris une ampleur impressionnante lors de la minute de silence dans les établissements scolaires mais ils n’ont pas émané que d’adolescents, loin de là : des profs de fac et des conseillers municipaux ont aussi été condamnés. Et l’immense majorité des « incidents » n’ont pas été rapporté, comme ceux survenus dans les écoles primaires, via les enfants ou les parents eux-mêmes, dont beaucoup ont été témoins. Même chose concernant les théories du complot qui se sont multipliés partout, exonérant les assassins et, bien entendu, l’islam, comme il est d’usage à chaque nouvelle monstruosité depuis au moins le 11 septembre, et comme la mentalité musulmane en a coutume (souligné par moi, mais il faudrait tout souligner). Encore plus éclatante, l’absence massive des populations immigrées, et particulièrement arabo-musulmanes des manifestations de solidarité, y compris en banlieue parisienne et y compris le 11 janvier.
(…) Je crois que ça a troublé pas mal de monde, cette défection dans un moment de recueillement collectif, où la société éparpillé se rassemble exceptionnellement, a minima, pour dire qu’elle refuse la barbarie… » (n’oublions pas que nous lisons cela dans un texte « excellent », nda)
« L’islamisme violent ou patient bénéficie de nombreux soutiens, je vais en parler juste après, mais surtout de grands courants de sympathie et de bienveillance dans une partie importante de la population musulmane. Ça laisse un point d’interrogation qui est énorme, mais il n’est plus question en tout cas de dire que ce sont quelques brebis galeuses ou loups solitaires, au choix. »
« Autrement dit, les islamistes ne sont pas une petite minorité, et ils ne sont pas du tout sous contrôle de l’État. »
« Bref, impossible d’arriver à déterminer la proportion dans le milieu musulman de ceux qui ont des positions islamistes et ceux qui n’en ont pas. Et je pense personnellement, après de nombreuses discussions, que la frontière est extraordinairement mouvante – c’est peu dire que cette situation est inquiétante. Je ne parle pas des franges éclairées, imams réformateurs, croyants laïcisés, syncrétistes ou mystiques ou plus simplement agnostiques et surtout athées, tous si rares et inaudibles dans le bruit médiatique, qui ne semblent n’avoir aucun public, et qui constitueront probablement les prochaines cibles des djihadistes.
Quoi qu’il en soit, existe maintenant le sentiment d’un corps étranger (souligné dans le texte) à la société, dont on ignore les effectifs, mais surtout un corps étranger qui se constitue progressivement lui-même comme corps et se rend peu à peu de lui-même étranger (idem) en faisant sécession d’avec l’imaginaire collectif sur des points fondateurs de l’histoire de la civilisation occidentale : la place de la religion, le statut des femmes, la visée de justice et d’égalité, etc. (on se frotte les yeux, nda). Et cela n’est pas dit, pas discible, pas concevable, d’où le malaise épais qui s’insinue dans toute la société au fil du temps. »
« Donner raison aux Le Pen
Le troisième point qui rend la situation impensable est justement qu’il est extrêmement difficile de rendre compte de toutes ces réalités sans avoir l’impression de donner raison aux Le Pen. (…)
La population ici est fondamentalement antiraciste, il suffit de regarder autour de soi : jusqu’au fin fond des campagnes, tout le monde a un copain, une connaissance (« je ne suis pas raciste, j’ai même un copain noir », nda), sinon un voisin, un commerçant, un collègue maghrébin ou immigré, qui est largement accepté ; l’ascension sociale et hiérarchique des Maghrébins est effective, et les propos xénophobes qu’on peut entendre sont sans conséquences pratiques (pour ceux qui les profèrent évidemment, nda). Ce n’est donc qu’avec une énorme réticence qu’une partie des Français donne raison, rétrospectivement au discours frontiste, à rebours et à reculons. Autrement dit, beaucoup de gens refusent d’affronter ces réalités, parce qu’elles entérineraient immédiatement les thèses frontistes, et ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas y échapper s’y rallient finalement. C’est que tout le monde observe, je crois, avec plus ou moins d’effarement autour de soi. (…)
Symétriquement côté musulman, c’est un peu la même chose : Lepen ne peut pas avoir raison contre nous depuis 40 ans, donc nous ne sommes responsables de rien et même pas de notre présence sur le sol français, et Allah ouakbar …»
« La société contre l’oligarchie
Il semble clair que la situation actuelle résulte des politiques menées depuis trente ou quarante ans, du regroupement familial à l’antiracisme bien-pensant, des menus scolaires confessionnels aux « politiques de la ville », de l’idéologie du multiculturalisme à l’installation des Frères Musulmans dans les institutions, etc. Que s’est-il passé durant tout ce temps-là et que cherche l’État là-dedans ? A-t-il voulu cette situation ou est-il dépassé ? Dans les deux cas, l’impression qui domine est que dans ce problème-là, l’oligarchie abandonne une bonne partie de la population à son sort, et que cette dernière se retrouve seule face à la situation, dans une société sans unité, sans projet, sans consistance… Les gens réalisent, peu à peu : L’État n’est plus avec nous, et il pourrait bien jouer contre nous, véritablement, sans contrepartie. » (on frémit en passant à ce que serait « l’autogestion populaire » version Lieux Communs)
« La loi anti-burqa n’est tout simplement pas applicable dans certaines zones, de peur d’émeutes comme à Trappes en 2013. Autrement dit, on a affaire à une dynamique populaire qui s’apparente à un vaste mouvement de désobéissance [capillaire] face auquel les moyens coercitifs de l’État ont toujours été limités. Il est clair que la question du voile n’a pas du tout été réglée par la loi (qui est d’ailleurs en elle-même liberticide) : elle est contournée de multiples manières, et les tenues islamistes prolifèrent plus que jamais dans la rue, les universités, les entreprises… Qu’un législateur veuille vraiment régler le problème, et il devra résolument sortir du cadre républicain du respect des libertés individuelles et c’est ce qui est recherché explicitement par les stratèges islamistes. Plus problématique encore : des pans entier des institutions elles-mêmes pourraient ne pas répondre. Par exemple dans beaucoup de quartiers, il y a de plus en plus de personnels et d’enseignants musulmans dans les écoles, les collèges et les lycées – preuve que l’« intégration », au moins professionnelle fonctionne – : vont-ils réellement appliquer les directives officielles qui iraient contre leur propre éducation, leurs croyances, leurs situations ? Ce n’est déjà plus le cas. Même chose dans nombre de petites entreprises [ou même à la RATP, à la SNCF, dans les aéroports], au sein des forces de l’ordre (on a vu qu’A. Coulibaly avait une complice dans la gendarmerie), ou même dans l’armée, qui recrute dans ces quartiers, et qui pourrait se retrouver divisée – on a vu qu’une dizaine d’anciens militaires français avaient rejoint l’État Islamique… (on ne peut plus se fier à personne, nda) Bref, on refuse de prendre conscience que c’est un problème qui ne se résoudra, ou ne sera contenu, que si une bonne partie de la population se mobilise d’elle-même, c’est-à-dire indépendamment des appareils et des organisations. La question du voile, par exemple, ne se poserait pas si une pression populaire existait dans l’espace publique – et si un espace public existait encore. Mais pour de multiples raisons, des excellentes et des exécrables, c’est in-envisageable, inimaginable pour 95 % des Français, éduqués dans la passivité politique d’une part, le refus des discriminations et de la délation d’autre part et surtout l’indifférence mutuelle, l’atomisation sociale, l’insignifiance culturelle, le consumérisme effréné. »
« Je ne crois pas du tout à ce qui se dit depuis six mois sur la possibilité d’une guerre civile. Parce qu’il faudrait qu’il y ait deux camps constitués, et il n’y en a qu’un, celui des islamistes, éduqués depuis le plus jeune âge dans la haine contre Israël et les juifs en général et au sein desquels il y a maintenant de véritable combattants, des guerriers – souvenons-nous de Merah donnant l’assaut aux policiers du RAID, stupéfaits (les pauvres !, nda).
Rien de tel du côté d’une population française vieillissante et apathique, sans aucune tradition ni pratique ni intérêt militaire depuis une ou deux générations, ça se voit lors des mouvements sociaux, qui sont toujours restés massivement pacifiques, et quasiment sans aucune réserve de violence comme aurait pu l’être les skineheads. » (on a bien lu ?, nda)
« Quel jeu de l’oligarchie ?
Justement, quel est le jeu de l’oligarchie ? On sait que l’immigration est une pièce maîtresse de sa stratégie depuis quarante ans (avec le soutien actif de toute l’extrême gauche), à la fois en tant que réservoir de main d’œuvre docile mais aussi pour éclater la relative unité culturelle de chaque peuple européen (souligné par moi) à la fois source de nationalismes meurtriers et de mobilisations sociales. Le modèle multi-culturel décrit par J. Attali, par exemple, avec des villes-hôtels et des campagnes de relégation est révélateur. Mais la passivité des dominants, voire leur complaisance, vis-à-vis de l’islamisme semble difficilement compréhensible à moyen terme (les pétrodollars dominent le court terme) : le chaos qui s’instaure leur permettra effectivement de surplomber la situation et d’en finir une bonne fois pour toute avec ces valeurs occidentales de l’émancipation, de la révolte, de l’égalité, etc., mais ça tend à rendre la société ingérable et à atteindre le fonctionnement capitaliste lui-même, qui exige quand même une relative paix sociale, des leviers étatiques qui répondent, une corruption réduite, un minimum d’État de droit. Là on va vers un fonctionnement pré-moderne, clanique, communautariste… »
« Mort anthropologique de l’Occident ?
Dernière question, et je finirai là-dessus : une réaction de la population française (c’est qui ça ?, on suppose que dans cette « population française » ne figure pas le « corps étranger », nda), ou européenne ou même occidentale est-elle encore possible ? En forçant le trait, la puissance de l’Occident ne réside plus que dans ses institutions héritées, sa technologie et ses armées. Ses populations sont totalement passives, atomisées, atrophiées et ne semblent prêtes à mourir pour rien – la persévérance d’un Charb exaspérait. Assiste-t-on à la mort anthropologique de l’Occident ou y a-t-il encore des ressources, endormies, de mobilisation sociale et politique, d’engagement pour orienter la marche du monde, ou est-on vraiment en présence d’un troupeau infantilisé et résigné ? »
Collectif Lieux Communs
Janvier – mars 2015 (relu en septembre)
FIN DES CITATIONS … de « l’excellent texte ».
En conclusion.
Mon but au départ n’était pas de relancer la polémique, mais je pense que parfois il est « infiniment instructif » d’appeler un chat un chat et « excellent », un ennemi un ennemi. Je pense qu’une multiplication de notes de ce type pourrait permettre d’avancer sur une compréhension du 13 novembre. J’en ai réalisé d’autres mais ici je voulais m’en tenir à la liste de Lobo.
R.S