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Des nouvelles de la mobilisation à l’université de Rouen
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Pas de police à l'université
Le mardi 15 mars s’est tenue à l’université, sur le campus de Mont-Saint-Aignan, une assemblée générale qui a réuni une centaine d’étudiant.e.s et une dizaine d’enseignant.e.s-chercheur.e.s, ainsi qu’un inspecteur du travail et des collègues du secondaire venus contribuer à éclairer le projet de loi dite « travail ». Par un vote majoritaire, cette assemblée a décidé l’occupation de l’amphithéâtre Axelrad pour en faire un lieu d’information, de discussion, de projections de films liés au travail et à la précarité, et d’élaborations collectives.
Or, le soir même, les forces de police sont intervenues à la demande de monsieur le président de l’université, Cafer Özkul, présent lors de l’évacuation policière des lieux. Celle-ci s’est déroulée sans violence ni interpellations. Il n’empêche : ce recours à la police est contraire à la tradition des franchises universitaires.
Nous tenons à exprimer notre opposition à toute intervention policière à l’université contre des initiatives décidées en assemblée générale au cœur d’une mobilisation qui nous concerne toutes et tous. Nous soulignons également la légitimité, pour les étudiant.e.s et personnels mobilisé.e.s, à disposer d’un lieu comme l’amphithéâtre Axelrad, et nous demandons à monsieur le président de l’université d’en garantir l’accès, dans le respect de l’intégrité et de la propreté de ce lieu. Au sein d’un mouvement massif d’opposition au projet de loi « travail », de tels espaces de débats sont nécessaires et correspondent aussi à l’esprit de formation critique qui nous anime comme enseignant.e.s.
Ludivine Bantigny (histoire), Anna Bellavitis (histoire), Anne Boissel (psychologie), Yannick Bosc (histoire), Raphaëlle Brangier (ingénieure de recherche), Corinne Castela (didactique), Jean-Marc Champarnaud (informatique), Déborah Cohen (histoire), Sophie Devineau (sociologie), Violaine Girard (sociologie), Stéphanie Grisel (bureau d’aide à l’insertion professionnelle), Olivier Guibé (mathématiques), Maryvonne Holzem (langues et communication), Eric Laugerotte (informatique), Elise Lemercier (sociologie), Michalis Lianos (sociologie), Enora Le Quéré (histoire), Yannick Marec (histoire), Ludovic Mignot (informatique), Nicolas Monteix (histoire), Dan Muresan (histoire), Catherine Peyrard (sociologie), Catherine Vigier (études anglophones), Michèle Virol (histoire), Bruno Vivicorsi (psychologie), ainsi que la CGT-université de Rouen
Entrevue avec le président de l'université de Rouen
Nous avons été reçus pendant environ trois quarts d’heure par le président de l’université Cafer Özkul. Comme nous lui avions évidemment envoyé le texte au préalable, il connaissait ses attendus et les deux points de notre « mandat » : pas de police à l’université, légitimité d’ouvrir l’amphi Axelrad comme lieu de la mobilisation.
Nous lui avons fait part de notre protestation à l’égard de l’intervention policière qui a eu lieu mardi soir et de la présence de plusieurs camions de police sur le parking du campus jeudi matin. M. Özkul a répondu qu’il assumait pleinement ce recours à la police, pour des raisons de sécurité et de « prévention ». Sur ce point, notre désaccord était total. Nous avons également souligné la dimension très sécuritaire que revêt la situation, avec la présence d’une équipe nombreuse de vigiles. Le président a reconnu que cette présence est regrettable et qu’elle coûte beaucoup d’argent à l’université.
Nous avons insisté sur le fait que la tension baisserait considérablement si l’amphi Axelrad était considéré comme ouvert à la mobilisation et l’occupation reconnue. Cela permettrait des débats, des enseignements alternatifs, des projections et des élaborations communes. M. Özkul a admis la légitimité et l’intérêt d’un tel lieu.
A l’issue de l’entretien, le président s’est engagé sur deux points :
• reconnaissance de l’occupation de l’amphi Axelrad de 8H à 20H chaque jour de la semaine
• dans ce cadre, pas d’intervention policière.
Il a également indiqué qu’en cas d’occupation au-delà de 20H, il appellerait la police et demanderait des interpellations.
Nous sortons renforcés dans la conviction qu’il faut amplifier la mobilisation, organiser des assemblées générales, proposer des initiatives donnant vie au mouvement en cours. Les étudiant.e.s mobilisé.e.s semblent déterminé.e.s à faire de la semaine qui vient un moment dynamique d’information et de débats. Membres du personnel, nous pouvons pleinement contribuer à cette dynamique, non pas seulement pour soutenir les étudiant.e.s, mais aussi parce que leur mouvement est le nôtre.
Bien solidairement,
Ludivine Bantigny, Déborah Cohen, Bruno Vivicorsi
Addendum sur le communiqué de la FSU 76
Dans le prolongement du compte-rendu envoyé précédemment, nous tenions aussi à faire part de notre étonnement, pour le moins, devant le communiqué de la FSU76 (ci-dessous). Lors de la manifestation jeudi matin, nous avions évoqué l’importance que les syndicats fassent part publiquement de leur protestation contre l’intervention policière de mardi. De ce point de vue, nous saluons la condamnation de cette intervention dans le communiqué publié jeudi soir.
Mais ce texte se désolidarise d’une initiative votée en assemblée générale par une centaine d’étudiant.e.s et d’enseignant.e.s, se désolidarise aussi d’une démarche constructive à laquelle nous (26 collègues dont des syndiqué.e.s FSU ainsi que la section CGT de l’université) avions proposé à tous de s’associer. C’est regrettable, surtout dans une situation aussi tendue, aux niveaux local et national, qui devrait être bien davantage à la solidarité et à l’action commune. Si des débats sont indispensables bien sûr quant à la pertinence de telle ou telle action, le mieux serait qu’ils aient lieu en assemblées générales, ouvertes à tous, et entre nous, plutôt que dans un communiqué officiel qui vient directement contrer la démarche de négociation avec la présidence.
Sur le fond, l’argument selon lequel l’occupation de l’amphi Axelrad couperait la mobilisation de « la majorité des étudiants » nous paraît tout à la fois faux et problématique dans ce contexte. Si la « majorité des étudiants » à Rouen - à la différence de nombreuses universités – n’est pas mobilisée, ce n’est certainement pas parce qu’un amphi est occupé pour faire vivre cette mobilisation, avec des étudiant.e.s qui y mettent beaucoup d’énergie tout en étant peu soutenu.e.s. C’est avant tout parce que les cours ont lieu comme si de rien n’était, parce qu’il y a très peu d’informations sur le mouvement, parce que les membres du personnel sont très peu nombreux à se rendre aux assemblées générales où pourtant les étudiant.e.s les accueilleraient avec grand intérêt, parce qu’aucune assemblée de personnel n’a été convoquée. C’est une responsabilité des organisations syndicales, mais aussi notre responsabilité à toutes et tous, que nous reconnaissons comme telle. Il est temps encore, heureusement, d’inverser cette tendance, dans la perspective du 24 mars et de la grève du 31.
Nous restons convaincu.e.s que l’occupation d’un amphi, et dès lors sa transformation en un espace de débats et de mobilisation, ouvert et accueillant, couplé à une information sur les parvis, dans les halls et dans les cours, constitue un point d’appui important pour faire vivre le mouvement. Et nous reconnaissons en outre sa pleine légitimité en tant que décision d’assemblée.
Bien solidairement
Ludivine Bantigny et Déborah Cohen
[Texte du communiqué] La FSU76 dénonce l'intervention des forces de police à l'appel du président de l'université mardi 15 mars pour déloger les étudiant-e-s qui occupaient l'amphi Axelrad de l'université de Rouen.
Par ailleurs, la FSU76 appelle à l'amplification de la mobilisation des lycéen-e-s et des étudiant-e-s, ainsi que des salarié-e-s pour le retrait de la loi El Khomri.
Cette mobilisation doit pouvoir se construire sur la base d'AG massives et représentatives qui ne se fixent pas pour seul objectif celui de l'occupation d'un lieu qui se coupe de la majorité des étudiant-e-s.