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Etat d’urgence : l’article 1 voté par une Assemblée aux trois quarts vide
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’Assemblée nationale a voté lundi soir l’article 1er du projet de révision constitutionnelle visant à inscrire dans la loi fondamentale le régime de l’état d’urgence, disposition contestée par certains écologistes et le Front de gauche, comme par certains députés de droite.
Un camouflet démocratique sur l’article 1 et un gros effet de loupe sur l’article 2. L’Assemblée a adopté lundi soir l’article 1 de la révision constitutionnelle sur l’état d’urgence en l’absence des trois quarts des députés: la mesure a été votée sur le coup de 22h15 par 103 voix pour (dont 96 socialistes) et 26 voix contre. Seuls dix députés Les Républicains étaient en séance lors du vote. Les élus Front national avaient carrément déserté l’hémicycle. Au total, après sept semaines de polémique par médias interposés, d’interrogations sur les valeurs de la France et, dans une moindre mesure, la sécurité du pays, 441 députés ont donc choisi de ne pas choisir. Huit députés PS se sont opposés à l’article 1, venus des rangs des frondeurs, dont l’ancien ministre Benoît Hamon. Le groupe écologiste a voté majoritairement contre, à l’exception de Denis Baupin, Barbara Pompili et François de Rugy.
Les députés ont adopté plusieurs précisions, comme la limitation de l’état d’urgence à quatre mois renouvelable contre trois actuellement, proposée le président du groupe UDI, Jean-Christophe Lagarde. Mais l’idée d’instaurer un avis du Conseil constitutionnel avant toute prolongation de l’état d’urgence que souhaitait une brochette de socialistes a été rejetée. Pareil pour plusieurs tentatives, notamment de l’écologiste Cécile Duflot, posant des «bornes et des limites» à l’état d’urgence. La proposition de supprimer l’article 16 de la Constitution, instaurant l’état de siège, a aussi fait long feu: 95 voix contre.
Un amendement PS interdisant toute dissolution de l’Assemblée pendant l’état d’urgence a pourtant été adopté à la surprise du gouvernement. Supposés partisans du parlementarisme, les socialistes bétonnent tous seuls le versant présidentiel de la Ve République. Ce qui hérisse la droite et, partant, fragilise encore plus la révision constitutionnelle. «La perspective des 3/5e s’éloigne», menace le sarkozyste Guillaume Larrivé, pris au dépourvu qui finit par s’abstenir sur l’article 1, comme Eric Ciotti et Georges Fenech. Sentant le danger devant la colère de la droite, Manuel Valls estime finalement qu’il faudra «probablement» revenir sur cet amendement qui «ouvre beaucoup d’autres problèmatiques». Ce qui augmente le sentiment d’un deal permanent entre l’opposition et l’exécutif pour sauver et le texte et sa mise. «On touche à l’équilibre de nos institutions au nom d’une prétendue défense des libertés, c’est grave», insiste Pierre Lellouche (LR).
Les tripes contres la déchéance
L’article 1 adopté calmement, l’Assemblée reprend des couleurs et de la voix en abordant le débat sur la déchéance de nationalité. Pendant près de trois heures, des députés de tous bords enquillent les réquisitoires contre la mesure qui polarise le débat politique national depuis fin décembre. Certes les partisans de la déchéance se sont épargnés la discussion nocturne et devraient être de retour en masse dans l’hémicycle mardi après-midi pour la guerre de tranchées sur les amendements. Mais, la succession des orateurs sortant leurs tripes contre la déchéance confirme que la partie est vraiment très loin d’être gagnée pour François Hollande.
Comme lors du débat sur le mariage pour tous, l’histoire très personnelle des députés ressurgit dans l’hémicycle. Pour expliquer son rejet de la déchéance, Sébastien Pietrasanta rappelle que sa famille, juive, ayant fui l’Egypte, a été apatride. En larmes, le centriste Charles de Courson convoque, lui, la mémoire de son grand-père ayant refusé les pleins pouvoirs à Pétain mort en déportation et de son père résistant pour expliquer qu’il… votera la déchéance.
Les opposants défilent au micro, pour dénoncer une mesure qui porte«les habits juridiques d’une absurdité philosophique», selon Charles Piron (UDI), un «épouvantail inefficace» dixit Kheira Bouziane-Laroussi (PS). «Quand nous avons nous même enfanté les monstres, comment fuir nos responsabilités», demande avec justesse et émotion Hélène Geoffroy, la maire socialiste de Vaulx-en-Velin. Bref, certifie Nathalie Kosciusko-Morizet d’une voix sépulcrale passé minuit trente, «plus personne ne soutient la mesure. Plus personne». «Cette révision devait signer une victoire politique pour le président de la République, c’est devenu un calvaire pour ceux qui la portent», ajoute la député LR, revenue dans l’hémicycle juste à temps pour l’article 2 sans passer par la case article 1.
Sur les bancs du gouvernement, Manuel Valls passe la soirée quasiment impassible, les mains sur les genoux ou sur un gros bouquin. Ni le Premier ministre ni les trois autres membres du gouvernement (Jean-Jacques Urvoas, Bernard Cazeneuve et Jean-Marie Le Guen) présents ne prennent la parole sur l’article 2, laissant défiler quelque 70 orateurs. En matière constitutionnelle, les députés débattent en séance publique du texte du gouvernement et non de celui qui a été amendé en commission des Lois après une série de revirements au sommet. En l’espèce, cela oblige le gouvernement à repartir quasiment à zéro mardi pour faire formellement voter le compromis qu’il a trouvé avec sa majorité - on ne vise pas les binationaux - dans un hémicycle où la droite - qui ne veut viser que les binationaux - promet de ne lui faire aucun cadeau.