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    La réforme ferroviaire affecte l’identité des cheminots

    SNCF

    Lien publiée le 26 avril 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (La Croix) Les syndicats de la SNCF lancent lundi 25 avril, en fin de journée, une grève unitaire pour peser sur les négociations en cours sur la réforme de leurs conditions de travail.

    Alors que certaines dispositions de leurs statuts sont remises en cause, les cheminots veulent montrer leur attachement à ce qui fait leur identité.

    Certaines voix s’élèvent pour dénoncer le retard de la France et l’entêtement des cheminots à vouloir conserver leurs avantages sociaux.

    Conducteur de tram-train dans sa cabine lors d'un trajet Nantes-Chateaubriant.

    ZOOM 

    Conducteur de tram-train dans sa cabine lors d'un trajet Nantes-Chateaubriant. / Castelli / Andia

    Deux grèves unitaires en moins de deux mois. Un tel engagement de la part des syndicats de la SNCF n’avait plus été vu depuis 2013. Mais malgré des dissensions, les instances représentatives de l’opérateur public du rail ont décidé d’afficher une unité de façade.

    Car cette fois, ce sont leurs conditions de travail qui sont en train de se jouer, avec les derniers rounds de négociation de la loi « portant réforme ferroviaire ».

    En prévision de l’ouverture à la concurrence, le gouvernement veut en sortir un« cadre social harmonisé », qui concernera le secteur public et les entreprises privées. « Les discussions ne portent pas sur le statut des cheminots en lui-même, mais sur l’organisation du travail », précise un porte-parole de la SNCF.

    Mais pour les syndicats, attaquer les avantages sociaux revient à mettre en danger une partie de leurs statuts et donc de leur identité. « La réforme ferroviaire met en cause directement ces statuts. On touche aux acquis, c’est clair et net, reproche Bernard Aubin, secrétaire général de FiRST (syndicat non représentatif). On fait disparaître une réglementation qui est le fruit de luttes et de négociations pendant des dizaines d’années. »

    Des luttes historiques

    Ces luttes ont marqué l’essor du rail aux XIXet XXe siècles, époque où travailler pour les compagnies de chemin de fer était à la fois gratifiant et redoutablement physique. Le métier de cheminot nécessitait alors des conditions d’embauche et un cadre social à part.

    « Le statut des cheminots date d’avant la création de la SNCF, en 1938, explique Christian Chevandier, professeur d’histoire à l’Université du Havre et auteur deCheminots en grève, ou la construction d’une identité (1848-2011). À l’époque, il y avait six compagnies ferroviaires différentes et un conducteur de locomotive ne trouvait pas de travail ailleurs. Les statuts lui permettaient donc d’être assuré de conserver son emploi. »

    Au sein du groupe ferroviaire, 90 % des 150 000 salariés de la SNCF sont des agents « au statut » – les autres sont en contrat de droit privé. Un taux relativement constant, lié notamment à l’attractivité de l’emploi à vie, garanti par le statut.

    Les syndicats craignent qu’une réforme des conditions de travail ne soit qu’une première étape vers la disparition totale des statuts. « La finalité pour la SNCF est de modifier la réglementation pour des objectifs de productivité, en vue de la privatisation. Mais le rapport de force entre l’entreprise et les syndicats est déséquilibré, estime Bernard Aubin. On va se retrouver avec une moyenne entre les conditions du secteur privé et celles de la SNCF qui va entraîner des reculs sociaux. Ceci entraîne forcément un nivellement de nos conditions de travail par le bas. »

    « Nous ne voulons pas d’un Ryanair dans le ferroviaire. »

    Si une négociation sur le statut des cheminots est incontournable, les syndicats affirment que c’est plutôt aux futurs acteurs privés du ferroviaire de se rapprocher des conditions de travail de la SNCF et non l’inverse.

    « Le patronat doit revenir sur ses propositions initiales, affirme Rémi Aufrere, secrétaire général adjoint de la CFDT. Nous ne voulons pas de cadre social low cost. Nous ne voulons pas d’un Ryanair dans le ferroviaire. »

    Au-delà des avantages sociaux, les cheminots de la SNCF s’inquiètent aussi de la sécurité des usagers à la suite de la privatisation. « Quand je vois un conducteur d’une entreprise de fret privée faire toutes les manœuvres de son train seul, cela fait peur », s’inquiète Benoît, un aiguilleur de 26 ans.

    « Quand l’Angleterre a privatisé son marché ferroviaire, il y a eu plus d’accidents pendant quelques années, le temps que les infrastructures soient remises à niveau. Mais depuis dix ans, le Royaume-Uni est en progrès continu, c’est un modèle », tempère Dominique Riquet, député européen (UDI) et vice-président de la commission transports au Parlement européen.

    > Lire aussi : La SNCF enregistre de lourdes pertes

    Une règlementation du travail qui a perdu de son sens

    Reste qu’une partie des cheminots est prête à ouvrir – à la marge – une discussion sur une refonte partielle. « Personnellement, que l’on révise mes conditions de travail me semble logique, concède Benoît. On ne peut pas demander à une entité gérée par l’État d’être aussi performante que des entreprises privées qui ne fonctionnent que sur la base du Code du travail. »

    Les cheminots s’accordent à dire que certaines dispositions des statuts sont intouchables (notamment l’emploi à vie). Mais d’autres points de cette réglementation particulière ont aujourd’hui perdu de leur sens.

    « Pour ne prendre que le cas de la retraite, nous avons toujours le droit de partir plus tôt que les bénéficiaires du régime général, mais nous devons cotiser autant qu’eux pour avoir droit à une retraite à taux plein, explique Sylvain, conducteur de trains en province. Personnellement, si je pars à 57 ans, ça ne me donnera le droit qu’à environ 700 € de pension. Si j’attends 62 ans, ce sera 1 300 €. Ai-je une vraie possibilité de partir tôt ? La réponse me semble évidente. »

    En dehors de la SNCF, les positions sont plus tranchées. Yves Crozet, économiste spécialiste des transports, remet en cause la pertinence de la réglementation particulière du travail des cheminots.

    Une situation intenable face à la concurrence

    « Économiquement, les statuts sont peu défendables. Si le nouveau cadre social est au niveau de la convention de la SNCF, cela reviendra à mettre un boulet au pied du ferroviaire français, qui continuera à décliner. » L’opérateur historique du rail en France s’accrocherait donc à ses avantages, quitte à négliger sa productivité.

    Une situation intenable qui ne fait que retarder son adaptation à l’inévitable ouverture à la concurrence. « La SNCF n’est pas du tout prête à affronter la concurrence à la loyale, prédit le député européen Dominique Riquet. Compte tenu de son mode d’exploitation, de ses antécédents de comptabilité et de son déficit intermittent, elle va la subir de plein fouet. Le statut des cheminots, particulièrement avancé sur le plan social, pèse sur la compétitivité de la SNCF. Aujourd’hui, il y a un différentiel de compétitivité de 30 % avec les Allemands. »

    Mais avant que des trains allemands ou italiens circulent sur les rails français, il faudra que les partenaires sociaux arrivent à se mettre d’accord sur le « cadre social harmonisé ». Un compromis qui doit être trouvé avant le 1er juillet.

    > Lire également : Secteur ferroviaire : des négociations à haut risque social

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    Ce que comprend le statut de cheminot

    Un emploi à vie au sein de la SNCF est garanti par les statuts, sauf faute grave, après une période d’essai oscillant entre un an et deux ans et demi pour les cadres.

    Le temps de travail est limité à 35 heures hebdomadaires. Les trains roulant en permanence, les cheminots ont droit à 5 semaines de congés plus trois jours. Le personnel roulant et les agents de nuit bénéficient de 22 et 28 jours de RTT. Les personnels administratifs en ont 10.

    Un régime spécial de retraites est inscrit dans les statuts. Par exemple, en 2011, l’âge moyen de départ à la retraite était de 55 ans.

    Un régime spécial de sécurité sociale est prévu, avec des centres médicaux gratuits regroupant médecins généralistes et spécialistes.

    Des facilités de circulation sont permises dans les statuts. Les cheminots peuvent voyager gratuitement et leurs proches bénéficient de réductions sur leurs trajets en train.

    Clément Brault et Clément Lesaffre