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On ne décide pas d’être caissière, on le devient par obligation

Lien publiée le 17 mars 2016

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« Galilée a déclaré que la terre était ronde au seizième siècle. 
Du haut de mes 24 ans et de mon mètre soixante je rajouterai que le monde ne tourne pas rond. »

Je m’appelle Laura. Je suis née le 13 février 1992 avec une Cuillère en or dans la bouche et je n’ai pas peur de le dire. Mon enfance a été heureuse et j’ai toujours été bien entourée. En 2010 j’ai obtenu mon baccalauréat scientifique avec une moyenne passable. Je me suis révélé plus tard assez brillante pour les études et je me suis découverte une passion réelle pour la biochimie. J’ai donc continué mon p´ti bout de chemin et en juillet 2015 j’ai reçu le fameux bout de papier pour lequel j’ai connu tant de galère : un diplôme de Master en biochimie délivré par l’université de Lyon 1. A 23 ans me voilà donc titulaire d’un sacré diplôme et je n’en suis pas peu fière.

Pour des raisons personnelles je décide de m’installer à Paris et de chercher du travail dans mon domaine. Mais la vie étant ce qu’elle est, être une jeune diplômée en France avec la conjoncture actuelle ce n’est pas très facile. Je décide alors en août 2015 de prendre un travail alimentaire à côté de chez moi afin de pouvoir subvenir à mes besoins quotidiens sans demander à papa maman. J’ai donc ainsi débuté ma carrière de caissière au sein d’un magasin de l’enseigne Leclerc dans le 93.

J’y ai découvert un autre milieu, la grande distribution et tout ce qui va avec : les clients qui te considèrent comme une sous merde et le manque de soutien évident et constant des chefs. Mais j’y ai également découvert des personnes : mes collègues caissières à Leclerc depuis des années, des mois ou des semaines, venant de différents milieux et avec qui l’entraide est de rigueur pour tenir. Chaque cas est particulier mais ce qui ressort c’est le besoin d’argent pour pouvoir faire en sorte que les enfants puissent manger à leur faim chaque jour. On ne décide pas d’être caissière, on le devient par obligation. Avec un smic quand on est mère célibataire, qu’on finit le travail à 21h et qu’il nous reste 1h de trajet en RER pour rentrer embrasser son gosse. Les jours se ressemblent et on compte chaque centime, la misère est toujours là. Aucune évolution, aucune solution, aucune aide. Cela fait maintenant 6 mois que je côtoie ces personnes fières et dignes qui affichent un sourire malgré toute cette merde jour après jour. J’ai vu plusieurs de ces filles se faire virer de façon déplorable pour des mauvaises raisons. Je suis rentrée le soir le cœur lourd pour elles qui se retrouvent sans emploi du jour au lendemain à cause d’une pauvre erreur de caisse ou d’une simple altercation avec un client irrespectueux car elles étaient fatiguées de cette routine. Et qui se privent Pour que leurs enfants aient une bonne éducation et dont le cœur se brise quand le ventre de leur enfant gargouille car il a faim et que le frigo est vide. J’ai également vu de nouvelles filles arriver et puis repartir...

Je n’ai tenu que 6 mois car moi j’ai la chance d’avoir fait des études et de pouvoir manger à ma faim grâce à papa maman. Après m’être renseigné auprès de l’inspection du travail j’apprends que j’ai des droits au chômage et que je peux me permettre de demander un licenciement a l’amiable afin d’avoir du temps pour me consacrer à ma recherche d’emploi en biochimie, tout en m’assurant une rentrée d’argent minime pour payer mon loyer. Parce qu’avec un parcours universitaire sans retard, à 23 ans en tant que jeune diplômée d’une université française, je n’ai aucune aide de l’état (malgré les multiples boulots étudiants que j’ai enchaînés durant ces cinq ans d’études). Par conséquent, le 22 février j’ai envoyé une demande de rupture conventionnelle. Nous sommes aujourd’hui le 14 mars et j’ai reçu la réponse que j’attendais tant : "nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas disposés à donner une suite favorable à votre demande. Nous restons a votre disposition pour toute information complémentaire". Ni une ni deux je m’en vais demander des explication chez mes patrons à Leclerc. Ils m’expliquent que la raison du refus de ma demande de rupture conventionnelle est que, petit un, ça ne fait que six mois que je travaille pour eux et, petit deux, je suis responsable d’une erreur de caisse de 20 euros au mois de janvier. Incompréhensible : j’ai vu une fille caissière depuis 1 an du même âge que moi avec un enfant de 6 ans à sa charge se faire licencier sur le champs car il manquait 200 euros a sa caisse et moi qui ne demande qu’à partir on me refuse le licenciement car j’ai fait 20 euros d’erreur le mois dernier !

Je ne démissionnerai pas. Je trouverai le moyen de me faire entendre et de LEUR faire entendre raison. Trop de gens se taisent. Ces filles-là vous n’en entendrez jamais parlé : elles ont besoin, de façon vitale, de leur smic à la fin du mois. Moi non. Je crierai haut et fort ce qu’elles ont sûrement pensé tout bas. Et je veux qu’on m’entende !! Je ne vous parle pas d’un cas isolé parmi tant d’autre, cette situation, des milliers de gens la vivent à l’heure actuelle et si nous ne faisons rien, demain ce seront nos enfants qui la vivront.

Ça ne fait que commencer, tant qu’il y aura des gens pour m’écouter, je crierai plus fort que ces grands patrons qui se croient surpuissants et qui favorisent les chiffres avant l’Humain.