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L'État québécois mobilise son appareil de répression contre les étudiants en grève

Lien publiée le 7 avril 2012

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.wsws.org/francais/News/2012/avr2012/queb-a07.shtml

L'État québécois fait appel à son appareil répressif pour mettre fin à une grève étudiante qui dure depuis plusieurs semaines contre la hausse de 75 pour cent des frais de scolarité post-secondaire décrétée par le gouvernement libéral de Jean Charest.

Tôt mercredi dernier, la police anti-émeute a pourchassé et arrêté une soixantaine d'étudiants qui continuaient de manifester au centre-ville de Montréal après que la police eut déclaré leur manifestation illégale. La raison invoquée par les policiers pour disperser, et ensuite arrêter, les étudiants protestataires est qu'ils auraient fait acte de « vandalisme », comme renverser des tables et des présentoirs, lors d'incursions dans le chic hôtel Reine Elizabeth puis le centre d'achats Eaton. Nonobstant la version de la police, rien ne permet de conclure que des actes criminels ont été commis par les étudiants.

L'arrestation a été filmée par CUTV, la chaîne de télévision communautaire des étudiants de l'Université Concordia. Dans la vidéo, diffusée sur Internet, on voit des policiers bousculer les étudiants avant de procéder à leur arrestation, sans daigner répondre à ceux qui demandent pourquoi on les arrête. Cette scène n'est que la dernière d'une série de violentes interventions policières contre les étudiants grévistes, qui ont vu l'usage de matraques, de gaz lacrymogènes, de poivre de Cayenne et de grenades assourdissantes.

Le caméraman de CUTV, Laith Marouf, a été lui aussi arrêté parce qu'il insistait pour filmer l'arrestation. La reporter de CUTV qui l'accompagnait, Sabine Friesinger, raconte ce qui s'est passé : « Nous étions en direct. Des étudiants ont été encerclés et poussés par les policiers. Ils ont donné des coups aussi. Le cameraman a dit plusieurs fois : "Je suis des médias, nous sommes en direct." Ils ne devaient pas vouloir qu'on filme ça. J'ai finalement pu récupérer la caméra, mais lui (le caméraman), il est toujours en état d'arrestation ».

Tandis que des policiers procèdent à des arrestations arbitraires d'étudiants en grève, des juges rendent des décisions pour saper leur droit de grève.

Le 30 mars dernier, la Cour supérieure du Québec faisait face à une requête déposée par une étudiante du Collège d'Alma alléguant que son droit d'assister aux cours avait été bafoué par un vote de grève entaché d'irrégularités. Bien que le vote de grève contesté avait été renouvelé une semaine plus tard avec une claire majorité, le juge Jean Lemelin lui a donné raison et a ordonné la reprise des cours, dans une injonction en vigueur jusqu'au 10 avril. Dans sa décision, Lemelin a remis en question le droit de grève des étudiants. « La légalité de cette grève », a-t-il écrit, « apparaît douteuse en regard du régime et des lois du travail en vigueur au Québec, qui consacre le droit à la grève à certaines personnes et à certaines conditions très strictes ».

Quelques jours plus tard, le 3 avril en l'occurrence, le juge Bernard Godbout de la Cour supérieure ordonnait de mettre fin aux piquets de grève qui bloquaient l'accès à un cours d'anthropologie de l'Université Laval, suite à une requête déposée par un étudiant inscrit à ce cours. L'avocat de cet étudiant a ensuite déclaré sur les ondes de Radio-Canada avoir reçu quelque 150 courriels d'étudiants songeant à faire de même.

Le lendemain, soit le 4 avril, une nouvelle demande d'injonction était déposée à la Cour supérieure, cette fois par un établissement, à savoir l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Dans sa requête, la direction de l'UQAM voulait forcer ses 23 000 étudiants en grève à lever les piquets de grève devant les pavillons de l'établissement. Les associations étudiantes de l'UQAM ont accepté de s'y soumettre. La juge Micheline Perrault a ensuite accordé l'injonction, qui sera en vigueur jusqu'au 19 avril. Les étudiants grévistes devront s'abstenir de gêner l'accès ou la circulation près des pavillons de l'UQAM, et se garder d'« intimider » ou de « menacer » toute personne désirant y pénétrer. Ceux qui contreviendraient à l'injonction sont passibles d'une amende de 50 000 $ et d'une peine de prison allant jusqu'à un an.

Pendant qu'il manipule d'une main le bâton de la répression policière et judiciaire, l'État québécois tend de l'autre main la carotte d'une ouverture apparente au dialogue. Le gouvernement libéral a annoncé le 5 avril qu'il allait élargir son programme de prêts étudiants et mettre en place un régime de remboursement proportionnel au revenu. Mais ces deux mesures ne concernent aucunement la revendication principale des étudiants en grève, à savoir l'accès à l'éducation pour tous. Leur seul impact sera d'augmenter l'endettement étudiant.

Malgré la ligne dure maintenue par le gouvernement sur sa décision d'augmenter drastiquement les droits de scolarité, malgré la mobilisation de la police et des cours pour intimider les étudiants en grève, ces derniers restent déterminés dans leur lutte. Quelque 180 000 étudiants sont toujours en grève illimitée à travers la province, certains depuis plus de 50 jours. Il y a un sentiment général que c'est l'avenir de la jeunesse qui est en jeu.

Mais ce qui fait défaut aux jeunes grévistes, c'est une perspective politique capable de faire avancer leur lutte. La hausse des frais de scolarité est une mesure socialement injuste, et les étudiants ont tout à fait raison de s'y opposer avec tant d'énergie. Mais cette mesure fait partie d'un assaut plus vaste, non seulement sur l'éducation, mais aussi sur la santé et les services publics, ainsi que les emplois et les conditions de travail.

C'est la politique suivie non seulement par le gouvernement libéral du Québec, mais par tous les paliers de gouvernement à travers le Canada. Elle fait partie des plans de la classe dirigeante, au Canada et à l'échelle internationale, pour faire payer aux travailleurs et à la jeunesse les frais de la profonde crise du capitalisme mondial. C'est pourquoi, tout l'appareil répressif de l'État est mobilisé pour leur mise en place.

Les étudiants ne doivent pas mener une lutte isolée contre une mesure en particulier, mais se tourner vers les travailleurs pour lancer conjointement une contre-offensive contre toute la politique de réaction sociale de l'élite dirigeante. Un tournant vers les travailleurs implique avant tout une lutte commune pour briser l'influence politique de la bureaucratie syndicale qui étouffe depuis des décennies tout mouvement de résistance des travailleurs. Cette perspective est rejetée par les associations étudiantes qui dirigent la grève, et notamment celle qui a lancé le mouvement, à savoir CLASSE (Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante). Les dirigeants de CLASSE ne mentionnent jamais les travailleurs comme une force sociale vers laquelle les étudiants devraient se tourner. Dans la mesure où ils parlent d'élargir la lutte étudiante, c'est pour faire appel à divers groupes de protestation des classes moyennes et aux syndicats.

La liste d'invités officiels à un « grand rassemblement populaire » organisé par CLASSE le 9 avril prochain comprend plusieurs syndicats, dont le syndicat des métallos, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ). Cette dernière a déjà offert ses services au gouvernement pour l'aider à torpiller la grève étudiante. Selon un article publié sur le site de Radio-Canada : « La FNEEQ croit qu'un moratoire d'un an sur la hausse des droits de scolarité et la tenue d'un véritable débat public sur l'éducation seraient accueillis favorablement par les étudiants et pourraient mettre fin à leurs moyens de pression. »

L'autre danger qui menace la grève étudiante est qu'elle soit détournée derrière le parti de la grande entreprise qu'est le Parti québécois. Sa dirigeante Pauline Marois a récemment fait la promesse démagogique que son parti annulerait la hausse des droits de scolarité s'il prenait le pouvoir. Mais c'est sous la gouverne du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard au milieu des années 90 qu'un assaut majeur sur l'éducation et la santé a été lancé au nom du « déficit zéro ».

Passant sous silence le dossier du PQ en matière de coupures drastiques dans les programmes sociaux, les dirigeants de la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) et de la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) ont annoncé que la prochaine étape de la lutte des étudiants sera de cibler une dizaine de députés libéraux jugés vulnérables en vue de la prochaine élection provinciale.