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Nuit Debout: Comment est né ce nouveau mouvement citoyen
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Arrêt sur images) Ils étaient plusieurs centaines à dormir debout place de la République, à Paris, avant d'être évacués par les forces de police à 5h du matin, vendredi 1er avril. Et ils comptent bien remettre ça ce soir, à partir de 18h. Comment est né ce mouvement citoyen, qui rappelle celui des Indignés en Espagne et qui ne semble, pour le moment, pas passionner les médias français ? Dans un bar du 10e arrondissement de Paris, il y a un mois et demi.
Et si Bernard Arnault, PDG de LVMH, avait lancé malgré lui un mouvement citoyen d'ampleur ? Jeudi soir 31 mars, place de la République, plusieurs centaines de personnes sont venues passer la "Nuit Debout", à l'initiative du collectif "La convergence des luttes". Des centaines de personnes qui, à 19h, ont pu entendre un Frédéric Lordon, survolté, prendre la parole : "Voilà comment le pouvoir tolère nos luttes : locales, sectorielles, dispersées et revendicatives. Eh bien pas de bol pour lui, aujourd’hui nous changeons les règles du jeu !", s'est exclamé l'économiste, en haranguant la foule.
Les manifestants n'ont pas seulement vu Lordon hier soir. Le film Merci Patron ! a aussi été diffusé sur un écran géant, vers 22h. Ce n'est pas un hasard : c'est précisément lors des avant-premières du film de François Ruffin, qui ridiculise le patron de LVMH, qu'est née l'idée de cette "Nuit Debout". "La même question revenait sans cesse après les avant-premières", raconte Sylvain Laporte, journaliste chez Fakir, contacté par @si. "Et maintenant, maintenant qu'on a a réussi à faire trembler un peu LVMH, qu'est-ce qu'on fait ?".
Sur son site, Fakir, journal alternatif de gauche fondé par François Ruffin lance alors une invitation. Rendez-vous est pris, mardi 23 février 2016, à la Bourse du Travail de Paris, pour réfléchir à la question : "Comment leur faire peur ?". "Entre NDDL, Goodyear, l’état d’urgence... ça bouge en ce moment. Mais de façon séparée, isolée. Alors on propose de se retrouver le 23 février à la Bourse du travail pour tenter de construire une initiative commune", pouvait-on alors lire sur le site du journal. Parmi les invités, des syndicalistes (Goodyear, PSA, La Confédération paysanne) et des militants écolos (de Notre Dame des Landes notamment). Sont aussi présents Hervé Kempf, de Reporterre, le romancier et cinéaste français Gérard Mordillat. Invité, Frédéric Lordon, malade, déclare forfait à la dernière minute. Ce ne sera que partie remise.
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Un millier de personnes, selon Laporte, ont répondu à l'invitation de Fakir. "Il y a eu des prises de parole des gens qu'on a invités, et derrière on a fait tourner le micro", raconte-t-il. "Et puis quelqu'un a lancé l'idée de ne pas rentrer chez nous après le défilé du 31 mars contre la loi. Ça a fait l'unanimité." Ainsi est né le mouvement "La convergence des luttes".
C'est pourtant en fin de soirée que les choses se précisent. Une vingtaine de personnes, toutes présentes à la Bourse du travail, se retrouvent dans un bar du 10e arrondissement de Paris, La Côte d'Azur. Parmi eux, un groupe d'étudiants de Sciences Po et Loïc Canitrot, membre de la compagnie de théâtre Jolie Môme. "On a décidé, comme on était crevés, de faire une réunion la semaine suivante", raconte Johanna Silva, deFakir, contactée par @si.
UNE COMMISSION "MAINTIEN DE LA SÉRÉNITÉ"
Ce lundi 29 février, quinze personnes sont présentes. Cinq commissions sont créées : une pour la com', une pour le service d'ordre (rebaptisée "maintien de la sérénité"), une pour l'organisation d'une Assemblée Générale le 31 mars place de la République, une commission restauration et enfin une commission "matos et organisation". Ce soir-là, l'une des participantes, Séverine, lève la main : "Moi, je peux faire un site". Quelques jours plus tard, le site de "La convergence des luttes", appelant à occuper la place de la République après les manifestations du 31 mars contre la loi El Khomri, voit le jour.
Comment les frais de cette "Nuit Debout" ont-ils été couverts ? "On nous a prêté pas mal de trucs, et on a récolté 3 000 euros sur le site Le Pot Commun, ce qui va à peu près couvrir les frais de la soirée d'hier", détaille Silva. "Pour la projection de Merci Patron !, c'est Fakir qui a loué le matériel."
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Quelques photos du rassemblement, postés sur Twitter sur le hashtag #NuitDebout
LES INDIGNÉS FRANÇAIS ? "ON N'EST PAS EN ESPAGNE, ET ON N'EST PAS EN MAI !"
Et maintenant, alors que plusieurs centaines de personnes ont répondu présentes, et qu'une nouvelle Assemblée Générale est prévue ce soir, à partir de 18h place de la République, quelles suites donner à ce mouvement ? "Honnêtement, je ne sais pas", répond Laporte, de Fakir. "On lance des trucs et on voit comment ça se passe derrière pour l'instant. On ne sait pas du tout ce que ça va donner". La comparaison avec le mouvement des Indignés, né sur la Puerta del Sol en 2011 en Espagne, semble inévitable. Est-elle pour autant justifiée ? "Ça dérangerait personne, chez nous, de faire un truc aussi chouette", répond Silva, avant de tempérer : "Après on n'est pas en Espagne, et on n'est pas en mai !".
Cette "Nuit Debout" n'a, en tout cas, pas plu à tout le monde. Sur France Info, la maire de Paris, Anne Hidalgo a estimé que "les lieux publics ne peuvent pas être privatisés". "J'ai beaucoup de respect pour tous les mouvements. Il faut que la ville soit très ouverte et accueillante, mais en même temps, les lieux publics ne peuvent pas être utilisés librement, quelles que soient les intentions, belles ou moins belles. On est obligés de faire respecter un peu d'ordre dans cette ville", a-t-elle développé.
PAS DE NUIT BLANCHE POUR LES MÉDIAS
Quel écho a eu, dans les grands médias français, cette manifestation ? Les matinales radio de Europe 1, RMC et RTL n'en ont pas parlé, tandis que France Inter y a rapidement fait allusion. "Et puis il y a ceux qui jouaient les prolongations. Dès hier soir, des centaines d'indignés qui ont planté leurs tentes sur la place de la République. Ils comptent bien l'occuper cette fameuse place jusqu'à dimanche. C'est le mouvement « Nuit Debout » qui a été lancé par François Ruffin, journaliste réalisateur de Merci Patron ! en ce moment dans les salles", pouvait-on entendre dans le 5/7 de la radio publique. TF1 et France 2 ont aussi fait l'impasse sur la "Nuit Debout", dans leurs JTs de 13h. En attendant une seconde nuit ?
L'occasion de revoir notre émission, avec Ruffin et Lordon, sur Merci Patron ! : "Mes inspirateurs ? Michael Moore et Lafesse"