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Déchéance de nationalité : «Il faut renoncer», dit Aubry
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Lors de ses vœux à la presse, Martine Aubry a largement sermonné le couple exécutif. Glissant que «l’obstination est mauvaise conseillère» et appelant à l'élaboration d'une «plateforme commune» de la gauche pour 2017
Elle ne s’était exprimée que via une courte déclaration à l’AFP puis sur son compte Twitter. Ce jeudi matin, dans le salon d’honneur de sa mairie de Lille pour ses vœux à la presse, Martine Aubry a rappelé son opposition au projet du gouvernement d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité et de l’étendre aux binationaux nés Français condamnés pour actes de terrorisme. «J’entends dire, c’est un symbole. Un symbole de quoi ? Un symbole, c’est quelque chose qui unit. Quelque chose qui grandit», lance-t-elle. Or, poursuit-elle, cette mesure «divise», «stigmatise» et «porte atteinte à un élément majeur d’égalité devant le droit du sol, qui est un des fondements de la République française». Et ajoute : «Faire des apatrides, ce ne serait pas grave, maintenant ?»
Aubry rappelle ainsi qu’elle a «toujours été contre» et veut même«combattre» cette proposition faite par François Hollande le 16 novembre devant le Congrès, à Versailles, au nom de l’union nationale. «L’obstination est mauvaise conseillère, envoie-t-elle au chef de l’Etat. Il faut aujourd’hui renoncer. Renoncer à ce qui est ni efficace ni opérant. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Premier ministre». L’ex-première secrétaire du PS consacre une longue partie de ses vœux à cette question : «Je ne comprends pas pourquoi on s’égare depuis un mois […] pour courir derrière je-ne-sais-qui» sur ce sujet au lieu «d’expliquer aux Français les mesures de lutte contre le terrorisme».
Carte postale lilloise
Les sondages, qui donnent une majorité de personnes interrogées favorables à la mesure ? «Si vous demandez aux Français s’il faut torturer les terroristes, ils vous diraient oui !» poursuit-elle avant de faire référence à François Mitterrand pour envoyer une dernière carte postale lilloise en conseillant l’Elysée et Matignon de «ne pas gouverner avec les sondages». «C’est la différence entre un homme politique et un homme d’Etat», claque-t-elle.
Aubry avait pourtant eu quelques mots de soutien à l’action du gouvernement. Sur la COP 21, dont elle s’est «réjouie» du résultat. Ou sur la réponse prise par le couple exécutif après les attentats du 13 Novembre : «Ils ont pris les mesures qu’il fallait prendre. L’état d’urgence était la bonne réponse», a-t-elle souligné, avant d’expliquer qu’elle n’avait «pas d’état d’âme sur les perquisitions de nuit» et que les projets de loi à venir pour lutter contre le terrorisme «portent des éléments importants». Elle a tout de même pris soin de préciser que«l’autorité judiciaire devrait intervenir dans le processus. Ce n’est pas encore dans le projet de loi, je crois».
C’était bien le seul moment de ces vœux 2016, au milieu de la présentation des projets pour sa ville, qu’Aubry a épargné ses camarades de la capitale. Quand Manuel Valls met la «sécurité» comme premier facteur de liberté et refuse qu’on puisse «expliquer» les actes terroristes, elle déclare : «Il n’y a pas de libertés sans égalité». L’emploi ? La maire de Lille se félicite de «bonnes nouvelles locales», comme l’installation d’IBM sur la métropole ou des emplois sur le site d’Eurasanté. En revanche, elle demande toujours à Valls de «tirer les conséquences» du fait que les entreprises ont désormais refait leurs marges grâce au «pacte de responsabilité» et au Crédit d’impôt compétitivité emploi. «Faut-il reverser les 15 milliards d’euros sur les 40 milliards qui restent à verser ?» interroge-t-elle, souhaitant qu’on abonde avec cette somme un«fonds de soutien aux collectivités», selon une proposition qu’elle fait depuis des mois. «Je ne renonce pas quand je crois que ce que je dis est juste», appuie-t-elle.
Constat d’alarme
Quant au bilan des élections régionales, si Aubry dit se réjouir d’avoir vu«la gauche en tête au 1er tour et le FN contenu» à Lille – ce qui lui fait dire que «les politiques qu’on mène auprès des Lillois ont un sens» –, elle réclame un peu «d’humilité» aux socialistes parisiens : «Il faut pas croire qu’on a gagné beaucoup de régions, fait-elle remarquer.On a gagné la Bretagne. Les autres, on les a gagnées en triangulaire.» Le constat d’alarme pour la gauche est cinglant :«Aujourd’hui, la France vote à droite ou à l’extrême droite.»
Pour autant, Aubry ne compte pas revenir dans la politique nationale. Si elle participe davantage aux bureaux nationaux du Parti socialiste le lundi soir, elle va rester à Lille et continuer à répéter ce qu’elle pense depuis le début du quinquennat : la politique de Hollande et Valls n’est pas la bonne. La primaire à gauche peut-elle être alors une solution pour éviter «le mur» ? Peu après son intervention au micro, face caméra, les journalistes lui demandent ce qu’elle en pense. «Je préfère m’intéresser aux valeurs et au projet plutôt qu’aux hommes et aux femmes pour les porter», répond la maire de Lille. Manière de dire qu’elle n’y participerait pas. Elle qui a été de celle de 2011 au PS y trouve cependant deux avantages : «Réfléchir ensemble à ce que pourrait être une plateforme commune» de la gauche pour 2017 et «se rassembler»dès le premier tour pour éviter d’avoir le choix au second entre la droite et l’extrême droite. Elle en a fait l’expérience, aux régionales, en Nord-Pas-de-Calais-Picardie.