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A Marseille, « colère rouge » contre les boues rouges
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) « Faut arrêter les conneries maintenant ! » a griffonné un jeune manifestant qui brandit haut sa pancarte au-dessus d’une foule d’un millier de personnes venues, samedi 30 janvier, dire leur colère contre la poursuite du déversement en Méditerranée d’effluents industriels par l’usine d’alumine Alteo à Gardanne (Bouches-du-Rhône). Les organisateurs – un collectif d’associations – ont choisi d’exprimer cette« colère rouge » devant la préfecture à Marseille.
En ligne de mire : l’arrêté signé le 28 décembre par le préfet des Bouches-du-Rhône, Stéphane Bouillon, autorisant Alteo à rejeter dans le canyon de Cassidaigne, une fosse marine à sept kilomètres des côtes du Parc national des Calanques, jusqu’à 270 mètres cube d’effluents liquides par heure. Et acceptant, pour une durée de six ans, le dépassement des valeurs limite d’émission fixées par des normes européennes concernant six polluants, principalement des métaux lourds, tels l’arsenic (11kg par jour), le fer (87 kg/jour), l’aluminium à raison de 2880 tonnes par an.
L’usine Alteo fabrique depuis des décennies de l’alumine à partir de la bauxite et disposait d’une autorisation de rejet en mer de ses résidus de fabrication, les « boues rouges », jusqu’au 31 décembre 2015, rejets transportés via une canalisation longue de 47 kilomètres souterrains et 7 kilomètres sous-marins reliant Gardanne au canyon de Cassidaigne. Depuis 1996, ce sont vingt millions de tonnes de boues rouges qui ont tapissé ainsi les fonds marins sur 2 400 km², bien au-delà du point de rejet et s’étendant vers le Var à la faveur de courants marins.
La veille de la manifestation marseillaise, Alteo, contrôlé par le fond d’investissement américain HIG Capital a, dans un communiqué, « déploré la campagne de désinformation car il n’y a plus de rejet de boues rouges en mer depuis le 1er janvier ». Entré totalement en service en novembre, « le nouveau procédé d’exploitation aboutit à la réduction du flux de métaux rejeté de plus de 99% et constitue en cela une amélioration environnementale et industrielle majeure », indique Alteo. Depuis 2007, l’exploitant a transformé ses boues en « bauxaline » un produit de remblai. Mais pour les manifestants, ce rejet désormais aqueux demeure inacceptable.« On ne veut plus d’effluents liquides. L’exploitant avait trente ans pour trouver des moyens alternatifs », a déploré la députée européenne Michèle Rivasi, vêtue d’une veste rouge comme beaucoup de manifestants.
Les opposants comptent sur Ségolène Royal
Les opposants comptent sur la ministre de l’environnement qui désapprouve cette nouvelle autorisation. « L’ordre est venu du Premier ministre au préfet, direct », avait déclaré Ségolène Royal. A Marseille, juché sur un camion transformé en tribune, l’eurodéputé EELV José Bové a ainsi vilipendé « une décision illégale ».« Monsieur Valls est hors la loi, il fait des choses contre la logique de la Constitution. Au moment où il veut changer la Constitution, il ne respecte pas celle qui existe déjà ». Selon lui, le premier ministre n’était pas habilité à prendre une telle décision qui relève uniquement de la ministre de tutelle. D’où l’apostrophe de José Bové : « Ségolène, tu as les moyens d’agir, tu peux faire en sorte qu’on arrête de polluer les calanques ».
Les manifestants ont dénoncé les effets désastreux de ces rejets. « Les Calanques sont le seul parc national au monde discrédité par un permis de polluer et de tuer la flore et la faune marine », a expliqué le Pr Henry Augier qui préside Union Calanques Littoral. Selon ce scientifique universitaire, « il existe pourtant des techniques de dépollution à 100% ». Les pêcheurs ont exprimé leur colère à l’image de Gérard Carradano, patron pêcheur à La Ciotat. « On nous parle des 440 emplois de l’usine de Gardanne mais qui parle du nombre des pêcheurs qui n’a cessé de régresser? La bouillabaisse, c’est une spécialité marseillaise et on n’a pas besoin de la rouille d’Alteo, on sait la faire », s’est-il amusé.
Le tribunal administratif de Marseille examinera le 23 février une requête en référé suspension contre l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône, à la demande de plusieurs associations. « Alteo a joué la politique du fait accompli, a déclaré leur avocat Me Benoît Candon. En ne déposant une demande de renouvellement de l’autorisation de rejet qu’en 2014, l’exploitant savait que, techniquement, il n’était pas possible de mettre en œuvre un traitement sans rejet pour le 31 décembre 2015. Mais de là à lui accorder six ans pour atteindre les seuils réglementaires pour certains polluants, le préfet aurait pu retenir un délai beaucoup plus court. »