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Armement : quels contrats en Arabie Saoudite pour la France ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(La Tribune) Rafale, avions-ravitailleurs MRTT, corvettes Gowind, patrouilleurs rapides, système de défense anti-aérienne Mark 3 seront fin avril au cœur des discussions entre les autorités françaises et le vice-prince héritier et ministre de la Défense saoudien, Mohammed bin Salman bin Abdul Aziz.
C'est une visite très importante pour la France, et plus particulièrement pour l'industrie de défense tricolore, si elle est maintenue. Déjà reportée, la venue à Paris le 25 avril du vice-prince héritier et ministre de la Défense saoudien, Mohammed bin Salman bin Abdul Aziz, qui était initialement attendu le 22 mars, pourrait débloquer plusieurs dossiers d'armement en suspens entre les deux pays. Au cœur des relations dans le domaine de l'armement entre Paris et Ryad,l'avenir de la société ODAS, qui représente les intérêts de la France en Arabie Saoudite, sera évoqué lors des entretiens de Mohammed bin Salman à Paris.
Des négociations vont commencer "dans les jours qui viennent" pour définir exactement quel sera le nouveau dispositif, qui prendra le relais d'ODAS pour coordonner les relations dans le domaine de l'armement entre les deux pays. Seront-elles achevées avant la visite du vice-prince héritier ? Pas sûr. "C'est un peu tôt", explique-t-on à La Tribune. Dans un courrier adressé en novembre au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian et signé par le vice prince héritier, l'Arabie Saoudite annonce qu'elle ne veut plus travailler avec ODAS.
"Le ministère saoudien de la Défense fait part de son désir de mettre fin à toute relation avec la société française ODAS", est-il écrit dans ce courrier.
Quels contrats pourraient être officiellement signés?
Le contrat le plus mature, qui pourrait être mis en vigueur rapidement par l'Arabie Saoudite, est celui du chantier naval de Cherbourg, Constructions Mécaniques de Normandie (CMN), propriété de l'homme d'affaires franco-libanais Iskandar Safa. Sans passer par l'aide de la société ODAS, CMN a signé il y a quelques mois un contrat avec Ryad pour la vente de plus de 30 patrouilleurs (34/35) de 35 mètres équipés du système de combat Tacticos, le CMS de Thales Nederland, pour un montant inférieur à 600 millions de dollars.
Un contrat qui n'a toujours pas été mis en vigueur par l'Arabie Saoudite mais le chantier a récemment franchi un jalon très important. Selon des sources concordantes, il a obtenu des garanties bancaires d'un consortium de banques russes et du Golfe. En dépit des pressions de l'Etat français, les banques tricolores n'ont quant à elle pas souhaité accompagner CMN, qui est allié avec l'industriel saoudien Zamil.
Il est également possible que Ryad commande au vu de ses besoins opérationnels deux avions-ravitailleurs A330-200 MRTT d'Airbus supplémentaires. L'armée de l'air saoudienne, qui a en déjà six en service (trois commandés en janvier 2008, puis trois autres en juillet 2009), a reçu le sixième appareil en juin 2015. A terme, elle pourrait disposer de douze A330 MRTT.
Enfin, les deux pays pourront faire un nouveau point sur l'avancée du contrat Donas signé en novembre 2014 et qui a connu de nombreuses turbulences. Le haut comité franco-saoudien a confirmé cette opération. Selon une source proche du dossier, entre 75% et 80% de la trentaine de contrats signés auraient déjà été mis en vigueur et seront livrés à l'armée saoudienne et non plus à l'armée libanaise. Certains observateurs bien informés estiment même que 95% des contrats auraient été mis en vigueur.
Mark 3 et Rafale, des serpents de mer?
Thales a ressorti de ses cartons le système de défense anti-aérienne de courte portée Mark 3 (Crotale NG). Une campagne toujours vivace en dépit des très longues discussions qui s'étirent sur plusieurs années entre l'Arabie saoudite et la France. Selon des sources concordantes, le système proposé par Thales à base de missiles VT1 a détruit des roquettes lors de démonstrations. Ce qui aurait beaucoup intéressé les Saoudiens soucieux de mieux protéger leurs troupes et les populations au contact des rebelles chiites houthis, qui utilisent fréquemment des roquettes pour bombarder le sud du Royaume. Thales a refait une offre sans passer par ODAS, selon plusieurs sources concordantes. Cela pourrait être la surprise saoudienne mais une extrême prudence est requise.
Le groupe d'électronique espère signer un contrat d'une valeur totale de 4 milliards d'euros pour équiper la défense anti-aérienne de courte portée du royaume, qui est composée de systèmes de missiles Shahine (Crotale amélioré, monté sur châssis AMX 30). Thales est le fournisseur attitré du Royaume depuis près de trente ans de sa défense anti-aérienne (contrat Al Thakeb en 1984). Le contrat Mark 3 toujours annoncé mais jamais signé a toujours été remis sur la table des négociations par la France, qui soutient le groupe d'électronique contre vents et marées au grand dam d'Airbus et de MBDA.
Le Rafale a-t-il une chance en Arabie Saoudite, chasse gardée des États-Unis et de la Grande-Bretagne? A priori non. Dassault Aviation y croit-il même si les Saoudiens ne sont pas satisfaits de la flotte d'avions de combat britanniques, Tornado et Eurofighter ? Pas sûr en dépit de visites de son PDG Eric Trappier sur place. Selon une source interrogée par la Tribune,"cela se passe très mal à cause du Yémen et les Saoudiens sont fâchés contre les Britanniques".
Il y a bien eu des discussions sur le Rafale entre Paris et Ryad, qui a un besoin opérationnel urgent. Mais Dassault Aviation, qui fabrique le Rafale en trois ans, n'a plus la possibilité de prélever sur la chaîne d'assemblage des appareils comme pour l'Egypte (6 Rafale déjà livrés). Finalement, Ryad veut-elle vraiment cet avion ou veut-elle faire pression sur Londres pour obtenir plus ? Ce sont les questions que le monde de l'armement se pose à Paris.
Et le char Leclerc, les satellites, les corvettes Gowind?
DCNS propose à la marine saoudienne cinq corvettes Gowind de 2.500 tonnes, très proches de celle déjà vendues à l'Egypte pour compléter la flotte de l'est. Soit un contrat estimé à environ 1,5 milliard. Le groupe naval tricolore doit faire face à la concurrence de BAE Systems qui propose quant à lui aux Saoudiens quatre à six corvettes de la classe Khareef, trois patrouilleurs et deux chasseurs de mines. A plus long terme, DCNS vise le renouvellement de la flotte de l'est des frégates (trois à six bâtiments).
L'Arabie Saoudite a quant à elle sondé la France sur le char Leclerc, dont les exemplaires émiratis ont impressionné les forces armées saoudiennes pendant le conflit yéménite. Les Français n'ont pas dit non même si les Saoudiens en voudraient des "quantités astronomiques", selon Paris. Affaire à suivre d'autant que l'armée de Terre saoudienne va récupérer les matériels terrestre et aéro-terrestres initialement destinés au Liban. Soit 250 blindés (VAB Mk3 et Sherpa de Renault Trucks Défense notamment), sept hélicoptères Cougar armés (Airbus Helicopters) et 24 canons auto-tractés Caesar (Nexter).
Enfin, s'agissant des satellites de télécoms et d'observation, c'est un peu la bouteille à l'encre. Les deux constructeurs de satellites Thales Alenia Space (TAS) et Airbus Space Systems ont conclu un accord pour proposer une offre conjointe aux Saoudiens, qui porte sur la vente de quatre satellites (deux d'observation et deux de télécoms). Mais les Américains ont débarqué en force et auraient vendu une constellation de cinq satellites. Cette décision surprend beaucoup en France pour deux raisons. "Les Etats-Unis refusent de donner aux Saoudiens une définition des images aussi précise que les Français ont promis", explique-t-on à La Tribune. Surtout, la France a été invitée à négocier de gré à gré pour les quatre satellites.