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Allemagne : des représentants syndicaux publient une tribune de défense de l'UE

Lien publiée le 6 avril 2012

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.wsws.org/francais/News/2012/avr2012/germ-a06.shtml

Le 26 mars, plusieurs éminents dirigeants syndicaux, chercheurs en sciences sociales et politiciens « de gauche » ont publié une déclaration intitulée « L'Europe doit reposer sur de nouveaux fondements », qui appelle à la défense de l'Union européenne (UE). Cette déclaration est une réaction à la résistance croissante des travailleurs européens aux licenciements et aux coupes sociales de masse.

Plus tôt cette semaine, l'agence de statistiques Eurostat a dévoilé les dernières données sur le chômage : près de 25 millions de personnes sont sans emploi dans l'UE. Le taux de chômage de 10,2 pour cent est le plus élevé depuis 1997.

Le Monde a publié un article consternant sur la montée du travail des enfants à Naples et dans d'autres régions défavorisées.

Des millions de gens sont témoins des coupes draconiennes dans les programmes sociaux et des licenciements de masse dans la fonction publique qui sont imposés de force par l'Union européenne et ses institutions dans un pays après l'autre. Après avoir causé la ruine de la Grèce, la « troïka », formée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE), regarde maintenant du côté de l'Espagne, de l'Italie et du Portugal. L'opposition populaire est de plus en plus dirigée contre l'UE.

C'est dans ce contexte que de nombreux représentants syndicaux et universitaires allemands, y compris le philosophe Jürgen Habermas, viennent à la défense de l'Union européenne.

Ils écrivent avec inquiétude que le « projet européen . est au bord du gouffre » et que « l'UE recueille la sympathie et l'approbation » de moins en moins de gens. La déclaration critique l'impact des mesures de rigueur dictées par l'UE et dénonce la « domination des marchés (financiers) » en Europe. Elle ajoute que, « Les dépenses publiques pour les salaires et les avantages sociaux sont sabrées radicalement . on impose le fardeau du plan de sauvetage aux salariés, aux chômeurs et aux retraités. »

Toutefois, plutôt que de voir dans cette situation la preuve du caractère réactionnaire des institutions basées à Bruxelles, ces bureaucrates syndicaux et ces universitaires opposent aux politiques d'austérité de l'UE un idéal abstrait d'une UE basée sur l'harmonie sociale - un idéal qui n'existe pas et qui n'a jamais existé dans la réalité.

La déclaration parle de la possibilité d'un « changement de direction ». Elle soutient que cela peut être réalisé à travers l'imposition d'une taxe sur les transactions financières, la création d'euro-obligations et une politique monétaire inflationniste. Elle appelle aussi à une « offensive de la démocratie », en déclarant : « Si l'on souhaite que l'Europe ait un avenir, il faut solliciter activement le soutien et l'accord de la population. » De plus, tous les « joueurs de l'arène publique européenne » doivent « s'accorder sur le thème central d'une Europe sociale et démocratique ».

Cette rhétorique creuse à propos de politiques économiques et de « démocratie » alternatives masque le fait que l'UE ne sert uniquement que les intérêts de la bourgeoisie européenne. L'UE est un instrument de la classe dirigeante pour détruire tous les droits sociaux et démocratiques que la classe ouvrière de l'Europe a pu obtenir durant un siècle d'immenses luttes de classes.

Les arguments des défenseurs de l'Union européenne sont absurdes. Ils parlent d'une « offensive de la démocratie » à un moment où la troïka et les institutions de l'UE ont procédé à un changement de gouvernement en Grève et en Italie par des moyens totalement antidémocratiques, installant un gouvernement « technocratique » dont la mission explicite est de mettre en ouvre des coupes brutales dans les dépenses sociales au nom des intérêts de l'aristocratie financière et au mépris de la volonté de la vaste majorité de la population.

Les dirigeants des gouvernements à Athènes et à Rome nommés par l'UE - Luka Papademos et Mario Monti respectivement - sont d'anciens banquiers et économistes. Leurs gouvernements n'ont pas été démocratiquement élus et sont ouvertement dévoués aux intérêts des banques européennes et à l'élite financière.

Les ministres des Finances de l'UE ont approuvé le pacte fiscal, qui comprend un plafond d'endettement selon le modèle allemand. Il oblige les parlementaires au niveau fédéral, étatique et municipal à imposer des mesures d'austérité. S'ils s'opposent à cette politique de dévastation sociale et cèdent à la pression populaire, ils sont passibles de poursuites.

La politique de l'UE est dictée par les banques européennes et internationales. L'élite financière a d'abord reçu des centaines de milliards d'euros d'argent des contribuables transférés des caisses des États aux banques et aux spéculateurs à l'aide des plans de sauvetage mis en oeuvre à la suite du krach financier de 2008. Ensuite, ils ont déclaré que les gens vivaient au-dessus de leurs moyens et ont ordonné aux divers gouvernements de mettre en place des mesures d'austérité. Maintenant, ils exploitent la crise économique et le chômage de masse pour détruire tous les acquis sociaux passés de la classe ouvrière.

Dans ces conditions, ceux qui parlent d'une démocratisation de l'UE sont soit des abrutis, soit des charlatans politiques. De toute façon, ils dissimulent les politiques de droite de l'UE avec des phrases de gauche.

Les dirigeants syndicaux qui ont signé la déclaration sont membres de partis impliqués dans le développement et la mise en ouvre des politiques actuelles de l'UE. Les organisations qu'ils dirigent ont, en outre, joué un rôle clé pour maintenir sous contrôle l'opposition populaire grandissante face à l'UE en la dissipant au moyen de vaines manifestations. Quelques jours avant que la déclaration ne soit publiée, la chancelière allemande Angela Merkel a rencontré les principaux dirigeants syndicaux européens pour « mettre le cap sur l'avenir », comme l'a dit Merkel.

La déclaration elle-même indique clairement que les syndicats ont donné leur accord de principe aux coupes sociales menées à travers l'Europe. Le texte appelle au « rejet du pacte fiscal sous sa forme actuelle » [nous soulignons] et plaide pour « une renégociation du cadre de la politique budgétaire ». Les syndicats demandent, essentiellement, à être impliqués plus directement dans la formulation et l'application des coupes.

Les signataires de la déclaration sont tous des collaborateurs chevronnés dans l'imposition des attaques sociales contre la classe ouvrière. Les syndicats allemands ont travaillé avec le gouvernement social-démocrate-Vert du chancelier Gerhard Schröder pour mettre en place des coupes sociales sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'UE et les gouvernements européens considèrent ce « modèle allemand » comme l'exemple à suivre pour de plus importantes coupes à travers l'Europe.

La liste des signataires est une sorte de bottin mondain de la bureaucratie syndicale allemande. Parmi les initiateurs de l'appel, on compte Frank Bsirske, le président de Verdi; Annelie Buntenbach, une responsable de la Fédération des syndicats allemands (DGB) et membre des Verts et d'Attac ; et Hans-Jürgen Urbahn, un membre du conseil d'administration du syndicat IG Metall. Parmi les premiers signataires, on retrouve le président de DGB, Michael Sommer et Franz Steinkühler, l'ancien président de IG Metall, qui travaille maintenant comme un consultant pour les entreprises.

La liste est complétée par les signatures de plusieurs universitaires. En plus d'Habermas, elle inclut des chercheurs en sciences sociales comme Elmar Altvater et Frank Deppe, qui sont tous deux membres du parti La Gauche et qui tentent depuis longtemps de donner un vernis démocratique à l'UE.

Mais les faits sont têtus et il devient de plus en plus clair chaque jour que l'UE est depuis le début une initiative des classes dirigeantes. L'établissement d'un marché européen commun a servi à renforcer l'Europe de l'Ouest contre l'Union soviétique durant la Guerre froide. Durant les années 1970, elle est devenue un instrument de suppression des grèves et de tout mouvement de masse des travailleurs. Particulièrement après la réunification allemande et la dissolution de l'Union soviétique au début des années 1990, l'Union européenne a été utilisée comme un instrument des grandes puissances européennes pour défendre leurs intérêts dans la situation mondiale changeante.

Le « Traité de l'Union européenne » a été signé à Maastricht en mars 1992, seulement trois mois après l'effondrement de l'Union soviétique. Depuis le début, l'Union européenne s'est chargée de renforcer les entreprises européennes contre leurs compétiteurs internationaux. La stratégie de Lisbonne, adoptée en 2000 à un sommet d'urgence des dirigeants de l'Europe au Portugal, avait pour but avoué que l'Union européenne devienne « l'économie du savoir la plus compétitive et dynamique du monde ».

Ce que cela signifie en pratique peut être observé actuellement en Grèce. Les mesures d'austérité dictées par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque centrale européenne ont complètement ruiné le pays et plongé de larges couches de la population grecque dans la pauvreté et la misère. Des congédiements de masse prennent place, les salaires sont coupés jusqu'à 50 pour cent, les avantages sociaux sont diminués et l'économie grecque est plongée dans une profonde récession. De longues files d'attente s'allongent maintenant devant les soupes populaires à Athènes et la population est en proie à la faim. Le taux de chômage officiel est à plus de 23 pour cent et celui des jeunes est estimé à plus de 60 pour cent.

Pour arrêter ce cauchemar social, les travailleurs européens doivent consciemment entreprendre une lutte commune contre l'UE, ses institutions et ses partisans politiques. L'unité de la classe ouvrière européenne et de la population entière de l'Europe est forgée non pas par l'UE, mais dans la lutte contre elle.

L'UE doit être renversée et remplacée par des gouvernements ouvriers partout en Europe. Malgré les belles paroles d'Habermas sur la « démocratisation de l'UE », la réalité est que l'Europe ne peut être démocratiquement unie sur la base du capitalisme. Ceci est possible seulement par une lutte pour les États unis socialistes d'Europe.