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USA : tribunaux militaires et assassinats

États-Unis

Lien publiée le 12 mars 2012

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.wsws.org/francais/News/2012/mar2012/trib-m11.shtml

Le procureur général américain, Eric Holder, a, dans un discours prononcé lundi à l'université Northwestern de Chicago spécialisée en droit, dépeint une image effroyable de l'avenir des Etats-Unis tel que le gouvernement Obama l'envisage où les tribunaux militaires et les assassinats extrajudiciaires sont des éléments permanents codifiés du paysage judiciaire américain.

Le discours de Holder contenait l'affirmation radicale de pouvoirs présidentiels quasi dictatoriaux, y compris le pouvoir du président de signer secrètement des condamnations à mort à l'encontre de quiconque, y compris de citoyens américains, sans autre forme de contrôle judiciaire. Holder a aussi défendu le pouvoir du président d'ordonner l'enlèvement et l'emprisonnement de quiconque, partout dans le monde, et de juger cette personne devant un tribunal militaire.

Ce discours était une réaction visant à pousser le gouvernement à fournir une motivation juridique aux meurtres de l'automne dernier de trois citoyens américains tués par les frappes de missiles émanant d'un drone américain au Yémen. Le 30 septembre dernier, le gouvernement Obama avait assassiné un citoyen américain, dirigeant présumé d'al Qaïda, Anwar al-Awlali, au Yémen après l'avoir inscrit sur une « liste secrète de personnes à assassiner ». (Voir : « The legal implications of the al-Awlaki assassination. ») Parmi d'autres citoyens américains tués par des frappes de missiles figurent Samir Kahn et Abdulrahman al-Awlakim, le fils d'Anwar al-Awlaki âgé de 16 ans.

L'establishment politique et médiatique a réagi au discours d'Holder avec une indifférence totale. Les articles concernant le discours ont été relégués aux pages intérieures du New York Times, du Wall Street Journal et du Washington Post et aucun des journaux télévisés ne l'a commenté. Aucun politicien ou personnalité publique, républicain ou démocrate, n'est montée au créneau pour dénoncer le discours et aucun journaliste n'a posé de question là-dessus mardi lors de la première conférence de presse d'Obama depuis le début de l'année.

Cette réaction confirme l'absence de tout engagement, au sein de la classe dirigeante américaine, en faveur des droits démocratiques fondamentaux.

Dans son discours, Holder a fait l'éloge des tribunaux militaires de Guantánamo Bay, en les donnant en exemple. « J'ai confiance dans le cadre et la promesse de nos commissions militaires, » a-t-il proclamé.

Sur la question de l'assassinat, Holder a déclaré que « notre gouvernement a le droit clair de défendre les Etats-Unis par la force létale. » Il a affirmé à maintes reprises que le président n'a besoin d'aucune « approbation légale » pour exercer ce pouvoir.

En plaidant en faveur de la constitutionnalité de l'assassinat, Holder a fait une différence entre « la procédure légale régulière » et « le processus juridique. » « La Constitution garantit la procédure légale régulière, pas le processus juridique, » a-t-il dit. Cette formule est stupéfiante dans ses implications.

La proclamation des Droits (Bill of Rights) - les dix premiers amendements de la Constitution américaine, tous ratifiés en 1791 - renferment de nombreuses garanties du processus juridique : le droit d'être jugé promptement et publiquement, le droit au jugement par un jury impartial, le droit d'être assisté d'un conseil pour sa défense, le droit d'exclure toutes preuves obtenues sous la torture ou par d'autres moyens illégaux, le droit de faire face à son accusateur et le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inhabituels, entre autres.

La garantie du Cinquième amendement de procédure légale régulière même - « Nul. ne sera privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière » - est la pierre angulaire du système constitutionnel américain tel qu'il existe depuis des siècles. De prime abord, il interdit clairement l'assassinat extrajudiciaire.

La procédure légale régulière qui remonte à la Grande Charte (Magna Carta) est un droit duquel dépendent d'autres libertés civiques. La distinction que fait Holder entre la procédure légale régulière et le processus juridique est une tentative de formuler un raisonnement pour priver la population de ses droits démocratiques. L'implication est que l'Etat peut interpeller les gens et les détenir indéfiniment sans procès ou les tuer sans violer le principe de la procédure légale régulière. La mise en place d'un Etat policier selon cette doctrine serait compatible avec la Constitution.

La principale justification de Holder pour tout cela est la soi-disant « guerre contre le terrorisme ». « Nous sommes une nation en guerre, » a-t-il déclaré. Les Etats-Unis traversent « une période à haut risque. »

La « guerre contre le terrorisme » est une fausse guerre. C'est un moyen politique, juridique et de propagande pour justifier une vaste extension du militarisme et un assaut frontal contre les droits démocratiques. Cette guerre n'ayant jamais été déclarée par le Congrès, elle n'a pas d'objectif défini ni de fin. C'est un moyen pour justifier un siège permanent contre les droits démocratiques fondamentaux au nom de la « sécurité nationale. »

Les arguments pseudo-juridiques en faveur de tribunaux militaires et d'assassinats ont une similitude plus que passagère avec la jurisprudence nazie. Sous les doctrines juridiques adoptées par le juriste nazi Carl Schmitt, dont les idées jouissent d'un intérêt et d'une influence grandissants dans le monde universitaire américain, la sécurité nationale et l'urgence militaire peuvent justifier un « état d'urgence » en vertu duquel les droits démocratiques fondamentaux peuvent être abrogés, l'Etat de droit suspendu et le pouvoir exécutif être doté de pouvoirs exceptionnels.

De la même façon, la « guerre contre le terrorisme » a été utilisée pour justifier l'attaque grandissante contre des protections légales vieilles de plusieurs siècles. La décennie passée a connu l'assassinat, la torture, la pratique de la restitution, la détention sans procès, les tribunaux militaires, la surveillance et le contrôle de la population, les secrets d'Etat, les perquisitions et les fouilles approfondies sans mandat, la militarisation de la police, les attaques contre la liberté d'expression, la répression contre les groupes anti-guerre, l'expansion des opérations menées par les services secrets, les attaques contre les immigrants et le non-respect total du droit international.

L'assaut contre les droits démocratiques qui avait commencé après le 11 septembre 2001 s'est poursuivi durant trois élections législatives et deux élections présidentielles, indépendamment de qui était élu, démocrates ou républicains. Ceci prouve que l'effondrement de la démocratie américaine est enraciné dans des processus sociaux et historiques profonds et objectifs.

C'est fondamentalement la conséquence de la crise du capitalisme mondial, qui est au centre de la décrépitude du capitalisme américain. Le déclin prolongé de la position de l'économie mondiale des Etats-Unis s'exprime, au niveau interne, dans la décrépitude de l'infrastructure industrielle et sociale, dans l'augmentation du parasitisme financier et de l'inégalité sociale, dans le déclin des conditions de vie de la classe ouvrière - le tout ayant été accéléré par l'effondrement systémique que le krach de Wall Street a instauré en septembre 2008.

Le déclenchement de l'opposition populaire de par le monde - du soulèvement révolutionnaire en Egypte aux grèves et aux protestations en Grèce et dans une série d'autres pays, aux protestations de masse survenues l'année dernière dans le Wisconsin ainsi que le mouvement Occupy Wall Street - a convaincu la classe dirigeante qu'elle ne sera pas en mesure d'imposer l'appauvrissement de la classe ouvrière dans le cadre de ses formes traditionnelles de gouvernement. Elle doit s'orienter vers la dictature et la répression de masse. La véritable cible des tribunaux militaires permanents et des condamnations à mort défendus par Holder n'est pas al Qaïda mais la classe ouvrière américaine.

Le fait que ces mesures d'Etat policier soient étendues et institutionnalisées par le gouvernement Obama et le Parti démocrate souligne le fait que la défense des droits démocratiques requiert une rupture avec le système bipartite et la construction d'un mouvement socialiste indépendant, de masse, de la classe ouvrière.