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Quels sont les ingrédients de la recette FN ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.latribune.fr/economie/france/quels-sont-les-ingredients-de-la-recette-fn-535045.html
Pour emporter le vote des électeurs, le parti de Marine Le Pen ne se contente pas de plaider pour une politique sécuritaire. Il profite également des inquiétudes, des frustrations, des tracas quotidiens des citoyens. Il tire également parti de l'absence criante de résultats des derniers gouvernements.
Le Front national sera-t-il le grand vainqueur du second tour des élections régionales qui se tiendra dimanche ? Emportera-t-il une, deux, trois régions... ou zéro ? Le score sera-t-il encore plus lourd, sachant que le parti de Marine Le Pen est arrivé en tête dans six des treize nouvelles régions dimanche dernier ?
Comment expliquer cette consécration par les urnes du FN ?
Passons sur la performance de Marine Le Pen qui a su décomplexer le vote FN, réussissant là où son père, Jean-Marie, le co-fondateur du parti avait échoué. Faire admettre aux électeurs que voter Front national n'est pas une déclaration de guerre aux valeurs de la République est un coup de maître.
Comment Marine Le Pen a-t-elle réussi cette performance ? Quelle est sa recette ? Il n'existe pas de formule magique. La présidente du FN n'a pas trouvé la martingale. L'indigence de son programme économique, l'inquiétante banalité de ses solutions pour relancer l'emploi en témoignent.
A Calais, comme ailleurs, le Front national accuse
Elle s'est simplement contentée de jouer sur les inquiétudes, les petits tracas, les frustrations des citoyens. Interrogée ce jeudi sur BFM-TV et RMC, la présidente du FN prévient qu'en cas de victoire dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, elle " ne laisserai pas au gouvernement une minute de tranquillité ". " Vous savez ce que ça veut dire ! Et la première chose que je ferai, c'est de porter plainte, comme présidente, au nom de la région, contre l'Etat. Pourquoi ? Vous croyez que ça n'a pas de conséquences économiques, non plus, au-delà de l'horreur que vivent les habitants de Calais ? Que ça n'a pas de conséquences économiques, cette situation à Calais ? Je vais pourrir la vie du gouvernement, vous m'entendez, chaque jour, de chaque semaine. Chaque minute de chaque jour, ils entendront parler de moi et des habitants. Parce que ce sont les habitants qui ne veulent plus de cette situation. Vous le comprenez ça, ou on fait comme s'ils existaient pas", a-t-elle déclaré. A-t-elle des propositions ? Elle en a une : supprimer toutes les subventions aux associations qui viennent en aide aux migrants. Au regard des multiples dimensions de la question, cette suggestion paraît un peu légère.
La crise offre un boulevard à Marine Le Pen
Marine Le Pen joue sur du velours. Que ce soit à Calais ou ailleurs, la France est inquiète. Depuis 2008, elle est incapable de sortir de la plus grave crise économique subie depuis la seconde guerre mondiale. La montée du chômage, le creusement des inégalités, la désertification des territoires sont autant de signes d'échec des derniers gouvernements. La reprise, tant espérée par l'exécutif, est si faible, si désespérément molle que le nombre de demandeurs d'emplois ne reflue toujours pas.
En miroir, les succès économiques de notre partenaire et concurrent allemand viennent souligner les errements de l'économie tricolore. Quand la France accusait un déficit commercial de 54 milliards d'euros en 2014, l'Allemagne dégageait un excédent de 217 milliards d'euros. Quand la France affichait l'année dernière un déficit budgétaire de 85,6 milliards d'euros, l'Allemagne s'enorgueillissait de son équilibre budgétaire après lequel la France court désespérément depuis 1994...
L'équilibre budgétaire et le diktat de Bruxelles
Un équilibre budgétaire qui semble être l'unique priorité du gouvernement, sur l'autel duquel une partie des citoyens a le sentiment d'être sacrifié, en raison des moyens employés. Pour atteindre cet objectif, deux leviers ont été actionnés : la fiscalité et la rigueur budgétaire, cassant le moteur de la demande et rendant la politique de l'offre décidé par l'exécutif inopérante.
Dans le domaine fiscal, le gouvernement a fait le choix de relever l'imposition des classes moyennes et des classes aisées. Les plus modestes ont été épargnés. L'option consistant à augmenter l'assiette fiscale, c'est à dire à faire payer un impôt plus faible à l'ensemble des foyers fiscaux a été écartée. Désormais, moins d'un ménage sur deux paie l'impôt sur le revenu. Cette stratégie est-elle répréhensible ? Une chose est certaine, elle peut donner le sentiment aux contribuables existants que la société est fragmentée. C'est un boulevard dans lequel le Front national s'est engouffré.
En tentant de réduire la dépense publique, le - les - gouvernement entend respecter les engagements communautaires pris avec Bruxelles. La question n'est pas de savoir si ces engagements auraient dû être une fois de plus décalés. La France est coutumière du fait ! Avec cette politique des petits pas, consistant à décaler ces objectifs, le gouvernement a, en revanche, donné l'impression que la France continuait à subir la pression continue de Bruxelles. N'aurait-il pas mieux valu négocier un moratoire avec la Commission européenne ? Certes, cette option aurait égratigné l'orgueil de l'exécutif. Mais elle aurait coupé l'herbe sous le pied au Front national, toujours prêt à dénoncer le diktat que la Commission européenne impose à la France... Comme Adolf Hitler, jadis, quand il dénonçait les clauses du traité de Versailles signé en 1919..
Résultat, cette rigueur budgétaire, cette austérité larvée, a obligé le gouvernement à remettre en partie en cause le modèle social français. Décidée en 2014 et entrée en vigueur en 2015, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus est un premier coup de canif au pacte social. Marine Le Pen ne s'est pas privée de le faire entendre aux citoyens. "Le principe d'universalité des allocations ne doit donc pas être remis en cause ni sacrifié sur l'autel de l'austérité bruxelloise. Le gouvernement, soutenu en cela par l'UMP, poursuit pied à pied son oeuvre de déconstruction du modèle social français au profit d'un système toujours plus individualiste et injuste", dénonce l'eurodéputée le 8 octobre 2014 sur RTL.
Une stratégie tout-terrain
Même la loi NOTRe, qui réduit de 22 à 13 le nombre de régions françaises offre à Marine Le Pen l'occasion de jouer sur les peurs. " La naissance d'immenses territoires régionaux, conjuguée à la disparition annoncée des départements, sera un dangereux accélérateur de la désertification rurale. La concentration des activités dans les nouvelles capitales régionales se fera au détriment de nos campagnes et des villes moyennes de nos départements. Cette réforme est donc un mauvais coup porté à un aménagement équilibré du territoire national, au détriment de la ruralité française et au bénéfice de quelques grosses métropoles ", explique-t-elle dans un communiqué le 3 juin 2014. C'est pourtant l'objectif inverse que cette réforme vise. C'est oublié que cette désertification est encore naturelle dans certains territoires, l'exode rural n'étant pas achevé et la mobilité professionnelle progressant. Mais pour le Front national, cette désertification des territoires et la fermeture des services publics que l'austérité commande lui permet également d'hurler à l'abandon de l'Etat.
Et quand l'austérité provoque un drame, comme à Bretigny sur Orge le 12 juillet 2013 avec le déraillement du train Paris-Limoges, Marine Le Pen est encore là pour dénoncer le renoncement de l'Etat français et la toute-puissance de Bruxelles ! Selon elle, le rapport d'étape du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TTL) " confirme les effets potentiellement dramatiques du désengagement de l'État et de la SNCF des grandes infrastructures de service public. Cette politique de désengagement et de désinvestissement de l'Etat dans le service public, qui s'est par exemple traduite par la suppression entre 2000 et 2010 de 10 000 postes à SNCF Infra, filiale chargée des travaux de maintenance, a nécessairement des effets sur la sécurité des voyageurs et des personnels. Elle a été menée aussi bien par les gouvernements de gauche que de droite parce qu'il fallait comme d'habitude obéir aux injonctions d'une Union européenne occupée à liquider le service public à la française ".
Les automobilistes, les éleveurs et les indépendants ne sont pas oubliés
Pour les usagers qui empruntent au quotidien les transports en commun et subissent parfois - souvent ? - leurs vicissitudes, ces déclarations peuvent faire mouche. Même les automobilistes ont le soutien enamouré de Marine Le Pen qui propose d'abaisser de 20% la TIPP [devue TICPE en 2011..], ce qui représenterait une économie de 15 centimes au litre en moyenne. Un effort qui serait compensé par une surtaxation des grands groupes pétroliers et gaziers. Facile à dire. Facile à faire ? Cette stratégie affaiblirait par exemple Engie - ex-GDF Suez - déjà confrontée à l'ouverture de la concurrence. Que propose le FN aux 100.00 salariés français du géant de l'énergie qui pourraient pâtir de ce relèvement de la fiscalité ? Rien.
Le FN n'oublie pas les éleveurs de porcs. Pour résoudre leurs difficultés financières, il se contente d'une proposition, facile, simple : desserrer l'étreinte administrative et réglementaire de Bruxelles. En rejetant la faute sur la Commission, le FN, par rouerie ou méconnaissance du dossier, fait une fois de plus l'impasse sur les véritables raisons des difficultés de la filière porcine, qui souffre de coûts de production plus élevés que dans les autres pays européens et de la faible taille de ses exploitations.
Quand le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, comme celui de François Fillon et ceux de ses prédécesseurs, annoncent un choc de simplification, est-il audible ? L'échec du régime social des indépendants (RSI), dans l'attente d'une nouvelle réforme, ne plaide pas en sa faveur. Le choc de simplification également promis par Marine Le Pen sera-t-il plus efficace ? Dans le contexte actuel, on peut comprendre que certains électeurs souhaitent tester ses vagues idées.
Qu'en pensent les jeunes ?
Avec cette stratégie tout-terrain qui consiste à dénoncer les tracas quotidiens des Français dont seraient responsables, Bruxelles, l'Etat, les grandes entreprises, Marine Le Pen a le beau rôle. Aurait-elle réussi de tels scores si la France conjuguait la crise de 2008 au passé ? Comment le gouvernement peut-il inciter les 18-24 ans à aller voter, alors que le taux de chômage de cette classe âge culmine à 23%, que 7 étudiants sur 10 ont des difficultés à se loger - selon un sondage récent de l'Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev), qu'obtenir un permis de conduire - indispensable dans certaines professions - en moins d'un an relève de l'exploit, que de plus en plus d'étudiants renoncent à se soigner en raison de leurs difficultés financières et que la flexibilité du marché de l'emploi est à ce point élevée que moins de 10% des contrats de travail conclus sont des CDI ?
Avec un tel bilan, les candidats de droite et de gauche peuvent-ils s'étonner que les deux tiers des 18-24 n'aient pas été voté ? Un tiers des votes des jeunes ont voté pour Marine Le Pen...
Au regard de tous ces éléments, la volonté d'une partie de l'opposition de reprendre les arguments sécuritaires du Front national n'est pas seulement une faute de mauvais goût. C'est aussi une erreur de diagnostic : si les électeurs votent pour le FN, ce n'est pas seulement pour apaiser leurs inquiétudes dans le domaine de la sécurité. C'est aussi, et parfois surtout, pour donner à ses représentants une chance de réussir là où les autres partis récemment au pouvoir ont lamentablement échoué. Pour certains, experts, la victoire de François Hollande en 2012 tenait autant aux arguments déployés par le candidat PS qu'à un rejet de Nicolas Sarkozy. En 2015, la victoire de Marine Le Pen - car c'en est déjà une, compte tenu du nombre d'élus FN qui siègeront dans les conseils régionaux - tient autant à sa stratégie fourre-tout qu'au rejet du PS et des Républicains.