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    Comment ma vie a basculé : harcèlement, mise au placard…

    Lien publiée le 6 mai 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.revolutionpermanente.fr/Comment-ma-vie-a-bascule-harcelement-mise-au-placard-j-ai-pense-a-mettre-fin-a-mes-jours

    Le 29 mars dernier, plusieurs salariés du Groupement déconomie solidaire (GES) Reliance se sont mis en grève pour dénoncer la souffrance au travail dont ils sont victimes, et pour protester contre la mise à pied d’un de leurs collègues deSainte-Tulle(Alpes-de-Haute-Provence). Au sein des 72 salariés que compte le groupe, dont 40 en insertion, un collectif s’est constitué à la fin de l’été 2015, qui regroupe aussi d’anciens salariés, afin que leur parole soit entendue une fois pour toute. Nous avons recueilli le témoignage de l’une de ces anciennes salariées, Nora Aït-Oudei, dont la vie a basculé suite au harcèlement et la maltraitance subie.

    Nora A.

    J’ai été malade durant 10 ans

    En faisant ma revue de presse quotidienne, je suis « tombée » sur les articles de la Marseillaise et de la Provence, publiés respectivement le 30 mars et le 5 avril 2016, décrivant une situation que j’avais moi-même connue en 2004-2006. Révoltée, je suis entrée en contact avec le collectif de salariés et ex-salariés du GES-RELIANCE, anciennement Association « Porte Accueil ». J’ai intégré ce Collectif afin d’y apporter mon témoignage, qui a été diffusé sur radio ZINZINE, et j’ai mis en ligne une pétition sur Change.org. Je reste fragilisée et détruite psychologiquement après le harcèlement et la maltraitance subie au sein de cette structure.

    Mon parcours avant d’être embauchée au GES de Porte-Accueil

    Je suis mère de 5 enfants, dont j’assumais la charge seule depuis 1991. Autodidacte, je me suis formée et j’ai gravi les échelons pour atteindre le statut de cadre comme Consultante en bilans de compétences. Dotée de dix ans d’expérience, j’ai évolué dans les domaines de la formation, de l’insertion sociale et professionnelle, de l’orientation et du bilan de compétences. J’étais reconnue par mes pairs et mes supérieurs hiérarchiques pour mon honnêteté et mon professionnalisme : au Secours Populaire Français, j’ai participé à la création du premier accueil de jour en Ariège et j’assurais le remplacement de la Direction et ce durant plusieurs étés.

    Combative et Militante pour la lutte contre l’illettrisme, je me suis formée et j’ai pu ainsi travailler au GRETA 04, de janvier à juin 2005, j’enseignais le Français Langue Etrangère (FLE) et donnais des cours d’alphabétisation afin de compléter mon salaire de misère. J’ai achevé mon CDD au GRETA en juin 2005 et le directeur de GES Reliance m’a proposé de compléter mon temps partiel en encadrant l’activité « Fripe » et de travailler à la mise en place d’une nouvelle boutique en centre-ville de Manosque. Il savait que j’avais une expérience similaire de création d’une boutique au sein du Secours Populaire Français. Il savait aussi mes difficultés financières. Mais en septembre, j’ai été évincée de cette mission, remplacée par une proche de la direction.

    Embauchée en novembre 2005 par le GES Reliance, j’avais en charge le suivi des 32 salariés du chantier d’insertion de Porte Accueil. Je percevais 890 euros pour 106 heures par mois. Deux de mes enfants étaient étudiant à la fac, un en apprentissage et deux au Collège du Mont d’or et je me faisais un point d’honneur de financer leurs études et les aider à devenir des adultes responsables. A l’heure actuelle, 4 d’entre eux travaillent et ma benjamine est étudiante.

    Ma déchéance au sein du GES Reliance

    Dès mon arrivée, l’assistante sociale qui secondait le directeur général m’a signifié son antipathie, et je me suis rapidement retrouvée confrontée à un harcèlement quotidien : maltraitance, brimades, insultes…

    Malgré ce climat délétère, j’ai travaillé d’arrache-pied, en utilisant mon ordinateur personnel, en dehors des heures payées, pour formaliser l’accompagnement des salariés en insertion : la mise en place d’une méthodologie et des outils d’évaluation pour qualifier et quantifier notre travail et l’évolution des personnes suivies.

    Un jour, j’ai tenté d’obtenir un secours pour un salarié victime d’un accident du travail, au sein de la structure, et qui a perdu deux de ces doigts, il était menuisier. Malgré le montant de l’indemnité convenu avec le président de l’association c’est une somme bien moindre qui lui a été accordée par la direction, ce qui m’a valu des remontrances de la part du président de l’association.

    J’ai également défendu mon collègue Dominique Ducarne, menacé de licenciement pour des raisons inacceptables, suite à quoi il a lui-même subi un harcèlement pendant plusieurs années, qu’il a lui-même dénoncé au micro de radio ZINZINE.

    D’autres épisodes risibles ont contribué à me plonger dans une grave dépression, comme le fait que différentes revues d’informations liés au secteur social (les ASH...) soient enfermées à clé dans un bureau. Je tairai le reste des ignominies.

    Lasse de cette situation, j’ai demandé à être reçue par mon supérieur et son adjointe. Leurs conclusions et diagnostics : je souffrais de difficultés d’intégration en rapport avec mes origines !

    Au mois de novembre 2005, j’ai été isolée de mes collègues et mise au placard dans la partie hébergement, près des douches des hommes. Je partageais ce bureau avec les veilleurs de nuit. J’avais la nausée tous les matins : les odeurs, le non-respect de la confidentialité des entretiens individuels des salariés en insertion et des réunions tripartites avec les salariés en insertion et leur référent social (CCAS Conseil Général…).

    La situation devenant insupportable, j’ai sollicité la protection du docteur président de l’association, qui n’a pas pris en compte ma souffrance inhérente à la maltraitance, brimades, insultes, etc.

    J’ai été sérieusement tentée de mettre fin à mes jours

    La dernière semaine de décembre 2005, le directeur général de GES Reliance a donné l’ordre au standard de ne plus me passer les communications téléphoniques. Jeudi 5 janvier 2006 au matin (dernière matinée travaillée), après s’être entretenu avec le DG et son bras droit, mon chef de service est venu m’annoncer que dorénavant il prenait en charge une partie de mes fonctions. Je suis restée abasourdie dans un premier temps et ensuite, je me suis mise à hurler, pleurer, supplier, en proie à une crise de nerfs. Ils m’ont laissée partir seule dans cet état-là, sans se soucier de moi outre mesure. Ce jour-là, c’était la première fois de ma vie où j’ai pensé à mettre fin à mes jours.

    C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, et j’ai craqué. Epuisée, amaigrie et nerveusement détruite, je suis allée voir mon médecin traitant qui m’a arrêtée. Devant la gravité de mon état de santé, il m’a orientée vers un psychiatre.

    Je n’ai jamais repris…

    L’entretien préalable à mon licenciement : une épreuve

    Le regard goguenard posé sur moi lors de mon entretien préalable à mon licenciement, alors que je décrivais la maltraitance subie, a constitué une épreuve supplémentaire. J’ai subi l’humiliation de ma vie. La réponse écrite sur le compte-rendu de mon entretien préalable au licenciement, comporte cette phrase prononcée par le directeur général, qui me hante encore :« C’est facile d’intégrer le rôle de la victime ».

    La directrice adjointe a été licenciée pour harcèlement en 2014, mais le directeur général n’a pas été inquiété, malgré sa mise en cause par les salariés.

    Les conséquencespour ma vie privée

    Depuis, je ne suis plus la même, j’ai perdu confiance en moi, j’ai développé des phobies, je me suis isolée et fragilisée, je ne supporte plus la pression. Je vis seule.

    Travailleuse sociale, je n’ai jamais eu recours à une quelconque aide financière et là je n’en avais pas la force. Je suis restée alitée des mois durant, avec de sérieuses tentations de mettre fin à mes jours.

    Ma fierté en a pris un sacré coup, les indemnités de la Sécurité Sociale ne me permettaient plus de nourrir correctement mes enfants et encore moins d’aider financièrement ceux qui étaient scolarisés à la Faculté et en apprentissage.

    Des amis, des collègues m’ont apporté de la nourriture et ma coiffeuse me faisait des prix pour mes adolescents, mes médecins ne déposaient les chèques que lorsque je le pouvais.

    J’ai dû arrêter les traitements : d’orthodontie pour ma fille âgée de 15 ans et l’ophtalmologiste pour mon fils âgé de 16 ans, né avec un œil non voyant ayant été opéré à plusieurs reprises.

    Mon couple n’a pas résisté à cette situation car elle a provoqué la fin de ma relation avec mon compagnon de l’époque et mon déménagement en région toulousaine.

    Je tiens encore à remercier le médecin du travail qui m’a crue et déclarée inapte à tous les postes de cette structure.