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Daech est-il fasciste ?
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http://www.anti-k.org/2016/01/09/daech-est-il-fasciste/
(Anne Marie Chartier le 5-1-2016)
Résumé sur les étapes de la constitution du djihadisme, et les attentats
Le djihadisme s’est constitué au Moyen Orient. Il y a beaucoup à écrire sur les étapes historiques de cette constitution dans cette partie du monde. Ce n’est pas ici notre objet. La résistance arabe palestinienne en fait partie ; nous la datons à partir de la création d’Israël, mais cette résistance n’empruntait pas, jusqu’au début des années 80, des termes venus de l’islam. C’était une résistance politique largement laïque, se réclamant le plus souvent du socialisme. Il s’agissait selon les résistants d’une lutte révolutionnaire pour reconquérir la Palestine.
C’est avec la résistance afghane à l’URSS en 1979, qu’on voit apparaître les mots tels que les résistants combattants moudjahidines, puis les madrasas, ces écoles coraniques pour enfants défavorisés au Pakistan ou pour les étudiants religieux talibans, et enfin les djihadistes du mot djihad, dont le sens premier n’est pas le conflit armé, mais la résistance, et la lutte spirituelle vers Dieu.
L’Afghanistan, c’est une vieille histoire. Depuis la tentative d’occupation de ce pays par les anglais à la suite de l’Inde en 1837 (1), les pays occidentaux colonialistes ne cesseront de vouloir s’en saisir. Les soviétiques s’y risqueront à leur tour.
Les attentats n’ont jamais cessé depuis la création d’Israël. Qui pouvait imaginer qu’il en eût été autrement ? Y a-t-il un peuple au monde qui aimerait être occupé, spolié, ou détruit, et qui ne riposterait pas ??
Depuis le traité de Lausanne en 1923 qui a préparé la naissance d’ Israël, cela n’a pas cessé en Palestine, puis au Liban à cause des camps de réfugiés, enfin en Europe : attentats, détournements d’avion, bombardements, guerres.
Aurions-nous dû nous attendre à un durcissement des rebellions dans cette région dans la mesure où les pays capitalistes n’ont cessé d’aggraver leurs pressions sur le Moyen Orient, URSS compris ? Oui nous aurions dû, si ce n’était l’arrogance et sans doute la sottise des pays capitalistes.
Depuis le partage de l’Empire Ottoman, ces derniers n’ont cessé d’aspirer à conquérir l’ensemble du Moyen Orient, et plus loin encore, pour le pétrole et les matières premières, entraînant l’URSS à faire la même chose dans le but de sa propre expansion. Toute la région a été emportée par des conflits sans fin nés de cette avidité.
Après avoir armé les résistants afghans contre l’URSS, caressé dans le sens du poil les apprentis talibans dans leur madrasas, crée Al-Qaîda comme cellule de la CIA qu’ils pensaient contrôler, les USA fourniront aux premiers des missiles Stingers , ce qui entraînera en 1989 le départ des soviétiques d’un pays totalement ruiné, destructuré, cassé, jonché de mines.
Les djihadistes prendront leur liberté vis-à-vis des USA, essaimeront dans tout le moyen Orient d’autant que ceux-ci se lanceront dans une guerre meurtrière contre l’Irak en 1991, soit deux ans seulement après le départ des soviétiques de l’Afghanistan. La jonction se fera alors avec les résistants palestiniens.
Al Qaïda partira ensuite à l’assaut des USA dix ans après..
Les occidentaux (ainsi que les djihadistes les appellent), n’ont apparemment jamais eu aucune idée de ce que peut signifier une résistance des peuples, entre autres musulmans, contre la colonisation, qu’elle soit capitaliste, « socialiste » ou sioniste. Ils n’y croyaient pas. Ils l’ont nommée « terrorisme ». Ils ont voulu, et veulent encore tout ignorer de la capacité à s’organiser, contre eux, des peuples très variés mais unis par exemple par la composante musulmane, dans le refus de l’occupation étrangère..
Pourtant ils sont la cause de la naissance de cette résistance et de son développement, et on a le droit de penser qu’on ne pourra jamais éradiquer les mouvements de résistance et le djihadisme, qu’elle qu’en soit la nature, par une violence supérieure, ou alors tout à fait provisoirement. En effet la violence mise en œuvre par l’Occident au Moyen Orient, ou par Israël à Gaza (expérimentation des armes), semble bien consubstantielle au colonialisme occidental et plus précisément à la civilisation capitaliste . Celle-ci a porté le meurtre de masse à la perfection technique, en suggérant aux djihadistes soit les mêmes méthodes soit le retour à des méthodes plus prosaïques, plus spectaculaires dans la cruauté, mais tout aussi efficaces, surtout lorsque s’y ajoute la nouvelle méthode des attentats aveugles où les tueurs s’immolent avec leurs victimes innocentes, au nom formellement d’une vérité supérieure, non plus au nom de la révolution socialiste ou communiste, mais au nom de Dieu.
Selon nous, le tournant religieux dans la résistance au Moyen orient date de 1979. En effet, à cette date, deux faits se produisent en même temps. D’une part la révolte afghane contre les soviétiques, d’autre part la confiscation de la révolution populaire iranienne par les religieux chiites, qui s’en emparent avec succès. Malgré la terrible guerre que les USA et Israël susciteront entre l’Irak et l’Iran, armant l’un et l’autre pays, il n’en demeurera pas moins que, face à l’échec des révoltes palestiniennes, l’Iran représentera la réussite d’une révolution passée sous l’étendard religieux contre l’étendard socialiste et laïc qui avait abouti à l’impasse.
Un livre récent, sur l’histoire du « jihad islamique palestinien » (à Gaza), d’obédience sunnite, souligne comment la révolution iranienne chiite a réorienté tout le mouvement palestinien antisioniste et lui a fait abandonner la plupart de ses références marxistes, sauf la notion de « parti d’avant-garde » (!!), pour unir la résistance politique et l’islam dans le combat à venir (De la théologie à la libération ? Avec la préface d’Olivier Roy. La Découverte 2014), et l’espoir que cela a suscité.
Les djihadistes du Moyen Orient ne cesseront dès lors de tenter de constituer des organisations diverses, en référence avec l’islam, avec des stratégies concurrentes, pour résister à la fois à Israël et aux puissances occidentales occupantes. Mais depuis le début des années 80, les tueurs commencent à se faire sauter avec des ceintures d’explosifs, dans des attentats suicides, au Liban puis en Palestine et dans tout le Moyen Orient.
Il y a un paradoxe entre l’espoir religieux d’une part, et l’attentat suicide d’autre part.
L’attentat suicide ne peut qu’évoquer un désespoir certain, non assuré qu’il est d’aboutir à un résultat positif par cette méthode. Désespoir qui peut également se faire l’écho, dans le cas des palestiniens, d’un désaccord sur le principe même de l’existence d’Israël. Il est à souligner en effet le peu d’indépendance des djihadistes vis-à-vis des Etats qui les financent, lesquels ont flirté ou flirtent avec les Etat occidentaux, et n’ont que des intérêts d’Etat et non des intérêts en vue de la libération des peuples. L’écueil majeur de ces mouvements, c’est finalement cela. Déjà, avant l’effondrement de l’URSS, celle-ci prétendait à tort que la lutte des classes passait entre les Etats du Moyen Orient. Les mouvements de résistance subissaient en conséquence les inconstances et les trahisons des politiques d’Etat. Cela a contribué à rendre peu lisibles l’attitude les chefs de résistance et à les séparer souvent gravement des intérêts des peuples. A terme cela a donné une importance primordiale aux désirs de pouvoir des chefs contre ce qui était nécessaire aux peuples. De ce fait toutes les tactiques de division entre les sunnites et les chiites, savamment orchestrées par les USA, et son promoteur, la GB, ont fort bien marché. De simples divergences sont devenues des motifs de se tuer.
Les stratégies politiques des djihadistes se sont peu à peu séparées de ce que voulaient les peuples, ne donnant à ces derniers aucun organe d’expression démocratique. Elles ont récusé et récusent la démocratie occidentale au motif que l’Occident a détruit le Moyen Orient, entre autre l’Irak en 2003, au nom de cette démocratie. Mais que proposent ces djihadistes dans leur majorité, si ce n’est finalement le modèle dictatoriale de l’Iran ou le modèle de gouvernement de l’Arabie Saoudite ? Ce dernier constituant un Etat policier de type fasciste, ravagé par la corruption, la finance, la marchandisation capitaliste, et caractérisé par ses méthodes barbares de « justice ».
Les attentats suicides pourraient illustrer l’impasse totale qui caractérise cette situation apparemment sans issue.
Evoquons quelques attentats avant d’en venir à la caractérisation possible de Daech.
L’un des premiers attentats en France date de 1982 contre des juifs (2). Puis pèle- mêle en France et ailleurs: L’attentat aux USA de 2001 avec ses plus de 2000 morts ; Casablanca en 2003, 45 morts ; Madrid 2004 , 191 morts; Londres juillet 2005, 90 morts…. Il y a deux ans à Toulouse en France, 7 morts dans un attentat du fait de Merah. Cette année 2015, attentat à Paris contre les journalistes de Charlie et un magasin juif , une vingtaine de morts. En Tunisie, plus d’une vingtaine de morts sur des plages et au Musée Bardo le 25-11. Attentat contre un avion russe le 31-10, 200 morts. En Turquie, avant une marche de l’opposition contre Erdogan en octobre, 100 morts (services de sécurité turc ou Daech ??). Et enfin novembre 2013 à Paris, 130 morts..
Ces attentats font tous le jeu d’un durcissement des mesures sécuritaires en faveur d‘un Etat policier, et contre les libertés individuelles. Ces attentats visent tous la démocratie « occidentale ». Est-ce bien cela qui est voulu ? Il semble que oui. Dès lors les objectifs premiers de la résistance des peuples au Moyen Orient ont été caviardés, dénaturés. Pour se libérer, ces peuples ne peuvent vouloir tuer toute démocratie en Occident. Par contre leurs Etats, les directions qui les représentent, oui, elles peuvent le vouloir.
Qui sont les chefs de Daech, que veulent-ils ? Sont-ils des fascistes ?
Spontanément beaucoup de journalistes, écrivains, organes politiques ont caractérisé Daech de fasciste. Cependant ce qualificatif mérite d’être analysé, justifié ou contredit. En tous cas explicité.
Il est intéressant de recourir à l’entretien que le psychanalyste Roland Gori a accordé au Monde le 2 janvier sur le fascisme, en se référant à Hanna Arendt..
L’essence d’un gouvernement fasciste, c’est la terreur, dit-il. C’est l’effacement de la pitié, de la compassion, et l’éloge de la cruauté. Avec des méthodes d’embrigadement des populations et des exécutants, empruntées à la mafia. Ceci n’est rendu possible, dit-il, que parce que d’une part le déracinement, la précarité sociale, le chômage poussent des individus à se précipiter dans les bras d’un appareil politique qui va se charger de leur capacité de penser, de décider, de vivre. Mais d’autre part, cela est rendu possible parce que l’ordre néolibéral a atomisé, désorienté les individus, en les jetant dans la souffrance et la solitude, et a ainsi supprimé pour l’avenir toute alternative humaniste, progressiste. De ce fait ces derniers peuvent devenir la proie d’une conception « théofasciste » du monde. Il précise que « le déclin des mouvements socialistes et communistes offrent au salafisme politique des opportunités révolutionnaires conservatrices ». Alain Badiou dit à sa façon « Notre mal vient de l’échec historique du communisme.. » (conférence du 23-11-15 « Penser les meurtres de masse du 13 novembre ») et caractérise ces attentats de « nihilisme meurtrier ».
Roland Gari va ajouter que le système technicien et marchand pense et gouverne à notre place. Ce serait la version moderne d’un système qui pense à la place des individus. On peut se demander avec lui si robotisation générale (au nom de la libération de l’homme !) à « l’ère du numérique » participe à cela ?
On objectera à ce raisonnement que le fascisme dans la deuxième guerre mondiale n’était pas d’essence religieuse. Et on peut vouloir distinguer le fascisme du fanatisme religieux. La discussion reste ouverte. L’Allemagne nazie était athée, mais l’Espagne franquiste était catholique, comme le Portugal de salazar, et avait réalisé l’unité entre l’Etat fasciste et l’église.
Qu’en est-il de Daech ?
DAECH ou Etat dit islamique a été constitué d’une part par des éléments venus d’Al Qaïda, puis en rupture stratégique avec cette dernière, d’autre part par des officiers irakiens du Baas dont le corps d’armée a été détruit par les USA, enfin par des frères musulmans et des salafistes des prisons de Assad, mis en liberté et armés par ce dernier afin de pénétrer dans l’opposition syrienne non violente et de la perdre.
Cet ensemble, apparemment hétéroclite, s’est rattaché à la pensée salafiste violente et au penseur syrien Abou Moussad Al-Souri. Celui-ci, en tant que Frère musulman, a écrit « Appel à la résistance islamique globale » (1600 p), en 2004 semble-t-il. Cela n’a pas été traduit. Et c’est bien dommage car on n’en saurait un peu plus sur ce type de pensée. Entre autres on connaîtrait le degré de religiosité d’Al Souri. Ce dernier était un ingénieur en mécanique qui a fui la Syrie au moment de la révolte de Hama d’avril 1982, où les Frères étaient fortement impliqués. Le gouvernement syrien avait alors massacré la population. Al Siri voyagea ensuite beaucoup et fut finalement arrêté par les services pakistanais, remis aux USA puis à la Syrie fin 2005. Il préconisait dans son écrit, un travail de sape en petites cellules disséminées, ce qui va effectivement se produire ; et l’indépendance financière vis-à-vis de l’extérieur.
Abou Bakr al-Baghdadi, qui s’est proclamé Calife, contre la tradition qui préconise l’élection, applique la théorie d’Al Sissi de la prise du pouvoir dans des régions à « libérer », sans dépendre de l’extérieur pour se financer, et y ajoute le retour au califat. Le principe est de se saisir du pétrole pour se financer.
Al- Sissi était également admirateur des talibans et de leur modèle de société. La terreur se justifiait selon lui pour contraindre et soumettre la population.
Ces penseurs djihadistes combattent ce qu’ils estiment être le principe fondateur de l’Occident, à savoir la démocratie, c’est-à-dire, selon eux, le parlementarisme, la séparation des pouvoirs, l’égalité des hommes et des femmes, la laïcité, les droits de l’homme, et toute la culture qui semble, selon eux, aller avec, la musique, la peinture, la danse, le sport…. Ce n’est pas sans rappeler l’idéologie la plus dure de certains maoïstes qui préconisaient la destruction de la culture « bourgeoise ».
Là où leur argumentation fait mouche, c’est lorsque qu’ils disent que c’est au nom de cette démocratie que le Moyen Orient a été dépecé, détruit. Cela leur permet de rejeter tout ce qui vient de l’Occident. C’est ainsi qu’ils s’expriment.
Le rejet de la démocratie, du parlementarisme, est le discours d’extrême droite de la France, par exemple de Maurras, surtout si l’on y ajoute l’antisémitisme qu’on retrouve chez les talibans, affirmé avec virulence. Cependant Maurras était contre Hitler.
Mais il y a en plus l’objectif selon Daech de reconstruire le Califat détruit par les occidentaux, et Ataturk conjointement, dans l’Empire Ottoman après la première guerre mondiale. Pourtant ce califat de l’empire ottoman n’était déjà plus que l’ombre de lui-même, dans un pays bien désagrégé par l’Occident… En fait Daech fait référence à un Califat imaginaire, cher au cœur de certains musulmans. C’est la position que défend l’historien Nabile Mouline. Cette forme de gouvernement ancien, dit-il, « est souvent associée à l’idée d’un âge d’or de l’islam, le paradis perdu de l’unité et de la puissance de la communauté des croyants dont l’organisation annoncerait ainsi le retour. Un messianisme emblématique de la crise qui traverse le monde arabo-musulman » (Entretien avec Cédric BAYLOCQ 30 septembre 2014)
Ce serait en quelque sorte faire référence à une idée « nationaliste musulmane» dans la mesure où, selon les penseurs djihadistes de Daech, qui veulent rallier les musulmans à eux, la seule forme de gouvernement pour les populations du Moyen Orient, et les musulmans en général, ne peut être que le Califat, par opposition à la démocratie occidentale.
On notera que les penseurs djihadistes ne font pas la moindre critique du capitalisme occidental, ils parlent de « l’Occident », et lui attribuent la démocratie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, en ignorant que sa conquête fut le fruit d’un combat populaire. Et ils feignent de croire que les pays occidentaux, conquérants du Moyen Orient, voulaient appliquer la démocratie à ce dernier. C’est inexact. Autant la France que la GB, ces derniers se sont efforcés de n’appliquer que le communautarisme aux pays conquis et n’ont construit aucun Etat démocratique, aucun service public centralisé, capables de transcender les oppositions religieuses. Ils vont d’ailleurs transformer ces dernières en oppositions ethniques.
Ce retour à un messianisme nationaliste (l’âge d’or de l’islam) qui justifie ainsi l’élimination de tout ce qui n’est pas sunnite, en vue de constituer, par la pire des violences, un Etat dépourvu de culture, fait penser à l’image renversé d’un fascisme occidental chrétien, tous deux plus proches d’une culture de mort que d’une conquête raisonnée d’un territoire pour y exercer un pouvoir durable et stable. C’est du moins le discours entendu qui suggère cela.
La violence employée contre les populations chrétiennes et chiites semble être le miroir de la décomposition des sociétés occidentales. En effet l’assassinat ciblé par les drones, avec ses dégâts collatéraux, n’a rien de très différent de la violence de la mise à mort par le sabre. Mise à mort d’ailleurs pratiquée par l’Arabie Saoudite, que la France et les USA aiment tant, le 2 janvier 2016 : 47 condamnés exécutés par le sabre dont un éminent chiite.
Ces penseurs et guerriers djihadistes sont-ils des fascistes ? Ont-ils franchi le seuil entre l’extrême droite et le fascisme, en se rappelant tout de même que Maurras était pour combattre Hitler.
Le pseudo Etat Islamique est-il un Etat fasciste ?
« L’Etat islamique » ou Daech ne naît pas de rien. Il a été précédé par le régime des talibans en Afghanistan de 1996 à 2001 qui se voulait être un Emirat musulman sunnite. Les talibans ont été vaincus mais non détruits, ils ont été refoulés dans les montagnes et remplacés par un Président fantoche et corrompu mis en place par les USA. Les talibans sont en passe aujourd’hui de reconquérir l’Afghanistan à la grande terreur des populations des villes surtout.
Un article de Joseph Dauce dans Mundeo février 2015 dit qu’au maximum il s’agit d’un « Etat » mafieux ». Mafieux ne caractérise pas la situation, à notre avis.
Certains sont tentés de voir dans le Califat, (puisque que Baghdadi s’est auto proclamé Calife) le désir de résurgence d’une nation musulmane spoliée par les pays occidentaux et la SDN en 1923. Cependant l’Empire Ottoman n’était pas une « nation musulmane » enviable ; les arabes voulaient leur indépendance contre les turcs au sein de cet Empire, et ils ont été trahis par les promesses des anglais ; de même le mouvement des « jeunes turcs » voulait une nation contre l’Empire. Ils ont finalement triomphé avec l’aide de l’URSS…Mais la vraie question à partir de 1923, c’est surtout l’indépendance de la Palestine contre la préparation de la naissance future d’Israël, comme gendarme occidental, au sein du Moyen Orient.
Examinons cependant ce que signifie plus précisément le Califat. Il s’agit d’une référence « romantique » à un passé musulman qui est bien accueillie par un certain public musulman. Cette référence est mise en avant aussi bien par Daech que par les talibans.
Le Calife est théoriquement le représentant élu des musulmans. Il est élu au suffrage universel par une assemblée convoquée à la Mosquée, et il peut être démis par cette même assemblée. Dans son principe formel c’est le régime le plus démocratique, mais il suppose que toute la population soit musulmane.
Avant toute décision, le calife doit procéder à la consultation des musulmans. La consultation ou « choura » est un droit reconnu à tout musulman. Mais le Calife a cependant le droit de faire appel à des gens compétents qui peuvent dévier la choura de sa fonction originelle.
Cet âge d’or imaginaire, où politique et religion sont confondues, est généralement situé à l’époque de l’Etat de Médine au VIIIème siècle après JC. Les califats sont en fait postérieurs à Médine. Dans le Califat d’âge d’or, la démocratie doit être théoriquement la plus totale, mais sur la base d’une population totalement croyante, en marginalisant les autres religions.. puisque toutes les affaires de l’Etat se décident à la mosquée. Cet idéal, projeté dans le monde d’aujourd’hui, contient nécessairement l’épuration religieuse ou ethnique contre ceux qui ne croient pas ou croient autre chose.
Les prescriptions du Coran étant supérieures à toute suggestion venue de la choura (car la loi est par essence divine), s’imposent, mais leur interprétation est au centre de toute décision. Cela suggère une homogénéité d’interprétation, donc un glissement possible vers un pouvoir dictatorial, d’autant que « l’unité » des musulmans doit être préservée. Mais dans les temps anciens, les communautés religieuses pouvaient s’entendre entre elles et collaborer. De nombreux exemples en témoignent.
Cependant il n’en demeure pas moins que la démocratie totale, pour le compte d’une seule catégorie de population au sein d’un Etat théocratique, peut côtoyer l’épuration religieuse. Daech justifie aujourd’hui les massacres des chiites, des chrétiens yézidis et autres, au nom du Califat.
Ce modèle formel mirifique, monté en épingle et amplifié par Daech, a pu envahir l’imaginaire de certains penseurs musulmans. Mais il est excluant et pourvoyeur de dictature et de répression..
Daech ne s’adresse qu’à la communauté des sunnites, les chiites ayant été utilisés par les USA contre les premiers (ainsi qu’une partie des sunnites). De plus Baghdadi en se proclamant Calife n’obéit pas aux règles de Médine.
Cette référence à un passé d’âge d’or ne concerne évidemment que les hommes. Tout modèle de société qui se réfère à des sociétés antérieures, dans n’importe quel type d’idéologie, ne peut concerner que les hommes. Par définition un passé d’âge d’or est infiniment réactionnaire.
C’est, sans le dire, l’exaltation des valeurs masculines vues par les hommes et le rejet de l’homosexualité. C’était le cas chez les talibans qui écrasaient sous des murs les homosexuels. C’est le cas de tous les régimes politiques actuels des Etats du Moyen Orient, donc c’est l’exaltation du statu quo.
Cela permet de justifier que la féminité des femmes doit les confiner dans les cuisines et vers la seule maternité. C’est refuser l’égalité hommes/femmes.
Le retour au Califat aujourd’hui, c’est la justification de l’institution du seul pouvoir des hommes.
Il s’ensuit un militarisme violent, la célébration de la guerre, de la tradition, le culte des chefs, des uniformes, l’exaltation de l’ordre, la négation des droits et les libertés fondamentales des individus, la réclusion des femmes… tout cela a un goût de déjà vu, et s’apparente à l’Etat fasciste.
La religion est utilisée comme un outil de manipulation politique. L’État fasciste était déjà politiquement plus habile à cet égard que le communisme. Il a tissé ensemble la religion et l’étatisme dans une seule toile.
Il est important de revenir à la relégation des femmes. Sous les talibans, les femmes étaient exclues du marché de l’emploi. Elles devaient être entièrement couvertes par le vêtement traditionnel, le tchadri, et ne pouvaient quitter leur maison qu’accompagnées de leur mari ou d’un parent proche. (Le tchadri est une sorte de tente plissée et opaque, sur laquelle est découpée une grille brodée à la hauteur des yeux). Elles étaient donc quasiment séquestrées. Mariées de force, battues, sans aucun droit. L’adultère était puni par la lapidation qui ne figure pas dans le Coran mais dans les Hadiths. A ce niveau, les hommes comme les femmes subissaient la lapidation en cas d’adultère.
La seule loi, selon les talibans, venait de la charia, mais interprétée selon les Hadiths, avec des punitions corporelles issues d’une période antérieure à la bible (6ème siècle avant JC)
Cette société est contre toute culture, toute création, toute réflexion, l’individu y est statufié. Selon Wikipedia : « Les cours de sports et d’art furent éliminés des programmes scolaires. Les talibans brûlaient les instruments de musique et les cassettes, frappaient et emprisonnaient les musiciens, interdisaient la danse. La boxe, comme beaucoup d’autres sports, était prohibée. Certains jeux basiques, comme les échecs ou le billard était également prohibés. Chaque jour, la radio des talibans énumérait de nouveaux interdits : peindre en blanc les vitres des maisons pour ne pas voir les femmes à l’intérieur, expéditions punitives pour casser les téléviseurs, magnétoscopes, déchirer les photographies de famille. Les autorités faisaient également vérifier que l’on n’écoutait pas de musique dans les maisons ou au cours des mariages. Les systèmes médicaux et scolaires furent dédoublés en fonction du genre, tout en donnant la priorité aux hommes. Toute représentation humaine était illégale, même pour les poupées des petites filles. Au nom de l’iconoclasme, les talibans dynamitèrent les statues de bouddhas géants de Bamiyan, vieilles de quinze siècles. Ils détruisirent, dans les collections archéologiques du musée national afghan de Kaboul, tout ce qui portait des représentations humaines ou animales et firent des autodafés des 55 000 livres rares de la plus vieille fondation Afghane et détruisirent plusieurs autres bibliothèques publiques et privées ».
C’est une société où la terreur est instituée comme mode de fonctionnement. En outre elle est nécessairement corporatiste, puisque c’est la religion, interprétée par les chefs, qui dirige l’ensemble des relations sociales. Et elle est antisémite.
Mais si elle est anti-occidentale, elle n’est pas anti-capitaliste. Les talibans n’ont pas suggéré de revenir à des productions non productivistes. Les combattants moujahidines afghans ont vaincu les soviétiques grâces aux missiles Stingers des USA. Les djihadistes actuels aiment les armes sophistiquées de l’ennemi et s’y adaptent. Idem pour le matériel informatique et la téléphonie.
Les chefs djihadistes se rêvent comme des capitalistes puissants et riches. De ce point de vue, leur discours religieux n’est finalement qu’un déguisement, comme le recours à des modèles anciens. Il est concrètement à la seule destination des masses populaires soumises à leurs objectifs, et aux exécutants des leurs basses œuvres. Ces chefs ont de qui tenir. Les chefs « révolutionnaires » des pays communistes se sont servis de la théorie marxiste pour conquérir et garder le pouvoir, en instituant partout des régimes despotiques où les chefs avaient tous les privilèges.
La question des attentats suicides pose actuellement problème. L’Instinct de mort y est bien à l’œuvre chez les individus fascinés par ce type de meurtre. Et cela ne concerne pas que de jeunes arabes musulmans entre 20 et 30 ans comme certains le disent. En France, ont appelé à l’aide l’UCLAT (Unité de coordination de la lutte anti -terroriste) 847 familles non musulmanes en 2015 (Le Monde du 30-12-15). Cela touche une génération de jeunes sensibles à aux actes mortifères
En définitive, oui, le comportement comme la philosophie de Daech sont bien d’essence fasciste. Mais il serait urgent de comprendre, qu’à l’instar des talibans, l’Arabie Saoudite est son premier modèle.
Les références socialistes ont totalement disparu des discours, des stratégies, des perspectives de ceux qui disent vouloir la libération des peuples du Moyen Orient. De toute façon les peuples n’ont plus droit à la parole.
Vaincre Daech, c’est redonner un espace à cette parole. Comment ? Qui le fera ? Certainement pas ceux qui ont supprimé cette parole.
Vaincre Daech c’est exiger, au titre d’un minimum de salubrité morale et politique, l’expulsion des relations de la France, de l’Arabie Saoudite.
Le reste relève d’un vain bavardage et du mensonge.
(1)Les afghans très au courant des menées colonialistes de la GB en Inde riposteront à l’agressivité de la GB avec une rare cruauté dès que celle-ci voudra pénétrer en Afghanistan. De là naîtra la théorie raciste anglaise sur la sauvagerie des musulmans (William Johnson : Tom Graham VC, histoire de la guerre afghane. 1900). L’auteur invente que les afghans ont simplement pour but de tuer les hérétiques (et non pas de défendre leur pays) et de les découper en morceaux, pour trouver leur bonheur au paradis.
(2)Rue des Rosiers. Toujours en procédure, avec des demandes d’extradition de palestiniens d’Abou Nidal