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Ajaccio, les pompiers, les pyromanes et les incendiaires
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis le 25 décembre, il est difficile d’ouvrir un journal, d’allumer la télé ou la radio sans entendre des bruits alarmants sur la situation d’Ajaccio, une meute hurlante de Corses décérébrés hurlant des « on va refaire le Bataclan à l’envers », « on va vous crucifier » et autres amabilités à l’attention des populations d’origine maghrébine, elles-mêmes souvent corses depuis deux ou trois générations vivant dans un quartier populaire sur les hauteurs de la ville. Bref des tentatives hypermédiatisées de pogroms racistes et islamophobes (une salle de prière a été saccagée, des Corans ont été brûlés).
Les faits
Une bande de crétins désœuvrés des Jardins de l’Empereur d’Ajaccio ont cru malin de s’inscrire au jeu télévisé du quartier qui allume le plus bel incendie de Noël. Un jeu téhèfunhesque on ne peu plus hexagonal, lancé il y a des années, sans doute pour meubler le jité entre un reportage sur la plus belle bûche glacée et l’ouverture des cadeaux dans la famille Machin. Une pincée de barbares de banlieues au 20h, ça permet d’apprécier encore plus son petit intérieur douillet : c’est pas ma bagnole qui crame, je reprendrais bien un peu de dinde aux marrons. Dans le scénario, il y a aussi le traditionnel caillassage despompiers, qu’on empêche d’éteindre le feu. Faudrait quand même pas rater le podium.
Touche pas à mon pompier
Le problème c’est que cette connerie passe beaucoup plus mal en Corse qu’ailleurs. Pour des raisons évidentes, on ne touche pas aux pompiers. Ça peut se comprendre sur une île extrêmement boisée, où le maquis a envahi depuis longtemps les terres abandonnées par les populations poussées à l’exil par la politique coloniale de la République et ses relais claniques locaux. Une île où, du coup, le plus grand danger, c’est le feu. Facteur conjoncturel agravant, la sécheresse de cet hiver fait craindre des incendies graves, comme il s’en produitsur d’autres zones méditerranéennes. D’autant plus qu’en l’absence de touristes on peut douter de la réactivité de l’État pour envoyer de coûteux Canadairs depuis Marseille ou Nice. L’hiver, en Corse, il n’y a personne pour se faire bronzer le cul, et donc pas de manque à gagner en vue pour l’industrie touristique si ça crame. Le maquis peut bien brûler, et les villages avec, ça n’affectera que des Corses, et ça, tout le monde s’en tape. Donc : on ne s’en prend pas aux pompiers. Jamais: les pompiers ce n’est pas la gendarmerie, on respecte. La société corse est très réactive, pour le meilleur et pour le pire, en tout cas beaucoup plus que dans pas mal de coins du continent. Le lendemain, 600 personnes manifestaient devant la préfecture en solidarité avec les pompiers. Jusque-là tout va bien. Le problème c’est qu’une partie des gens présents -un peu moins de la moitié- encadrés par des fafs locaux bien connus et reconnaissables sur les images qui tournent en boucle maintenant sur les écrans, s’est mise en mouvement pour aller ratonner sur les hauteurs de la ville, sur fond de slogans là aussi parfaitement reconnaissables : « on est chez nous », entre autres, un classique identitaire, « les Arabes dehors », etc, le but initial -serrer les coupables- étant vite oublié.
Donc, en résumé : quelques crétins pyromanes de Noël qui frappent des pompiers de garde, un fait divers lamentable, qui débouche sur une micro-manif savamment orchestrée par quelques nazillons proches du FN encadrant quelques dizaines de beaufs racistes persuadés de défendre l’Occident sur les hauteurs d’Ajaccio. Le tout sous l’œil gourmand des caméras, ce qui, évidemment a remis une pièce dans la machine : les vieilles cagoles péroxydées et les gros bidochons ventripotents à lunettes de soleil ont eu droit à leur quart d’heure de gloire cathodique.
En résumé, une descente raciste désespérément classique et très franchouillarde, répondant à une connerie très classique également et propre ni à Ajaccio ni à la Corse.
Le vernis craque vite
Mais c’est la Corse, et tout ce qui touche à la Corse a pour effet de déchaîner l’hystérie jacobine et de faire remonter à la surface le vieux fond colonial qui a toujours servi de grille d’analyse aux opinologues et autres politicards continentaux. Un des avatars de ce racisme anti-corse est précisément de postuler chez les Corses un racisme génétique ou « culturel » -ce qui revient au même, en l’ocurrence- lui-même dérivé d’une violence atavique. En gros le Corse est raciste et violent, c’est comme ça, c’est dans sa nature, de même que l’Arabe est voleur et le Juif banquier.
Le lien a donc immédiatement été établi avec la victoire aux élections territoriales des groupes autonomistes et nationalistes corses : bon sang mais c’est bien sûr, les natios obtiennent la majorité dans les urnes et des meutes de barbares racistes déferlent dans les rues. C’est aussi simple que ça: si le FN est si bas en Corse, c’est que les partis nationalistes occupent la place qu’il tient sur le continent. Explication facile à comprendre quand on a les synapses encrassées par la vulgate centraliste républicaine. D’où le déferlement de haine contre toute la population de l’île à travers le #salescorses. La palme du délire ethnico-républicain revient à Mélenchon, dénonçant « l’ivresse ethniciste » et mettant les attaques d’Ajaccio sur une « culture de la violence » imputables aux nationalistes qui, comble d’horreur, s’expriment en corse au lieu de parler la langue de la République. C’est vrai, ça, quelle impudence…
Mettre les manifs racistes des quelques dizaines d’ajacciens dégénérés sur le dos des 300 000 habitants de l’île, c’est un peu comme si on imputait à l’ensemble des militants du PG les éructations colonialistes de sa tête de gondole électorale, qui vient d’être félicité par Valeurs Actuelles, et c’est bien le moins.
Certes, la gauche n’a jamais rien compris aux problématiques corse, basque, bretonne, occitane etc, mais on peut quand même s’étonner de voir des responsables politiques censés analyser les faits en termes sociaux et politiques sombrer dans le délire ethno-différencialiste à la première occasion et ce alors que les prises de position des uns et des autres ont été toutes immédiates et plus claires les unes que les autres, que ce soit celle du maire pourtant LR d’Ajaccio ou celle des élus nationalistes de la Collectivité territoriale qui, en l’espèce, ne faisaient que rappeler la conception identitaire ouverte qu’a toujours porté le mouvement de libération nationale en Corse, en l’opposant au racisme, idéologie d’importation.
La déclaration de Simeoni est éclairante à ce sujet. Il a affirmé aux musulmansqu’ils avaient leur place en Corse : « vous êtes ici chez vous » et « quand on vous touche c’est aussi à nous que nous touchons ».
Ce n’est pas sur le Continent qu’un Président de Région se comporterait ainsi face à la vandalisation d’une mosquée. Et pour le coup, cela ne fait pas le jeu du Front National, les militants d’extrême droite sont lucides à ce sujet et dénoncent l’attitude gauchiste du Syndicat des Travailleurs Corses majoritaire chez les pompiers. Ce dernier lors d’une conférence de presse a expliqué que les pompiers continueraient d’intervenir dans les quartiers mais sans la police. Là encore, position à l’inverse de celle du Continent où la solution c’est de toujours mettre plus de police.
Qui sont les incendiaires ?
La question est ailleurs : la Corse n’est pas déconnectée du continent, et les proclamations de guerre prononcées tous les jours par le gouvernement et ses alliés de droite ont le même écho qu’ailleurs, peut-être plus à Ajaccio, la ville la moins corse de toutes, soit dit en passant. Les pyromanes des Jardins de l’Empereur ont leur responsabilité dans le feu de palettes et de pneus du 24 décembre et dans l’attaque des pompiers. Les beaufs racistes des manifs des 25 et suivants ont la leur et ils ne méritent que ce qu’ils méritent, en Corse comme partout ailleurs. Mais il n’existe pas de racisme endémique à la Corse, et les vrais incendiaires sont ceux qui poussent à la stigmatisation des quartiers populaires et de leurs habitants immigrés, vite associés aux migrants actuels eux-mêmes désignés comme de potentiels terroristes. Ça fait un joli écran de fumée pour un gouvernement aux abois en raison de ses mesures pétainistes sur l’état d’urgence permanent et la déchéance de la nationalité, qui va tenter de refaire l’unité autour d’un totem républicain devant lequel tout le monde vient danser, de Mélenchon à Philippot. Les gesticulations de Valls et de Cazeneuve autour de l’unité de la République et de la Nation en sont déjà une bonne illustration. Ça permet également aux professionnels de la stigmatisation raciste d’en remettre une couche sur les quartiers populaires tout en s’essuyant les pieds sur l’ensemble des Corses qui, une fois de plus, font un excellent bouc émissaire.