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La flexibilité du travail, sujet fantôme de la campagne électorale
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Seule l'ampleur des mobilisations en Espagne et le début de protestation en Italie rassurent ces syndicalistes sur l'avenir et sur ce qu'il réserve éventuellement à la France. Etrangement, le sujet est resté, à ce jour, relativement extérieur à la campagne électorale. "Je pense que le sujet ne sera pas trop abordé pendant la campagne, mais il faut faire attention: les entourages des candidats ont souvent beaucoup de propositions sur le sujet. Je pense que c'est le contexte économique qui fera beaucoup pour ouvrir le débat", avance M. Pierron. "Que ce soit Sarkozy ou Hollande, on peut se prendre un méga-plan d'austérité associé à des mises en cause du droit du travail", ajoute M. Lardy.
DES PROPOSITIONS INAUDIBLES
L'hebdomadaire libéral britannique The Economist (daté du 31 mars) critique une France "dans le déni" face à la crise. Le Medef, traditionnel partisan de la flexibilité du travail, tente, comme en 2007, de porter ces questions. Laurence Parisot demande ainsi la dérégulation du temps de travail, la réduction du préavis avant licenciement ou la réduction de la durée de prescription en droit social. Mais l'organisation patronale, contrairement à 2007, est relativement inaudible, et ses propositions, présentées dans un livre électronique peu fonctionnel (Besoindaire.com), n'ont pas déclenché de débat.
Les candidats qui soutenaient ces thèses ont mis la pédale douce. Nicolas Sarkozy, qui avait été très offensif sur le sujet, en 2007, en promettant l'abandon des 35heures ou le contrat de travail unique - qui n'a pas vu le jour -, n'a pas multiplié les propositions cette année. Bruno Le Maire, un temps chargé du projet présidentiel, a dû remballer ses projets d'allocations chômage dégressives dans le temps ou de baisse de l'indemnisation des cadres.
Les propositions du candidat Sarkozy - obligation de formation pour les chômeurs ou TVA sociale - se situent à la marge du sujet. Et s'il a bien demandé aux partenaires sociaux de négocier sur des accords de compétitivité, qui permettraient aux entreprises en difficulté d'adapter le temps de travail et la rémunération des salariés, cette négociation a peu de chance d'aboutir avant la présidentielle.
Les accords de compétitivité hérissent la CGT. "Le Medef, avec l'accord de certains syndicats, veut contourner le licenciement économique en créant un licenciement sui generis pour les salariés qui refuseraient de baisser leur salaire ou d'augmenter leur temps de travail", attaque Maurad Rabhi, chargé des questions d'emploi à la CGT.
"Ces accords peuvent au contraire être utiles pour empêcher les licenciements", assure, pour la CFDT, M. Pierron, qui est prêt à signer avec le Medef "si ces accords sont réellement réservés aux entreprises en difficulté", mais "certainement pas dans l'urgence avant l'élection".
MODULATION DES COTISATIONS CHÔMAGE
Les partenaires sociaux ont abandonné le terme de compétitivité-emploi pour celui de "sauvegarde de l'activité et de l'emploi". De tels accords pourraient bien voir le jour, quel que soit le vainqueur, puisque l'équipe de François Hollande assure qu'il les mettra en œuvre si les partenaires sociaux s'entendent.
Le candidat socialiste se garde bien, pour sa part, de proposer une flexibilisation du droit du travail, mais il n'avance pas non plus vers plus de régulation. Il promet simplement un renchérissement du coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes, ou la possibilité, pour des employés victimes d'un plan de licenciement, de saisir la justice, ce qui est déjà possible dans certains cas.
Au-delà, M. Hollande évoque surtout une modulation des cotisations chômage pour pénaliser les entreprises qui abuseraient des contrats précaires. Les partenaires sociaux penchent tous pour une telle option. "On leur demandera d'en discuter les modalités", avance Alain Vidalies, chargé de l'emploi dans l'équipe de campagne de M. Hollande. Le député des Landes souhaite aussi qu'ils abordent la limitation des ruptures conventionnelles pour les salariés de plus de 55 ans, que le candidat socialiste juge trop nombreuses.
Logiquement, Jean-Luc Mélenchon va plus loin dans la régulation, en proposant de fixer des quotas maximums d'intérimaires et de CDD, qui iraient de 5 % à 10 % en fonction des entreprises. Le candidat du Front de gauche prône le retour aux 35 heures "effectives", en revenant sur l'annualisation et en limitant fortement le recours aux heures supplémentaires. Il promet une "sécurité emploi formation" et évoque une "refonte du code du travail" pour "abolir la précarité".
Sur l'échelle de la flexibilisation, c'est finalement François Bayrou qui va le plus loin dans le libéralisme. Le candidat centriste veut que le temps de travail soit négocié par des accords de branche, ce qui serait la fin d'un horaire légal unique. Il reprend la proposition de contrat de travail unique, à durée déterminée, mais fondé sur "une consolidation progressive des droits". En contrepartie, il évoque une présence renforcée des salariés dans les conseils d'administration.
Marine Le Pen se garde de toute proposition trop libérale. Le FN envisage du bout des lèvres une "renégociation" des 35 heures, autorisée "à condition qu'elle s'accompagne d'une augmentation proportionnelle de salaire".
EXTRÊME SENSIBILITÉ
Parmi les sujets non abordés par les candidats et qui risquent pourtant de s'imposer rapidement au prochain président, l'équilibre de l'assurance-chômage, qui pourrait être en déficit de 4,3 milliards d'euros en 2012, est l'un des plus difficiles. Le patronat ne cache pas qu'il veut retourner à la dégressivité des indemnités chômage pour faire des économies. L'UMP avait avancé la même idée lors de sa convention programmatique, mais M. Sarkozy ne l'a pas reprise pour l'instant.
La prudence des candidats n'est sans doute pas sans rapport avec l'extrême sensibilité sociale sur ces sujets. Les exemples espagnol, italien ou, même, le souvenir de la réforme avortée du CPE, en 2006, montrent que la défense du droit du travail peut être mobilisatrice.