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Gouvernement espagnol introuvable après cent jours de blocage politique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les discussions se poursuivent en Espagne, mais les chances de voir émerger un nouveau gouvernement sont minces. Le 2 mai, si aucune nouvelle majorité n'est formée, il faudra revoter le 26 juin. Mais ces nouvelles élections pourraient ne pas résoudre la complexe équation politique espagnole.
Cent jours ! Voici cent jours ce mardi 29 mars que les Espagnols se sont rendus aux urnes pour renouveler les Cortes, leur parlement, et que le pays n'a toujours pas de nouveau gouvernement. L'exécutif en place avant le scrutin, dirigé par Mariano Rajoy, continue certes de gouverner - on dit qu'il est « en fonction » - mais il ne dispose pas de majorité parlementaire. Il se contente donc de gérer les affaires courantes.
Le difficile apprentissage de la fin du bipartisme
L'échec de Pedro Sánchez, le secrétaire général du parti socialiste (PSOE), les 2 et 4 mars dernier, à former une majorité, semble avoir enterré toute possibilité d'un accord de gouvernement avant le 2 mai prochain. Or, à cette date, sans gouvernement, les Cortes seront automatiquement dissous. On se dirigera donc vers de nouvelles élections qui devraient se tenir le 26 juin. Mais il n'est pas sûr que ce nouveau scrutin permette de résoudre davantage la nouvelle équation politique d'une Espagne qui est définitivement sortie du bipartisme.
Certes, officiellement, les négociations se poursuivent. Ce mercredi 30 mars, Pedro Sánchez rencontrera Pablo Iglesias, le leader de Podemos, le parti de gauche radicale, pour tenter une dernière fois de le convaincre de soutenir sa candidature au poste de président du gouvernement. Mais si tout le monde se dit ouvert et prêt à trouver des compromis, la réalité politique rend un accord peu probable.
Le PSOE et Ciudadanos liés
Depuis la fin du mois de février, Pedro Sánchez fonde son action politique sur une alliance assez étroite avec le parti libéral Ciudadanos (« Citoyens ») d'Albert Rivera. Cette alliance a été sanctionnée par un « programme commun » qui devrait être « amélioré » dans les jours à venir. PSOE et Ciudadanos sont donc désormais étroitement liés. Pour Pedro Sánchez, cette coalition a plusieurs avantages : elle permet de « rassurer » les éléments les plus modérés du PSOE autour d'un programme « centriste » tout en pouvant se prévaloir d'une volonté de « régénération » de la vie politique et de rupture avec le gouvernement Rajoy. Le problème : c'est que cette alliance ne dispose que d'une majorité de 130 députés sur 350 au Congrès des députés, la chambre basse des Cortes. Et que, les 2 et 4 mars, cette majorité a été insuffisante.
Ce que veut Podemos
La seule option pour Pedro Sánchez était et est toujours d'élargir cette alliance à Podemos. Or, ceci revient à rechercher la quadrature du cercle. Car ce parti refuse toute alliance avec Ciudadanos qu'il considère comme un parti « de droite » et une sorte de version aménagée du parti populaire, la formation de Mariano Rajoy. Pablo Iglesias propose une coalition « à la valencienne » qui regroupe Podemos et le PSOE et qui s'inspire de la coalition formée dans la Communauté valencienne après les élections régionales de mai. Une telle alliance, en s'élargissant à la Gauche Unie, peut compter sur 161 sièges, ce qui est insuffisant, même pour une majorité relative, sauf à séduire Ciudadanos ou des nationalistes basques ou catalans.
Pas d'alternative
La première option semble difficilement tenable pour Pedro Sánchez qui devrait rompre son pacte avec Ciudadanos pour finir par convaincre Albert Rivera de soutenir, par son abstention ou par son soutien, le pacte avec Podemos, source de cette rupture... Quant à la deuxième option, elle n'est pas davantage possible puisque Basques et Catalans ne soutiendront aucun gouvernement qui refusent l'idée d'un référendum d'autodétermination. Or, une telle consultation est inacceptable pour le PSOE.
La seule alternative serait alors le choix proposé depuis le 20 décembre par Mariano Rajoy : une « grande coalition » entre le PP, le PSOE et Ciudadanos qu'il dirigerait. Mais personne ne veut pour le moment s'allier avec un président du gouvernement sortant qui incarne le refus du changement, la politique d'austérité et la corruption (de nouveaux scandales ont éclaboussé récemment le PP valencien). Bref, les négociations actuelles sont vouées à l'échec.
Susana Díaz défiera-t-elle Pedro Sánchez ?
Dans tous les camps, on se prépare donc déjà à un nouveau scrutin. Et cette perspective pourrait secouer plus d'un leader actuel des grands partis. Si, au sein du PP, personne ne semble pour le moment, faute de vraie alternative, remettre en cause le sortant Mariano Rajoy, ce n'est guère le cas au PSOE. L'échec de Pedro Sánchez en mars permet de redonner de la voix à l'opposition interne composée des « barons » locaux du parti et de la présidente de l'Andalousie, Susana Díaz. Cette dernière est une adversaire décidée à toute alliance avec Podemos et de tout compromis avec les nationalistes régionaux.
Samedi 2 avril se tiendra un comité fédéral du PSOE. Pedro Sánchez va tenter de repousser la date du Congrès prévu fin mai à une date ultérieure, après les élections possibles du 26 juin pour « mieux coordonner » les calendriers du parti et de l'Espagne. Ce serait logique, mais il pourrait néanmoins faire face à des résistances, non pas sur le fond, mais bien plutôt sur la forme. La vraie question sera celle des « primaires » visant à désigner le nouveau leader socialiste, qui sont prévues le 8 mai. Pedro Sánchez est candidat à sa propre succession et toute la question sera de savoir si Susana Díaz posera sa candidature. Sa position n'est pas facile. Pedro Sánchez n'a pas commis l'erreur qu'elle attendait de bâtir un compromis avec Podemos. Il s'est, au contraire, appuyé sur une alliance avec Ciudadanos, le parti le plus centralisateur du pays, un parti libéral qui rassure l'aile droite du PSOE. Quelle alternative aura alors à proposer Susana Díaz ? Une grande coalition dirigée par Mariano Rajoy ? Elle pourrait logiquement préférer attendre un nouvel échec de son adversaire après le 26 juin. Mais Pedro Sánchez sait que les couteaux restent tirés.
La nature des divergences au sein de Podemos
L'autre parti en ébullition est Podemos. Le 15 mars, Pablo Iglesias a limogé le secrétaire à l'organisation, le Sévillan Sergio Pascual. Ce « coup de majesté » au sein du parti a mis à jour l'ampleur des divergences internes et provoqué la « disparition » médiatique pendant douze jours du « numéro deux » de Podemos, Íñigo Errejón, un proche de Sergio Pascual. Ce dernier est revenu au Congrès ce mardi pour préparer la réunion avec Pedro Sánchez, mais les discussions entre « Errejonistas » et « Pablistas » pourraient ne pas être apaisées pour autant.
Quelles sont ces divergences ? Les proches d'Íñigo Errejón et ceux de Pablo Iglesias s'opposent sur plusieurs points, idéologiques et organisationnels. Mais la guerre a été déclarée sur la question de l'attitude face au PSOE. Pablo Iglesias, tout en affirmant vouloir trouver un compromis avec Pedro Sánchez, n'a cessé d'attaquer l'ancien président du gouvernement Felipe González, figure tutélaire du PSOE, notamment pour son soutien aux GAL, ces commandos antiterroristes qui ont organisé des attentats contre l'ETA dans les années 1980. « Ce ne sont pas des formes adéquates pour des négociations », affirment des « Errejonistas » au quotidien El País. La critique n'est pas de pure forme : l'enjeu est de savoir si Podemos peut être considéré par l'électorat de gauche comme le responsable de l'échec d'un gouvernement de changement. Ce n'est donc pas un hasard si ces tensions ont émergé alors que les sondages donnent Podemos comme le possible perdant d'un nouveau scrutin. Un « conseil citoyen », instance de direction du parti, se tiendra le 2 avril prochain pour tenter de trouver une issue à cette crise interne qui pourrait peser lourd le 26 juin prochain.
Bis Repetita le 26 juin ?
Que disent d'ailleurs les sondages ? La toute dernière enquête, réalisée par NC Report pour le quotidien de droite La Razón, a été publié le 26 mars. Il montre un léger mouvement vers la droite de l'électorat. Ciudadanos et le PP progresseraient très légèrement en gagnant principalement sur les abstentionnistes. Le parti d'Albert Rivera gagnerait 1,4 point par rapport au 20 décembre à 15,3 % et prendrait 3 à 8 sièges de plus que les 40 actuels. Le PP aurait 0,7 point de plus à 29,4 %, soit 3 à 5 sièges de plus que les 123 actuels. Parallèlement, Podemos et ses alliés reculeraient de 1,3 point et perdraient entre 4 et 6 sièges à 63-65 élus. Cette baisse ne profiterait pas au PSOE, donné stable à 22 % et 87-89 sièges (90 aujourd'hui), mais à la Gauche Unie qui gagnerait 0,9 point à 4,6 %. Les écarts par rapport au 20 décembre sont cependant faibles et NC Report a l'habitude de surestimer les partis de droite. Bref, il est vraisemblable que de nouvelles élections ne changeront rien.
Equation très complexe
Comment, alors, l'Espagne, pourrait retrouver un gouvernement ? L'équation est si complexe, entre les enjeux liés à l'unité nationale, à la corruption et à la politique économique, qu'elle semble impossible à résoudre. L'alliance entre le PSOE et Ciudadanos, loin d'ouvrir des solutions en a fermé plusieurs. La présence de Mariano Rajoy et l'incapacité du PP à se renouveler rend ce parti infréquentable. Enfin, la concurrence entre PP et Ciudadanos d'une part et PSOE et Podemos d'autre part pour la domination des électorats de droite et de gauche complexifient les alliances. C'est seulement lorsqu'un parti aura accepté de renoncer à une partie de ses priorités qu'une coalition pourra être formée. Or, personne ne veut être celui qui est prêt à prendre le risque de trahir les électeurs et ouvrir une guerre interne. Voici pourquoi la guerre de position se poursuit. En sera-t-il autrement après le 26 juin ? Rien n'est moins sûr.